05/12/2019 histoireetsociete.wordpress.com  9min #165524

 Chili : l'état d'urgence après des manifestations violemment réprimées

Ce chant chilien devient un hymne mondial contre les violences faites aux femmes, ses symboles cachés...

Lundi 2 Décembre 2019

Au Chili comme au Soudan et dans d'autres pays, la présence des femmes, leur action physique même est devenu une réalité, à l'inverse de la Bolivie où l'extrême droite raciste a réussi à dissocier la lutte des femmes de celle d'une société entière pour le droit à la vie, à la dignité, l'entrée des femmes dans le mouvement de classe est fondamental, espérons qu'il en sera de même en France. « Le patriarcat est un juge / Qui nous reproche d'être nées / Et notre punition / C'est la violence du moment / Ce sont les féminicides / L'impunité pour mon assassin / C'est la disparition / C'est le viol », scande la première strophe, avant d'asséner : « Le violeur, c'était toi / Le violeur, c'était toi / C'est la police / Les juges / L'État / Le Président. / L'État oppressif est un violeur masculin. » Parce que, comme nous l'explique la vidéo ci-dessous en espagnol, ce chant et sa chorégraphie contiennent beaucoup de symboles cachés en particulier le policier est interpelé comme celui qui a juré de protéger la nation, comme un amant et qui la viole à travers ses femmes. Le sort réservé aux femmes est alors le symbole de ce que cette société réserve aux plus faibles et en quoi elle a perdu toute légitimité, c'est ici que l'apport de Marx est important pour comprendre ce qui se joue dans la société chilienne et dans le monde à travers cette entrée des femmes dans les luttes, phénomène que l'on a constaté chez les gilets jaunes (note de Danielle Bleitrach).

  1. COMMENT CETTE CHANSON EST NÉE AU CHILI |

La contestation sociale qui fait rage au Chili depuis plus d'un mois a vu émerger un chant chorégraphié dénonçant les violences faites aux femmes. Devenu viral sur internet, il a été repris par les militantes féministes du monde entier.

« Ce n'était pas de ma faute, ce n'était pas non plus à cause de l'endroit où je me trouvais ni à cause de la façon dont j'étais habillée. Le violeur, c'était toi. » Ce chant est né à Valparaíso, au  Chili, au cœur du mouvement de contestation sociale qui monte en puissance depuis plusieurs semaines dans le pays.

La hausse du prix du ticket de métro a mis le feu aux poudres, entraînant une remise en question de toute la société chilienne, où persistent et s'accroissent de profondes inégalités.  Une crise sociale émaillée de violences, lors des manifestations, mais aussi de chansons.

Une véritable « playlist » a fini par se constituer, accompagnant la lutte sociale. S'y mêlent des chansons du répertoire populaire chilien que l'on chantait à l'époque de la résistance à la dictature de Pinochet (1973-1990), comme le célèbre  El pueblo unido, et des tubes d'aujourd'hui.

Une nouvelle chanson a surgi lors des récentes manifestations. Et ce cri de ralliement ayant fait vibrer les rues chiliennes a rapidement dépassé les frontières du pays. Intitulée Un violador en tu camino (Un violeur sur ton chemin), cette chanson a été créée par un collectif féministe, LasTesis.

Elle entend dénoncer les violences faites aux femmes et les causes systémiques qui les entretiennent : « Le patriarcat est un juge / Qui nous reproche d'être nées / Et notre punition / C'est la violence du moment / Ce sont les féminicides / L'impunité pour mon assassin / C'est la disparition / C'est le viol », scande la première strophe, avant d'asséner : « Le violeur, c'était toi / Le violeur, c'était toi / C'est la police / Les juges / L'État / Le Président. / L'État oppressif est un violeur masculin. »

Rendre intelligibles les messages féministes

Accompagnées d'une chorégraphie simple et efficace, ces paroles ont été entonnées pour la première fois par des centaines de femmes aux yeux bandés, le 20 novembre 2019, sur la place Aníbal Pinto, à Valparaíso.

« Nous avons décidé de regrouper les théories féministes dans un format scénique de manière simple et délicate afin que leurs messages atteignent davantage de personnes qui n'ont peut-être pas eu l'occasion de les lire ou de les analyser », a expliqué l'une des quatre membres du collectif Dafne Valdés au site d'information chilien Interferencia.

La vidéo de leur chorégraphie chantée est rapidement devenue virale, inspirant d'autres militantes à travers le pays, puis à travers le monde, en Argentine, en Colombie, au Mexique...

L'hymne féministe a ensuite traversé l'Atlantique, pour se répandre en Espagne, en Belgique et en France, comme par exemple vendredi 29 novembre, au Trocadéro, à Paris : « On a répondu à l'appel de nos sœurs chiliennes. Après qu'elles ont interpellé le monde entier avec leur chanson et leur danse, on a voulu dénoncer ce qu'il se passait pour elle », a indiqué l'une des participantes françaises à l'Agence France Presse

Laura DANIEL

2. LE SENS DE LA CHANSON CHILIENNE

Au Chili, les violences policières se multiplient contre les femmes

Car à travers cette mise en scène, les militantes chiliennes ont aussi voulu alerter sur les violences policières qu'elles subissent depuis le début de la contestation dans le pays.

Les plaintes contre les violences sexuelles commises par des forces de l'ordre ont explosé depuis le début de la lutte chilienne, comme le dénoncent les organisations de défense des droits de l'homme : 93 personnes, dont 23 mineures, ont assuré en avoir été victimes durant le premier mois de contestation, selon les chiffres de l'Institut national des droits humains (INDH).

Comme nous l'explique la vidéo ci-dessous en espagnol, ce chant et sa chorégraphie contiennent beaucoup de symboles cachés en particulier le policier est interpelé comme celui qui a juré de protéger la nation, comme un amant et qui la viole à travers ses femmes. Le sort résrvé aux femmes est alors le symbole de ce que cette société réserve aux plus faibles et en quoi elle a perdu toute légitimité. On retrouve à travers la référence au patriarcat ce que Marx et Engels affirmaient pour le premier dans l'origine, de la famille, de la propriété et de l'Etat et le second dans les manuscrits de 1844, à savoir que la manière dont une société traite les femmes reflète la manière dont les êtres humains dans cette société se conçoivent eux mêmes, parce que l'être humain n'est pas un mais au moins deux l'homme et la femme et ceux-ci sont pris dans des rapports de production que l'exploitation teinte de sa couleur (son ether).

Dans ses Manuscrits parisiens (1844), Marx écrit ce passage qui éclaire la condition des femmes dans la longue durée des sociétés humaines:

« Dans le comportement à l'égard de la femme, proie et servante de la volupté commune, s'exprime l'infinie dégradation de l'homme vis-à-vis de lui-même, car le secret de ce comportement trouve sa manifestation non équivoque, décisive, évidente, nue, dans le rapport de l'homme à la femme, et dans la manière dont le rapport direct et naturel des sexes est conçu. Le rapport immédiat, naturel, nécessaire de l'homme à l'homme est le rapport de l'homme à la femme. Dans le rapport naturel des sexes, le rapport de l'homme à la nature est immédiatement son rapport à l'homme; de même, celui-ci est son rapport immédiat à la nature, sa propre vocation naturelle. Il est la manifestation sensible, la démonstration concrète du degré jusqu'où l'essence humaine est devenue la nature, ou celle-ci l'essence de celle-là. Il permet de juger de tout le degré du développement humain. Du caractère de ce rapport, on peut conclure jusqu'à quel point l'homme est devenu pour lui-même un être générique, humain, et conscient de l'être devenu. Le rapport de l'homme à la femme est le rapport le plus naturel de l'humain à l'humain; c'est là que l'on apprend dans quelle mesure le comportement naturel de l'homme est devenu humain, ou dans quelle mesure l'essence humaine lui est devenue essence naturelle, dans quelle mesure sa nature humaine lui est devenue chose naturelle. »

Ce passage, comme l'analyse de Engels sur les sociétés patriarcales et sur le matriarcat d'origine on été interprétés dans un sens qui met à mal le primat des rapports de production chers à Marx. C'est une erreur non seulement comme le dit Engels dans sa lettre à Joseph Bloch, ces rapports de production agissent en dernière instance mais jamais Marx et Engels n'ont nié l'importance des formations sociales, des civilisations sur l'expression de ces rapports de production, mais ils nous permettent au contraire de mieux comprendre ce que ce féminisme tel que l'expriment les femmes chiliennes dit de fondamental.

Si le capitalisme en est arrivé aujourd'hui à un tel niveau d'exploitation que c'est la vie humaine qui est menacée, l'intervention des femmes, la manière dont elles s'adressent au coeur même de leur intimité de leur corps à la violence sociale est au contraire fondamentale et elle apporte chacun le sent bien une force tellurique, venue du fond des âges et de l'humanité à la dénonciation de cette société. ce n'est pas un hasard si c'est au Chili, là où des femmes ont vu leurs enfants torturés devant elle pour les forcer à parler, là où depuis le début du mouvement il y a réellement féminicide que 30 ans de silence et de peur s'exprime... C'est la jeunesse, les femmes qui disent leur refus.

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