La photographie en une du New York Times montrant une Yéménite de 7 ans souffrant des conséquences de la famine causée par le conflit au Yémen a été censurée par Facebook. Quelques jours plus tard, la fillette est morte de malnutrition.
Le 27 octobre dernier, le New York Times décidait que l'heure était venue d'éveiller les consciences au sujet de la situation au Yémen, que les Nations unies ont qualifié de pire crise humanitaire au monde et qui dure depuis 2015. Le prestigieux quotidien américain a néanmoins été surpris de subir la censure de Facebook.
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Afin d'illustrer la gravité de la famine qui sévit au Yémen, le New York Times avait en effet choisi une photographie poignante pour sa une : une petite fille de 7 ans, répondant au nom d'Amal Hussain, dont le regard vitreux et le torse cadavérique devaient témoigner, certes crûment, des affres de la guerre que livrent l'Arabie saoudite et ses soutiens occidentaux et arabes dans le pays. Seul souci : le cliché ne respectait pas les règles du réseau social.
Ce n'est pas la violence contenue dans cette image qui est en cause, ni celle, indirectement évoquée par celle-ci, de la répression par Riyad du mouvement insurrectionnel houthi, mais bel et bien... le corps dénudé de la petite fille qui a posé problème. Face à l'indignation qu'a soulevée cette décision, Facebook a finalement décidé de faire machine arrière en rétablissant l'article - et les messages l'ayant relayé avant la censure.
Les règles de Facebook, particulièrement strictes en matière de nudité, confinent parfois à l'absurdité. En 2011, un internaute français avait ainsi vu son compte suspendu pour avoir partagé une photographie de L'Origine du monde de Gustave Courbet. Cinq ans plus tard, c'est la fameuse photographie prise par Nick Ut, sur laquelle une jeune fille nue fuit un épandage de napalm par l'armée américaine au Vietnam, qui avait été frappée de censure. Plus récemment encore, Facebook avait retiré de son réseau un cliché représentant des enfants nus dans un camp de concentration nazi.
La mort d'Amal, symbole d'un conflit aux conséquences désastreuses
Tragédie dans la tragédie : on apprenait le 2 novembre dernier le décès de la jeune Amal Hussain, dont le portrait, réalisé par le photographe Tyler Hicks, avait ému le monde entier. «Mon cœur est brisé», a déclaré sa mère, Mariam Ali, au New York Times. «Amal était toujours souriante : maintenant, je suis inquiète pour mes autres enfants», a-t-elle ajouté.
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Longtemps peu médiatisé, le conflit au Yémen constitue pourtant une sérieuse menace pour la stabilité de la région du Golfe persique. Le pays est en proie à une guerre civile qui oppose les rebelles chiites houthis initialement proches de l' ancien président Ali Abdallah Saleh (qu'ils ont fini par tuer le 4 décembre 2017 après un retournement d'alliance de celui-ci), aux partisans d'Abd Rabbo Mansour Hadi, président actuel du pays, qui vit depuis 2015 en exil en Arabie saoudite. A maintes reprises, les ONG humanitaires ont dénoncé les effets dramatiques sur les populations civiles de l'intervention la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite.
Le conflit opposant le gouvernement yéménite, soutenu par la coalition de Riyad, armée et soutenue, notamment, par les Etats-Unis et la Royaume-Uni, et d'autre part des combattants rebelles houthis, proches de l'Iran, fait rage depuis 2015. La coalition est intervenue militairement au Yémen cette année-là pour restaurer le gouvernement qui avait été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles. Depuis, le conflit a fait près de 10 000 morts et plus de 55 000 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé. Plus de 2 200 autres personnes sont mortes du choléra. Ces derniers mois, les Houthis ont intensifié les tirs de missiles contre l'Arabie saoudite qui accuse Téhéran, son grand rival régional, de leur fournir ce type d'équipement. L'Iran reconnaît soutenir politiquement les Houthis mais nie tout appui militaire.
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