15/04/2024 arretsurinfo.ch  6min #246846

 Chronique de la résistance : l'Iran s'impose et change « la donne »

Des voix de l'establishment s'élèvent qualifiant Israël d'État voyou

Par  Philip Weiss

Un Palestinien fuit l'attaque contre l'hôpital al-Shifa et marche vers le sud en direction de Deir al-Balah. 25 mars 2024. Photo ©Omar Ashtawy

Le mépris d'Israël pour le droit international déstabilise le Moyen-Orient, selon certaines voix de l'establishment. Le chef d'un think tank du Parti démocrate, affirme même qu'Israël n'est pas une démocratie.

Deux semaines après l'attaque d'Israël sur le consulat d'Iran à Damas, assassinant des  commandants iraniens de haut rang, l'Iran a répondu  par des frappes de drones la nuit dernière, et le monde entier se demande comment Israël va réagir.

La question est posée non sans inquiétude. Israël a défié tous les appels occidentaux à modérer ses agissements au cours des six derniers mois à Gaza, tandis que l'attaque iranienne est considérée comme sobre et "performante" (d'après la couverture de la BBC et de CNN aujourd'hui). En effet, ce qui se profile derrière les actualités de la semaine, c'est qu'Israël se rapproche du statut d'État voyou, même dans le discours de l'establishment.

Un éditorial du New York Times a appelé à "suspendre les livraisons d'armes" à Israël - enfin - parce qu'il déstabilise la région et que les États-Unis restent "redevables" à un dirigeant qui n'a visiblement pas de comptes à rendre, en la personne de Netanyahou.

"L'érosion du soutien international à sa campagne militaire a renforcé la précarité d'Israël.... M. Netanyahou a tourné le dos à l'Amérique et à ses appels, créant une crise dans les relations américano-israéliennes alors que la sécurité d'Israël et la stabilité de toute la région sont en jeu."

Jeremy Ben Ami, de J Street, admet également que l'attaque d'Israël à Gaza est "un sérieux revers pour les intérêts et les valeurs des États-Unis". Lobbyiste israélien de longue date, Ben-Ami affirme qu'Israël a incontestablement commis:

"Des violations manifestes du droit international", sapant ainsi la "légitimité d'Israël aux yeux du reste du monde" et "créant indubitablement une nouvelle génération de militants palestiniens, mais aussi dans toute la région et dans le monde entier".

(Fut un temps où seule la gauche était accusée de délégitimer Israël...)

H.A. Hellyer, de la Carnegie Endowment for International Peace [Fondation Carnegie pour la paix dans le monde], s'est fait l'écho de M. Ben-Ami dans une  interview accordée à NPR. La destruction gratuite de Gaza par Israël a "incroyablement isolés" les États-Unis. Il a décrit Israël comme l'État voyou par excellence :

"On assiste à une surenchère dans l'escalade. Et je pense que la communauté internationale, en particulier les États-Unis, mais aussi les autres alliés, doivent simplement reconnaître que c'est à cet Israël-là que nous avons affaire, et que c'est à cet Israël-là que nous continuerons probablement d'avoir affaire à l'avenir."

M. Hellyer a souligné qu'Israël "ne veut pas d'une solution à deux États". Et la conséquence est:

"Je crains que le pays soit une force très déstabilisante dans la région proche."

Le mépris d'Israël pour les droits des Palestiniens est repris par le président du Center for American Progress - le principal thinktank du parti démocrate -  qui a déclaré à Politico qu' Israël n'est pas une démocratie. Selon Patrick Gaspard, les Palestiniens doivent bénéficier des mêmes droits que les Israéliens et il faut cesser de parler d'une création à deux États.

"Nous devons nous demander si la solution des deux États est toujours la seule voie vers la paix.

"Les Palestiniens - si nous voulons résoudre ce problème - doivent pouvoir exister dans un Israël qui respecte l'intégralité de leurs droits."

Israël et ses partisans rejettent l'idée que Juifs et Palestiniens puissent coexister. "Je pense qu'éliminer la possibilité de coexistence est, en soi, vraiment cynique et tragique", a déclaré M. Gaspard.

Même Nancy Pelosi  appelle les États-Unis à cesser de fournir des bombes à Israël. Quant à Elizabeth Warren, elle a enfin qualifié les actions israéliennes de "génocidaires".

Karen Sudkamp, analyste de la sécurité à la Rand Corporation, qui a passé dix ans dans les agences de renseignement américaines,  affirme qu'Israël reproduit  sans réfléchir les erreurs commises par l'Occident dans sa "guerre contre le terrorisme" en ignorant les préoccupations des Palestiniens. Il compromet ainsi la sécurité de tous.

Le New Yorker  s'est fait l'écho de Sudkamp dans un article affirmant qu'Israël est embarqué dans une  "guerre éternelle" .Sa seule stratégie consiste à infliger des souffrances aux civils palestiniens. Et cela nuit aux États-Unis.

Enfin, nous avons publié cette semaine  une enquête importante. Tareq Hajjaj a rapporté le massacre de centaines de fonctionnaires palestiniens à l'hôpital al-Shifa, accusés d'être affiliés au Hamas et au Jihad islamique palestinien. Les sources de Hajjaj ont déclaré que ces victimes n'étaient pas des agents militaires.

"L'armée a ensuite fait sortir un grand nombre d'hommes du groupe de membres et collaborateurs présumés du Hamas et du PIJ, et les a rassemblés au centre de la cour [de l'hôpital]. Elle a ensuite procédé à leur exécution, l'un après l'autre."

L'article a été largement repris par les médias qui soutiennent les droits fondamentaux des Palestiniens. Les médias mainstream américains ont jusqu'à présent ignoré le massacre, généralement parce que les Palestiniens ne comptent toujours pas pour la plupart des rédacteurs en chef. L'idée que les Palestiniens puissent revendiquer plus fermement le "droit à se défendre ne leur vient jamais à l'esprit", comme l'a écrit notre commentateur Donald Johnson.

 Philip Weiss

Article original en anglais publié le  14 Avril 2024 sur  Mondoweiss.net

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