29/06/2019 tlaxcala-int.org  8 min #158487

Le G20 face à une crise de crédibilité

Guerres commerciales, gazouillis et libéralisme occidental : le rideau tombe sur le sommet du G20 à Osaka

 Justin McCurry

Shinzo Abe déclare que le premier G20 réuni au Japon est un succès, mais le sommet a révélé de profondes divisions

Les délégués présents au sommet du G20 en 2019 Photo Kim Kyung-Hoon/Reuters

Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a peut-être qualifié le sommet du G20 de succès samedi après-midi, mais les deux jours que les dirigeants des 20 économies les plus riches du monde ont passés dans l'humidité de la saison des pluies d'Osaka ont également amplifié les divisions profondes et potentiellement infranchissables sur tout, du changement climatique au futur du libéralisme occidental.

Les pays du G20, a dit M. Abe, « ont la responsabilité d'affronter franchement les problèmes mondiaux et de trouver des solutions par un dialogue franc ». Leur communiqué, qui avait été remis en question 24 heures plus tôt alors que l'UE et les USA se disputaient sur la manière de décrire la crise climatique, allait dans une certaine mesure dans le sens de ses exigences.

Vladimir Poutine et Shinzo Abe Photographie : Mikhaïl Klimentyev/AP

Leur compromis a permis à 19 des 20 dirigeants de réaffirmer leur attachement à l'accord de Paris, mais a laissé suffisamment de place à Washington pour tenter de justifier son isolement croissant de l'effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux dommages que cela causerait aux "travailleurs et contribuables américains".

Le "dialogue franc" qu'Abe souhaitait ardemment s'est toutefois avéré plus problématique.

La journée d'ouverture du sommet a été assombrie par la guerre commerciale Chine-USA, la présence du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammad bin Salman, et, pour le public britannique du moins, la confrontation de Theresa May avec Vladimir Poutine sur l'empoisonnement au novichok de Salisbury.

Theresa May n'a pas tenté de masquer son malaise en serrant la main de Vladimir Poutine. Photo Reuters

Poutine avait déjà énervé Donald Tusk, entre autres, en déclarant dans une interview au Financial Times publiée au début du sommet que le libéralisme était obsolète.

C'était un thème sur lequel il est revenu samedi soir, lorsqu'il a prétendu que l'immigration avait porté atteinte aux droits d'autres personnes, et a attribué la victoire électorale de Trump en 2016 au désenchantement vis-à-vis des idéaux libéraux dominants.

« L'idée libérale a commencé à se manger elle-même », a déclaré M. Poutine aux journalistes à Osaka. « Des millions de personnes vivent leur vie, et ceux qui propagent ces idées sont séparés d'eux. Les gens vivent dans leur propre pays, selon leurs propres traditions, pourquoi cela leur arriverait-il ? »

Mais alors que les dirigeants du G20 rentraient chez eux, il y avait également lieu d'être prudemment optimistes.

Trump et le président chinois, Xi Jinping, ont pris du recul par rapport au précipice de la guerre commerciale - du moins pour l'instant - lors de leur rencontre très attendue, tandis que tous les dirigeants du G20, sauf un, ont décidé de ne pas franchir la " ligne rouge " du président français Emmanuel Macron sur la crise climatique et ont fait référence à leurs obligations " irréversibles " dans le cadre des accords de Paris. L'engagement a également été pris de ne plus augmenter la pollution des océans du monde par les déchets plastiques d'ici à 2050.

Inévitablement, c'est à Donald Trump qu'il incombait d'enlever un peu de l'éclat du premier sommet du G20 japonais avec un gazouillis du samedi matin qui a déclenché la spéculation qu'il allait rencontrer le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, sur la péninsule fortement armée qui a divisé la péninsule coréenne depuis 55 ans.

Trump a proposé que lui et le leader Kim se rencontrent dans la zone démilitarisée [DMZ] pour se serrer la main et "dire bonjour" pendant sa visite en Corée du Sud dimanche.

Donald J. Trump (realDonaldTrump)

Après quelques réunions très importantes, y compris ma rencontre avec le Président Xi de Chine, je quitterai le Japon pour la Corée du Sud (avec le Président Moon). Pendant que j'y serait, si le président Kim de Corée du Nord voit ça, je le rejoindrais à la frontière/DMZ juste pour lui serrer la main et lui dire bonjour(?)!

Le 28 juin 2019

La Corée du Nord a décrit cette offre comme très intéressante, mais a dit ne pas encore avoir reçu d'invitation officielle

« Je suis d'avis que si les réunions [Corée du Nord - USA] se tiennent sur la ligne de démarcation, comme le souhaite le président Trump, cela constituerait une nouvelle occasion importante d'approfondir les relations personnelles entre les deux dirigeants et de faire progresser les relations bilatérales », a déclaré l'agence de presse nord-coréenne KCNA, citant Choe Son-hui, premier vice-ministre des Affaires étrangères du pays.

Trump a dit aux journalistes : « On va être là-bas et j'ai juste lancé une sonde parce que je ne sais pas où il est en ce moment. Il n'est peut-être pas en Corée du Nord. S'il est là, on se verra deux minutes, c'est tout ce qu'on peut faire, mais ça serait chouette ».

Il a dit qu'il n'aurait aucun problème à entrer en Corée du Nord s'il rencontrait Kim pour une poignée de main et pour "dire bonjour".

Trump franchissant la ligne de démarcation qui sépare la Corée du Nord de la Corée du Sud serait un énorme symbole, faisant écho à un geste similaire du président sud-coréen, Moon Jae-in - avec l'encouragement de Kim - lors de leur rencontre sur la DMZ l'an dernier.

« Bien sûr que si, je le ferais. Je me sentirais très à l'aise de le faire. Je n'aurais aucun problème », a dit Trump, ajoutant qu'il croyait que Kim suivait son compte Twitter. « Je suppose qu'il le fait parce que nous avons reçu un appel très rapidement », a-t-il dit.

Si Kim accepte l'invitation, il s'agirait de la première rencontre des deux dirigeants depuis le sommet sur la dénucléarisation qui s'est tenu à Hanoi en février dernier sans qu'ils parviennent à un accord.

Certains observateurs de la Corée du Nord ont interprété les commentaires de Choe comme un signe que la rencontre aura lieu. Commentant l'info de KCNA, John Delury, un expert de la Corée du Nord de l'Université Yonsei à Séoul, a gazouillé : « Sans vouloir trop gloser là-dessus, c'est du nord-coréen pour "oui" ».

La Maison Bleue présidentielle de Corée du Sud a déclaré que rien n'avait été confirmé à ce stade et a ajouté : « Notre position, qui est d'espérer qu'un dialogue entre les USA et la Corée du Nord aura lieu, reste inchangée ».

Trump et Kim se sont rencontrés deux fois, d'abord à Singapour en juin dernier, puis à Hanoi en février. Aucun des deux sommets n'a abouti à un accord global qui verrait la Corée du Nord abandonner son programme d'armes nucléaires en échange d'un allégement des sanctions.

Mais selon Scott Seaman, directeur d'Eurasia Group Asia, il est peu probable qu'une séance de photos sur la DMZ, aussi symbolique soit-elle, permette de résoudre leurs divergences sur la dénucléarisation, loin de là.

« Pour que les pourparlers deviennent consistants, ou bien Kim doit s'engager de manière crédible en faveur de la dénucléarisation ou bien Trump doit accepter de manière crédible de permettre à Kim de conserver certaines de ses armes nucléaires », dit Seam. « Sans un but commun, la création d'une feuille de route viable pour l'atteindre restera impossible ».

Donald Trump a annoncé que les USA n'imposeraient pas d'autres droits de douane à la Chine. Photo Kevin Lamarque/Reuters

Quelques heures après son ouverture impromptue à Kim - et des mois après l'échec de leur sommet sur la dénucléarisation à Hanoi - Trump est sorti d'une réunion avec Xi pour déclarer que les négociations commerciales avec la Chine étaient " sur la bonne voie ".

Il a déclaré que les USA n'imposeraient pas d'autres droits de douane dans une guerre commerciale en cours qui, selon d'autres dirigeants mondiaux, pourrait menacer l'économie mondiale, et a ajouté que les deux plus grandes économies du monde relanceront les négociations sur un accord commercial.

Le président US a déclaré lors d'une conférence de presse que lui et son homologue chinois avaient eu une " grande réunion ".

« Nous continuerons à négocier, et je promets qu'au moins pour l'instant, nous n'ajouterons pas de [tarifs] supplémentaires... Nous allons travailler avec la Chine pour voir si nous pouvons conclure un accord. La Chine nous consultera et achètera d'énormes quantités de produits alimentaires et agricoles, et elle va commencer à le faire presque immédiatement ».

Trump avait déclaré au début de la réunion qu'il était ouvert à un " accord commercial équitable historique " avec la Chine. « Nous sommes totalement ouverts à cela », a-t-il dit à Xi, qui a appelé à « la coopération et au dialogue » au lieu de la confrontation.

Trump a ajouté : « Nous voulons faire certaines choses qui égaliseront la situation en ce qui concerne le commerce. Nous étions très proches, mais il s'est passé quelque chose qui a un peu dérapé », en référence à l'échec des négociations précédentes.

Dans leur déclaration, les dirigeants du G20 ont évité de critiquer le protectionnisme à la Trump mais se sont engagés à réaliser un commerce "libre, équitable et non discriminatoire" et à "garder nos marchés ouverts".

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  theguardian.com
Publication date of original article: 29/06/2019

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