27/06/2024 investigaction.net  4min #251387

 Bolivie : l'ex-chef des forces armées arrêté après une tentative de coup d'État

Bolivie : Tentative de putsch dans un pays en crise

José Antonio Egido

AFP

A la mi-journée du 26 juin, des véhicules blindés et des troupes de l'armée bolivienne, commandés par son chef supérieur, le général Zuñiga, se sont déployés hostilement dans le centre-ville de La Paz, centre administratif et politique de l'État plurinational de la Bolivie. Quels sont les enjeux de cette tentative de putsch dans un pays qui traverse trois crises simultanées ?

Depuis son indépendance en 1825, la Bolivie est le pays d'Amérique latine qui a connu le plus grand nombre de coups d'État militaires. Ces opérations ont très souvent débouché sur la mise en place de dictatures de droite. Le dernier putsch s'était déroulé en 2019. Il avait évincé le très populaire Evo Morales pour installer un régime d'extrême droite qui déclencha une vague de répression meurtrière. Les masses des ouvriers, des mineurs et des paysans qui constituent la base du Mouvement au Socialisme (MAS) au pouvoir depuis 2006 finirent par vaincre le régime dictatorial. Le parti retourna au pouvoir avec l'élection du président Luis Arce Catacora, ancien ministre de l'Économie dans les gouvernements d'Evo Morales.

Aujourd'hui, la Bolivie traverse trois crises simultanées : une crise économique découlant de la grave crise économique du voisin argentin avec lequel la Bolivie garde des liens commerciaux et financiers étroits ainsi qu'une grande dépendance ; une crise géopolitique résultant des pressions étasuniennes pour s'approprier les plus grandes réserves de lithium au monde que lorgnent les monopoles occidentaux ; une crise politique provoquée par les tensions internes du MAS entre la ligne du leader historique Evo Morales, soutenu par une base ouvrière et paysanne combative et celle du président Luis Arce qui apparaît plus modéré, même s'il n'a pas trahi la voie stratégique progressiste d'unité latino-américaine et d'anti-impérialisme. Arce maintient ainsi la Bolivie avec le Nicaragua, Cuba, Venezuela et des pays caribéens dans le bloc de l'ALBA fondé par Hugo Chavez et Fidel Castro. Arce a par ailleurs renforcé les liens de la Bolivie avec la Russie, la Chine et le pôle des BRICS.

Certains commentateurs de droite prétendent que le coup d'État a été commandé par le président lui-même pour renforcer sa position politique. Évidemment, ce n'est ni la thèse du gouvernement bolivien, ni celle d'Evo Morales, ni celle des pays latino-américains qui condamnent fermement cette tentative de putsch.

Confrontant le général Zuñiga, le président a rappelé qu'il était le chef des forces armées et donc, son supérieur hiérarchique. Arce a démis de leurs fonctions les chefs des trois branches des forces armées pour les remplacer par trois autres chefs loyaux. Il a également appelé le peuple bolivien à descendre massivement dans les rues pour soutenir la démocratie et le gouvernement. Les masses ont littéralement chassé les troupes du centre-ville de La Paz. Les images ont tourné et ont réjoui tous les peuples latino-américains habitués à la répression militaire et policière. Le général Zuñiga a été arrêté devant la presse, alors qu'il affirmait avoir agi sous les ordres du président. Fort heureusement, la tentative de coup d'État a avorté sans affrontements physiques ni pertes humaines. Le calme est revenu dans les rues.

Au Venezuela, la leader d'extrême droite, Maria Corina Machado, a apporté son soutien à la tentative putschiste. Laissant apparaître le rôle néfaste de cette politicienne soutenue en Occident comme une « chantre de la démocratie ».

L'ingérence des États-Unis est fort probable. Depuis longtemps, Washington cherche à déstabiliser le seul gouvernement progressiste, populaire, démocratique et membre de l'ALBA dans le Cône Sud du continent sud-américain. Place que la Bolivie occupe aux côtés du gouvernement brésilien de Lula, également progressiste et indépendant, mais pas membre de l'ALBA.

Le coup d'État a échoué en Bolivie. Mais il faudra suivre les événements pour voir si les différences entre Morales et Arce pourront être surmontées pour renforcer un État progressiste et anti-impérialiste plutôt que de chuter dans le chaos du voisin argentin, ultralibéral, hyperinflationniste, sauvagement endetté par le FMI et soumis aux diktats de Washington.

Source:  Investig'Action

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