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par Philippe Chapleau
«Abandonnés» ! L'humeur est visiblement morose au sein du contingent français au Niger. Principalement, confinés sur la BAP (la base aérienne projetée) située près de l'aéroport de Niamey, les quelque 1 500 soldats français sont au cœur d'un bras de fer entre l'Élysée et les putschistes du 26 juillet qui souhaitent le départ des forces françaises et qui ont dénoncé plusieurs accords de coopération militaire conclus avec l'ex-puissance coloniale (photos EMA prises à Niamey).
Côté français, Emmanuel Macron, intransigeant, maintient qu'un éventuel redéploiement des forces françaises au Niger ne sera décidé qu'à la demande du président Mohamed Bazoum toujours considéré par la France comme le légitime chef de l'État.
En attendant un accord politique, la situation des militaires français se dégrade depuis le début du mois de septembre : relève compromise, réserves qui s'épuisent, encadrement sous stress, peur d'une sortie de crise violente...
A cela s'ajoute la crainte d'être débordés par les manifestants nigériens qui bloquent tous les accès au camp français. «Le problème, c'est la foule. Elle se fait manipuler par le mouvement M62 principalement qui fait monter le sentiment anti-français. Ce sont ces mêmes manifestants qui ont stoppé le boulanger et qui empêchent les personnels locaux de venir travailler sur la BAP. Alors que les personnels locaux peuvent encore travailler pour les Allemands et les Italiens. Le filtrage n'est pas effectué par les forces armées nigériennes mais par les manifestants», explique un ancien militaire qui travaille sur place.
Ravitaillement aléatoire
Sur la BAP, les conditions de vie sont de plus en plus compliquées : «Aucun mouvement d'avion, les mouvements entre la zone vie et la zone technique sont surveillés et filtrés par l'armée nigérienne, un fossé antichar a été creusé, plus de ravitaillement alimentaire, évidemment pas d'autorisation de sortie. La base vivait sur les réserves des congélateurs jusqu'à cette semaine. Désormais pas de pain, le papier toilette rationné», a résumé un soldat français à sa famille.
«Nous avons encore un stock conséquent de carburant pour les groupes électrogènes, nous sommes aussi autonomes concernant l'eau potable et sanitaire et il y a encore de quoi manger un certain temps», précise toutefois l'ancien militaire français avant d'ajouter: «En revanche, la situation sur les deux bases avancées (Ouallam et Ayorou) devient intenable : plus de ravitaillement en eau, nourriture et carburant. Bientôt plus d'électricité pour eux. Et il est impossible de les approvisionner».
A Ouallam, au nord de Niamey, près de 200 soldats vivent de plus en plus chichement, leur autonomie passée devenant un souvenir. "Tout ça ne tient qu'à un fil. Ce qui me pose problème, c'est que nos capacités se dégradent un peu plus tous les jours, décrit un sous-officier qui préfère garder l'anonymat. La mission : «Tenir, c'est OK ; mais il nous faut de quoi manger, se laver et un minimum de confort ! Dimanche, l'électricité coupe et nous n'aurons plus de moyen de recharger nos appareils une fois que nos batteries seront déchargées. Nous attendons juste une direction de manœuvre ; rien que ça, ça nous donnerait du moral».
Des députés inquiets
L'état-major des Armées (EMA) relativise ces difficultés, reconnaissant des «approvisionnements compliqués», tout en se voulant rassurant : «L'état des capacités de combat, dont l'état du moral des militaires, est suivi par le commandement à tous les niveaux. Aujourd'hui, la posture des militaires français au Niger permet de répondre à toutes les éventualités, notamment en cas de besoin d'utiliser la force.»
L'EMA précise aussi que «les militaires en opérations sont confrontés par nature à une forme d'incertitude et aux changements de situation. Ils sont formés et entraînés pour agir dans des conditions parfois très rustiques et dans des environnements sécuritaires difficiles. La préparation et la planification des missions intègrent cette complexité».
Malgré tout, plusieurs députés français se sont émus de la dégradation des conditions de vie du contingent français au Niger. Ainsi, le député brestois Jean-Charles Larsonneur a fait part de ses inquiétudes dans un courrier de lundi au ministre des Armées Sébastien Lecornu.
source : Lignes de Défense
envoyé par Dominique Delawarde