C'est le pire naufrage en mer Méditerranée depuis le drame de Lampedusa en octobre 2013. Dans la nuit du mardi 13 au mercredi 14 juin, un navire transportant entre 400 et 750 migrants a coulé au large du Péloponnèse, au sud-ouest de la Grèce, faisant au moins 78 morts, selon un bilan provisoire. Les garde-côtes grecs ont annoncé que 104 personnes avaient été secourues. Mais plusieurs centaines d'autres sont encore portées disparues, ce qui pourrait aggraver le bilan.
Les autorités grecques ont-elles tenté d'intervenir ?
Selon le site du Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, les autorités grecques et Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières, ont repéré l'embarcation en fin de matinée mardi, avant de la suivre, par avion et bateau toute la journée, jusqu'au naufrage.
Retour sur les évènements. Le Centre de coordination pour la recherche et le sauvetage (MRCC) est informé mardi matin qu'un bateau de pêche est en difficulté. Le chalutier file vers les côtes italiennes. Tout l'après-midi, les garde-côtes grecs et Frontex disent avoir gardé le contact avec le bateau par téléphone satellite.
De son côté, la plateforme d'aide aux migrants en mer, Alarm Phone, a été contactée par l'un des passagers dès le début d'après-midi. « Ils disent qu'ils ne peuvent pas survivre la nuit, qu'ils sont dans une grande détresse. Alarm Phone essaie de recevoir leurs coordonnées GPS actuelles afin de pouvoir alerter les autorités - mais l'appel est coupé », raconte le collectif dans un rapport qui détaille heure par heure les conditions du naufrage.
Par la suite, la plateforme multiplie les communications satellites avec le navire, mais les appels coupent régulièrement. Vers 15h35, le bateau de pêche est repéré par l'hélicoptère de la garde côtière grecque.
« L'utilisateur du téléphone satellite à bord du bateau, qui parlait anglais, a répondu que le navire n'était pas en danger, qu'il ne voulait aucune aide autre que de la nourriture et de l'eau et qu'il souhaitait continuer vers l'Italie », précise le site du Premier ministre grec. À l'heure actuelle, on ne sait pas si ce sont les migrants qui ont refusé l'aide ou les passeurs qui ont pris cette décision au dépend des autres passagers.
Dans la nuit de mardi à mercredi, juste après le naufrage, les garde-côtes sont intervenus pour porter secours aux naufragés. Cent-quatre personnes ont été secourues mais des centaines d'autres sont portées disparues.
Comment le bateau a-t-il chaviré ?
« Le navire faisait 25 à 30 mètres de long. Le pont était bondé, et nous pensons que l'intérieur l'était aussi », a déclaré à la chaîne de télévision grecque ERT le porte-parole des garde-côtes, Nikolaos Alexiou.
Au petit matin, mercredi, le moteur du chalutier cesse de fonctionner et celui-ci tangue dangereusement de gauche à droite sous le poids des centaines de passagers. Vers 2h, un navire des garde-côtes grecs voit le bateau de pêche chavirer. En 15 minutes, le bateau coule dans des eaux profondes de la mer Ionienne.
Qui étaient les passagers à bord ?
Le chalutier aurait appareillé, il y a au moins cinq jours, dans le port libyen de Tobrouk, à l'est du pays. Les passagers seraient majoritairement originaires de Syrie, du Pakistan ou d'Égypte, mais il y aurait aussi des Bangladais.
Selon les autorités grecques, on compte parmi les survivants 47 Syriens, 43 Égyptiens, 12 Pakistanais et deux Palestiniens. D'après le média grec Kathiremini, les passagers auraient payé 6 500 dollars pour le voyage de la côte libyenne à l'Italie.
Plus de 20 personnes sont toujours hospitalisées à Kalamata, selon la chaîne publique ERT. « Ils souffrent surtout de pneumonie, de déshydratation, d'hypothermie », a indiqué Manolis Makaris, directeur du département cardiologique de l'hôpital de Kalamata, à la radio municipale d'Athènes.
Un survivant a également assuré à ce médecin qu'il avait vu une centaine d'enfants dans la cale du bateau. Les femmes et les enfants auraient été parqués à l'intérieur du chalutier pendant la traversée, ce qui expliquerait que les survivants soient tous des hommes. Les garde-côtes ont précisé qu'au moment du drame aucun passager n'était équipé d'un gilet de sauvetage, information qui semble contredite par l'image des passagers sur le bateau.
Les corps de victimes ont été transférés au cimetière de Schisto, dans la banlieue ouest d'Athènes où une autopsie aura lieu, selon la télévision publique.
Dans quel état se trouvent les survivants ?
Une vaste opération de sauvetage entamée mercredi matin a permis de secourir 104 personnes au total, malgré de mauvaises conditions de mer et un vent violent. Tous les survivants du naufrage ont été amenés à Kalamata, une petite ville touristique située au sud-ouest du Péloponnèse. Les autorités les ont installés dans un hangar du port, après leur avoir distribué des vivres et des couvertures.
Selon le journaliste grec Yannis Souliotis, la plupart de ces jeunes hommes présentent des brûlures au visage dues à une longue exposition au soleil. « Ils sont sous le choc, ont des crises de panique et certains doivent être transportés à l'hôpital », a témoigné un médecin de l'hôpital de Kalamata.
Deux patrouilleurs, un hélicoptère et six autres navires de la région continuaient, jeudi, à inspecter les eaux à l'ouest des côtes du Péloponnèse, indique l'AFP. Les opérations de sauvetage s'avèrent compliquées, la zone de recherche se situant dans une zone particulièrement profonde de la mer Méditerranée.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs proches de personnes disparues lors de ce naufrage demandent davantage d'informations : « Mon frère est dans le bateau. Je veux joindre les survivants. Je veux savoir si mon frère est vivant ou non », écrit l'un d'eux sur Twitter.
Comment réagissent les autorités grecques ?
La Grèce a décrété trois jours de deuil national à la suite de cette tragédie qui intervient en pleine campagne électorale en vue des élections législatives du 25 juin, auxquelles participe l'ancien Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis.
Selon la correspondante de France 24 en Grèce, le parquet grec a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le sauvetage de cette embarcation. Quelque 10 personnes sont interrogées tandis que plusieurs personnes ont déjà été arrêtées. L'enquête doit permettre de déterminer dans quelles circonstances s'est déroulé le drame.