La fabrique de la peur : opus 1, le tireur fou
Nous vivons dans un monde assurément étrange.
Moins de 24 heures après l’incident de Strasbourg, commis par un ex-délinquant de droit commun, devenu recruteur de chair à canon à expédier en Syrie pour se battre contre le méchant Bashar et ses alliés iranien et russe pour le compte de l’OTAN, un autre relais lointain et oublié s’allume ! Vous l’avez peut-être oublié depuis le temps : la fameuse Al-Qaïda au Maghreb.
Du fin fond de son QG caché quelque part entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger et sous la barbe et le nez des forces françaises et des drones US engagés au Sahel, Abdelmalek Droudkel est ressuscité. Miracle !
Le chef de guerre donné plusieurs fois pour mort réapparaît comme par magie pour ridiculiser les efforts de l’opération Berkhane au Sahel et disserter durant de longues minutes de la…crise des Gilets Jaunes en France.
Droudkel nie la neutralisation de plusieurs chefs d’Al-Qaïda en Libye méridionale par des frappes US (raids d’Al-Ouinat, Sud-Ouest de la Libye) ou d’organisations armées au Mali comme celle de la Massina, menée par des frappes françaises.
Dans la foulée, il qualifie l’annonce par Paris de l’élimination de Mohammed Koufa, émir du front de libération de la Massina d’acte désespéré visant à justifier un hypothétique résultat positif au fiasco militaire et politique absolu de la France au Mali.
Droudkel lie ce fiasco à l’étranger avec la politique économique désastreuse du gouvernement français en soulignant que malgré le pillage systématique des ressources africaines par Paris, les populations françaises sont écrasées par des taxes injustes et des impôts car les Opex coûtent la peau des fesses et c’est à ce moment qu’il aborde la crise des Gilets Jaunes.
La guerre psychologique est un art qui a ses propres limites. La diversion en est le pilier. Le tireur fou fiché S du marché de Noël de Strasbourg n’était pas un simple indicateur comme les autres mais un « traitant », un meneur ; il avait une réelle influence sur les détenus en prison, il faisait du prosélytisme orienté et encadrait des jeunes perdus dans le système carcéral français et une partie de ces jeunes est partie en Syrie sous l’oeil bienveillant de Paris et d’Ankara.
Il était donc tout à fait naturel qu’une quelconque organisation terroriste du genre Daech en Orient et plus spécifiquement le Levant, revendique la « chevauchée » ou la glorieuse « razzia » de Strasbourg dans des termes empruntés à l’eschatologie islamique remasterisés par les experts autoproclamés de l’islamisme politique au sein des services de renseignement de l’OTAN.
Il n’en fut rien.
On nous déterre Droudkel du côté du Sahel pour brouiller les pistes.
Ce survivant de la lutte sans merci que livra l’Armée algérienne au terrorisme durant presque vingt-six ans, puis aux multiples opérations militaires françaises au Sahel est un personnage controversé.
Certains analystes le soupçonnent d’accointances avec la DGSE via un intermédiaire d’un intermédiaire allié de Paris, voire sa doublure.
C’est donc une sorte d’Al-Zawahri mais en version guerrière et combative car l’égyptien hableur de la CIA est un clerc qui n’a jamais touché une arme de sa vie.
Contraste saisissant avec Droudkel. L’Aurésien (des Aurès, un massif montagneux de l’Est Algérien) est un redoutable combattant qui a connu les très durs maquis algériens puis la guérilla saharienne avant d’être repoussé vers le Sahel où il retrouve son ennemi juré et son rival, un compatriote : le chef de guerre Mokhtar Belmokhtar, dit le borgne, alias Mister Marlboro, alias le Djinn, dont la carrière connut une avancée fulgurante avec la chute du régime libyen.
En gros, Droudkel chercha à éliminer physiquement Belmokhtar et prendre les commandes de son groupe armé. Belmokhtar quitta Al-Qaïda pour fonder sa propre franchise et osciller entre les nouvelles tendances internationales en la matière, notamment la mode Daech.
Diversion, brouillage de pistes et résurrection d’épouvantails terrés au fin fond du Sahel. Les Gilets Jaunes n’ont qu’à bien se tenir et rester chez eux.
Cette situation dépasse dans sa complexité la structure ternaire du monde de « 1984 ».
Tout est lié. Le hasard a très peu de place dans le monde camisolé d’aujourd’hui.
Le public non averti ne sait pas qu’un individu fiché S, surveillé 24h/24, 7 jours sur 7, sous écoute et souvent pris en filature, n’a aucune chance d’obtenir des armes de guerre fabriquées en Bulgarie ou en Pologne s’il n’a pas eu accès à la base logistique du Gladio destiné à mettre sur pied des cohortes de combattants pour le grand Djihad otanien en Syrie et ailleurs pour la sauvegarde des privilèges exclusifs de l’oligarchie.
Un monde étrange, assurément !
source: strategika51.blog