La crise politique en Biélorussie s'est vite transformée en un front opposant à nouveau la Russie et l'Occident. Alors que le climat reste tendu dans le pays, les deux parties s'accusent mutuellement d'ingérence.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a condamné mercredi ce qu'il affirme être une ingérence en Biélorussie par des forces extérieures et a accusé l'OTAN et l'Union européenne (UE) d'émettre des déclarations «destructrices» concernant la crise politique dans ce pays.
Le 2 septembre, le chef de la diplomatie russe a rencontré son homologue biélorusse Vladimir Makeï à Moscou. Lors de cette rencontre Sergueï Lavrov a rappelé que la Russie reconnaît le résultat du scrutin présidentiel en Biélorussie et fonde ses espoirs dans le dialogue afin de stabiliser la situation.
«Nous considérons, comme l'a souligné Vladimir Poutine dans sa dernière interview [diffusée par la chaîne publique russe Rossia 1 le 29 août, ndlr], les élections présidentielles comme effectives. Et nous attendons avec impatience une normalisation rapide de la situation grâce au dialogue, le respect des normes de la Constitution actuelle de la République de Biélorussie et le respect de l'Etat de droit», a déclaré Lavrov lors de la conférence de presse.
Le chef de la diplomatie russe a également souligné que Moscou considère inacceptable toute ingérence dans les affaires intérieures de la Biélorussie ainsi que les propositions persistantes des services de médiation contre la volonté souveraine de Minsk, y compris celle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Des idées douteuses sur la médiation sont imposées aux dirigeants biélorusses, notamment par le biais de l'OSCE, qui elle-même connaît une crise profonde
«Des idées douteuses sur la médiation [entre le pouvoir légitime et l'opposition, ndlr] sont imposées aux dirigeants biélorusses, notamment par le biais de l'OSCE, qui elle-même connaît une crise profonde, qui doit être réformée et qui s'est révélée incapable de remplir ses obligations en matière d'observation d'élections à l'international», a-t-il affirmé aux journalistes.
Par ailleurs Sergueï Lavrov a noté que Moscou possède des informations selon lesquelles la déstabilisation de la situation en Biélorussie serait menée depuis le territoire ukrainien. «De telles activités sont menées depuis le territoire ukrainien. Il a cité plusieurs organisations et mouvements ultranationalistes ukrainiens qui selon le ministre «sont activement impliqués dans la provocation d'actions radicales à Minsk et dans d'autres villes en Biélorussie».
L'ingérence américaine et européenne dans les affaires internes de la Biélorussie est inacceptable, selon Moscou
Après une vague de manifestations post-électorales, nombre de pays occidentaux ont appelé Moscou, allié proche et historique de Minsk, à ne pas s'ingérer dans la crise politique en Biélorussie.
L'UE qui, contrairement à Moscou, a refusé de reconnaître le résultat de l'élection en Biélorussie, a imposé des sanctions à une vingtaine de responsables biélorusses qu'elle juge coupables de la répression des manifestants. De son côté, Moscou a dénoncé les menaces et sanctions de pays de l'Union européenne contre des responsables biélorusses, exprimant son soutien au projet de la réforme constitutionnelle proposé par le président Alexandre Loukachenko en réponse aux contestations.
La Pologne et les pays baltes sont allés plus loin et ont appelé à la tenue de nouvelles élections. Les Etats-Unis ont également manifesté leur soutien à Svetlana Tikhanovskaïa, une des leaders de l'opposition et épouse d'un ex-candidat écarté de la course à la présidentielle. Lundi 24 août, l'ex-candidate exilée en Lituanie a rencontré le secrétaire d'Etat adjoint américain Stephen Biegun en Lituanie pour discuter du «développement de la démocratie et des droits de l'Homme dans le pays» ainsi que du «transfert pacifique du pouvoir».
Tout cela n'empêche pas l'Occident de mettre en garde la Russie contre une ingérence en adoptant parfois un ton menaçant. Ainsi, les Etats-Unis ont appelé la Russie, le 31 août, à «respecter la souveraineté» de la Biélorussie, en réponse à Vladimir Poutine, qui a annoncé plus tôt la constitution d'une «réserve» d'agents des forces de l'ordre destinée à aider les autorités biélorusses si la situation venait à dégénérer. Le président russe a pourtant bien souligné que cette force n'avait pas vocation à être utilisée à moins que «la situation soit hors de contrôle et que des éléments extrémistes []... franchissent certaines limites», selon les propos du chef du maître du Kremlin.
«La Russie doit (...) respecter la souveraineté de la Biélorussie et le droit de son peuple à élire ses dirigeants de manière libre et juste», a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Kayleigh McEnany citée par l'agence AFP.
Face au grand nombre d'appels à la retenue adressés à Moscou,Vladimir Poutine a fait noter que même si la Russie suit de près les événements en Biélorussie voisine, elle fait preuve de beaucoup plus de neutralité que l'Occident vis-à-vis de la situation dans ce pays ravagé par la crise politique.
Nous agissons d'une manière beaucoup plus retenue et impartiale que de nombreux autres pays d'Europe et d'Amérique, y compris les Etats-Unis, en ce qui concerne les événements en Biélorussie
«Nous agissons d'une manière beaucoup plus retenue et impartiale que de nombreux autres pays d'Europe et d'Amérique, y compris les Etats-Unis, en ce qui concerne les événements en Biélorussie», a déclaré Vladimir Poutine, cité par l'agence RIA Novosti. Il a d'ailleurs souligné que c'est «probablement le pays le plus proche de la Russie sur les plans ethnique, culturel et spirituel».
La même position a été exprimée aujourd'hui par le ministre Sergueï Lavrov. Selon lui, les déclarations des dirigeants occidentaux sur la situation en Biélorussie sont immorales, elles montrent leur manque de compétences en matière diplomatique.
Nous condamnons la pression qu'un certain nombre d'Etats étrangers tentent d'exercer sur les autorités légitimes biélorusses et qui soutiennent en même temps l'opposition mécontente des résultats des élections présidentielles
«Regardez quelles déclarations sont faites sur la situation en Biélorussie par le secrétaire général de l'OTAN, des représentants de l'Union européenne, des dirigeants occidentaux qui sont à la tête de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Quels sermons, prononcés sur un ton qui ne permettent même pas de douter que cela devrait être pris par tout le monde comme un guide d'action», a regretté le chef de la diplomatie russe, le 1er septembre, en soulignant que «c'est contraire à l'éthique non seulement d'un point de vue diplomatique, mais aussi d'un point de vue humain».
«Nous condamnons la pression qu'un certain nombre d'Etats étrangers tentent d'exercer sur les autorités légitimes biélorusses et qui soutiennent en même temps l'opposition mécontente des résultats des élections présidentielles», a déclaré Sergueï Lavrov.
Recevant son homologue biélorusse Vladimir Makeï à Moscou le 2 septembre, le chef de la diplomatie russe a annoncé qu'Alexandre Loukachenko serait reçu par Vladimir Poutine «dans les deux prochaines semaines». Pour la première fois depuis le début de la crise politique, la visite officielle du premier ministre russe Mikhaïl Michoustine à Minsk est prévue le 3 septembre, tandis que le 4 septembre le ministre de la Défense de Biélorussie, Viktor Khrenine, se rendra à Moscou pour participer à une réunion des chefs des ministères de la Défense des pays membres de la CEI, de l'OCS et de l'OTSC.
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