Daniel Larison
Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, accuse Israël de délibérément affamer les Palestiniens de Gaza : « Il n'y a aucune raison de bloquer le passage de l'aide humanitaire, de détruire les bateaux des petits pécheurs et les vergers de Gaza - si ce n'est celle d'empêcher délibérément les gens d'avoir accès à la nourriture », a déclaré Michael Fakhri, rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, au Guardian.
« Priver intentionnellement les gens de nourriture est clairement un crime de guerre. Israël a annoncé son intention de faire disparaître le peuple palestinien, en tout ou en partie, simplement parce qu'il est palestinien. En tant qu'expert des Nations unies en matière de droits de l'Homme, je considère qu'il s'agit désormais d'une situation de génocide. Cela signifie que l'État d'Israël dans son ensemble est coupable et doit être tenu pour responsable - et pas seulement des individus ou un gouvernement en particulier ». Indique Michael Fakhri.
Le gouvernement israélien inflige une punition collective à la population de Gaza depuis le début de la guerre, et une grande partie de cette punition consiste à bloquer les approvisionnements extérieurs en nourriture, en eau et en carburant. Les forces israéliennes détruisent, en plus, tous moyens qui permettent de produire de la nourriture localement. Les déclarations officielles et les actions du gouvernement israélien montrent clairement qu'ils ont l'intention de nuire à l'ensemble de la population. M. Fakhri est le dernier expert en date à confirmer ce que nous constatons depuis des mois : le gouvernement israélien fait exprès d'affamer la population de Gaza.
Le secrétaire général de MSF (Médecins Sans Frontières) Christopher Lockyear, s'est exprimé devant le Conseil de sécurité des Nations unies la semaine dernière et a décrit les difficiles conditions de vie engendrées par l'invasion militaire et le blocus israélien : Cette situation est le paroxysme d'une guerre qu'Israël mène contre l'ensemble de la population de la bande de Gaza - une guerre de punition collective, une guerre sans règles, une guerre à tout prix. Les lois et les principes, dont nous dépendons tous et qui régissent l'aide humanitaire, ne sont pas respectés au point de devenir insignifiants.
M. Lockyear a également expliqué comment le personnel et les installations de MSF ont été ciblés à plusieurs reprises par les forces israéliennes. « Les forces israéliennes attaquent nos convois, tirent sur nos hôpitaux et y mènent des raids, elles détiennent notre personnel et détruisent nos véhicules au bulldozer. Pour la deuxième fois, l'un des abris de notre personnel a été touché. Cette série d'attaques est soit intentionnelle, soit le signe d'une incompétence flagrante ».
Le directeur de l'UNRWA (L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), Phillipe Lazzarini, a tiré la sonnette d'alarme la semaine dernière en déclarant que l'UNRWA était « au bord du gouffre » et ce, à cause de la décision des États-Unis et d'autres états de suspendre leurs subventions :
« Je crains que nous ne soyons au bord d'une sérieuse catastrophe qui entraînera de graves conséquences pour la paix régionale, la sécurité et les droits de l'homme ».
Il est important de rappeler que les États-Unis et les pays occidentaux qui ont choisi de suspendre leurs subventions à l'UNRWA, l'ont fait sur la base d'allégations israéliennes non prouvées, selon lesquelles une dizaine d'employés de l'agence auraient pris part, de près ou de loin, à l'attaque du 7 octobre. L'ensemble de la population doit donc souffrir pour la faute présumée de quelques personnes. M. Fakhri conclut que les états qui ont suspendu leurs subventions à l'UNRWA sont complices de la famine à Gaza :
« Couper presque instantanément un financement, sur la base d'allégations non fondées à l'encontre d'un petit nombre de personnes, n'a d'autre but que la punition collective de tous les Palestiniens qui bénéficient de cette aide dans de nombreux pays. Les pays qui ont retiré cette aide sont incontestablement complices de la famine qui touche les Palestiniens », a déclaré M. Fakhri.
Bien que la CIJ (Cour Internationale de Justice) ait ordonné à Israël de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et de mettre en place des services de base, Amnesty International a déclaré cette semaine qu' « Israël n'a même pas mis en place les mesures minimales nécessaires pour se conformer à cette décision ». Selon Amnesty International, le peu d'aide qui a été autorisé à entrer dans l'enclave a en fait diminué au cours des semaines qui ont suivi l'arrêt de la CIJ. Le gouvernement israélien bafoue le droit international parce qu'il pense qu'il n'en paiera jamais le prix, et jusqu'à présent, l'administration Biden lui a effectivement donné toutes les raisons d'y croire.
Outre la faim engendrée par le blocus, la destruction des champs et le meurtre des pécheurs, la population de Gaza souffre de l'effondrement du système de santé, des infrastructures d'hygiène et de la propagation des maladies. Selon le New York Times, des épidémiologistes ont déclaré qu'une escalade de la guerre à Gaza pourrait engendrer 85 000 morts supplémentaires au cours des six prochains mois, et ce, en raison de blessures, de maladies et de traitements médicaux insuffisants ou inadaptés.
Cette famine qui engendre la faim chez les enfants et leur retard de croissance - c'est une torture ignoble et tout indique qu'elle est intentionnelle
Avec plus d'un million d'enfants à Gaza, ce sont eux qui sont majoritairement touchés par cette catastrophe. Le directeur général de l'UNICEF écrit : « Aujourd'hui encore, nous estimons qu'au moins 90 % des enfants de Gaza âgés de moins de cinq ans souffrent d'une ou de plusieurs maladies infectieuses et que 70 % d'entre eux ont eu une diarrhée au cours des deux dernières semaines, soit une multiplication par 23 par rapport à la situation de référence de 2022.
Mais c'est parce que les enfants de Gaza sont en malnutrition qu'ils sont particulièrement vulnérables aux épidémies - une situation évitable donc, si l'entrée d'une aide humanitaire suffisante était permise. M. Fakhri l'a mentionné au Guardian : la famine s'est répandue à Gaza de manière extraordinairement rapide.
« Se faire bombarder et tuer par l'armée israélienne est quelque chose d'horrible, mais cette famine qui engendre la faim chez les enfants et leur retard de croissance - c'est une torture ignoble et tout indique qu'elle est intentionnelle », a déclaré M. Fakhri, professeur de droit à l'université de l'Oregon.
Des enfants meurent littéralement de faim à Gaza. Les enfants les plus jeunes sont les plus menacés. L'une des dernières victimes est un bébé de deux mois, Mahmoud Fattouh. Et il ne sera pas le dernier. L'UNICEF prévient qu'il y aura bientôt une « explosion d'enfants qui mourront à cause de la famine [et que] ces morts-là, auraient pu être évitées ».
C'est le résultat atroce et prévisible de la punition collective infligée à des millions de personnes. Si la guerre ne s'arrête pas et que le blocus n'est pas levé, la situation continuera de se détériorer. Les États-Unis sont dans une position unique et peuvent faire pression en faveur de la fin de la guerre et du blocus afin d'éviter une catastrophe encore plus grave causée par l'homme. Mais le gouvernement, complice, refuse de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que cette catastrophe ne se produise.
Source : Eunomia
Traduit de l'anglais par Falasteen B. pour Investig'Action