C'est ce vendredi 9 avril qu'expire le délai fixé par la CPI (Cour Pénale Internationale) aux autorités israéliennes pour répondre à la notification envoyée le 9 mars, leur demandant de communiquer la liste des enquêtes menées sur les faits incriminés (sur lesquels la CPI ouvre une enquête comme elle l'a annoncé le 5 février dernier).
Israël est sollicité dans un premier temps par la CPI, selon le principe dit de « complémentarité » (*), pour communiquer la liste des enquêtes menées sur les mêmes faits (ce afin de ne pas dupliquer les efforts des entités judiciaires nationales antérieurs).
Que va faire Netanyahou qui n'a cessé de répéter qu'il a son propre système judiciaire et qu'il est en mesure d'enquêter lui même sur d'éventuels crimes commis par ses ressortissants ?
Si Israël répond formellement à la CPI sur les éventuelles enquêtes internes menées en relation avec les faits sur lesquels la CPI veut enquêter, il légitimerait la décision du 5 février dernier, qu'Israël considère officiellement comme illégitime, partiale et même » antisémite ». Et s'il ne répond pas à la CPI, il habiliterait alors juridiquement les enquêteurs de la CPI à examiner eux-mêmes tous les faits, sans exception d'aucune sorte.
Israël, après sa tournée peu probante des chefs d'Etat européens ne semble guerre à l'aise, d'autant que Joe Biden a annoncé le retrait des sanctions prises par l'administration Trump à l' encontre de la CPI.
L'Etat colonial semble également de plus en plus isolé à en juger par les résultats du dernier conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le vote de l'habituelle résolution annuelle condamnant la colonisation et les exactions israéliennes et exigeant que les Palestiniens puissent s'auto-déterminer vient de recueillir 32 voix contre 22 l'an dernier. Des pays comme l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas ou le Japon qui avaient voté contre l'an dernier, ont voté pour cette résolution à la fin mars.
Et les analystes estiment que cette tendance devrait se confirmer lors de votes similaires au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies en septembre/octobre 2021, où cette fois seront concernés non pas 47 mais 193 Etats Membres des Nations Unies.
Il semblerait qu'Israël ait pour le moment choisi de ne pas choisir, en essayant de gagner du temps et en demandant un délai. Ils ont pris contacts avec des responsables de la CPI, en leur demandant de repousser le début des investigations à la prise effective de ses responsabilités par le nouveau procureur britannique, Karim Khan, qui remplace Fatou Bensouda, dont ils espèrent une attitude plus « souple » à son égard, selon la radio de l'armée israélienne.
*Le principe de complémentarité signifie que la CPI n'examine que les affaires qui n'ont pas fait l'objet d'enquêtes par les autorités judiciaires nationales; ou bien, lorsqu'à travers de prétendues « enquêtes », la réticence de l'État à rechercher et à punir dûment les responsables des actes incriminés est manifeste. « Le droit israélien considérant la colonisation comme légitime, aucune enquête nationale ne sera bien sûr menée sur les auteurs du crime de colonisation. Le bureau du procureur pourra donc enquêter sans délai sur ces faits, sans qu'Israël puisse lui opposer la règle de la « complémentarité », à savoir l'existence de procédures pénales menées dans un État contre les auteurs de crimes de guerre et qui peut faire obstacle à l'exercice de la compétence de la CPI, comme cela sera peut-être le cas dans les deux premiers types de crimes commis à Gaza », estime par exemple le magistrat Ghislain Poissonnier. ( theconversation.com)
Source : Nicolas Boeglin, Professeur de Droit International Public, Faculté de Droit, Universidad de Costa Rica (UCR), publié par : pressenza.com