L'Algérie a décrété ce lundi 7 octobre une journée de solidarité et de soutien avec les peuples libanais et palestinien frère, une journée qui coïncide avec le premier anniversaire du « Déluge d'Al Aqsa ». Algérie 54 est allé interroger l'un des grands reporters du monde, spécialiste du Proche-Orient, ayant couvert la guerre de six jours, les massacres de Sabra et Chatila et aussi le siège de Ramallah imposé par l'entité sioniste au président martyr Yasser Arafat. Il s'agit de Jacques-Marie Bourget, une des victimes de l'entité sioniste. Il avait miraculeusement échappé à une mort certaine en octobre 2000, après avoir été cible d'un sniper sioniste à Ramallah.
Algérie 54: Une année après le « Déluge d'Al Aqsa » le Proche Orient est aujourd'hui en plaine escalade augurant un embrasement général de la région. Quelle lecture faites-vous sur l'impact du 7 octobre 2023 ?
Jacques-Marie Bourget: L'opération de libération de la Palestine, lancée par le Hamas et d'autres alliés comme le Front Populaire de Libération de la Palestine, est une première depuis 1974. Alors, d'une façon militaire, Arafat, Abu Jihad et les combattants du Fatah avaient affronté l'armée israélienne. Depuis, il y a eu des accrochages, des attentats, des batailles de pierres, mais jamais de conflit armé. C'est donc le renouveau de la lutte de libération. Elle est parfaitement légitime puisque tout peuple occupé a le droit de défendre sa terre.
Sur le plan international c'est un énorme choc qui va entrainer la visibilité de pays et de citoyens du monde soutenant cette guerre de libération qui, à mon sens, ne s'arrêtera jamais tant que justice ne sera pas faite à la Palestine.
Le bilan humain, un génocide, est catastrophique comme le bilan social et matériel puisque 70% des immeubles de Gaza ont été touchés. Néanmoins les Palestiniens, sans aide ou presque, montrent un courage et une volonté encore plus forts que d'ordinaire. Ils attendent leur heure sachant que l'histoire les fera vainqueurs.
Nous sommes donc dans un des plus grands drames de l'histoire contemporaine entre celui que l'on veut détruite et celui qui suicide son avenir en commettant l'irréparable. Ainsi, l'Iran que l'Occident décrit comme faible et fragile, a démontré qu'il peut atteindre des cibles militaires en Israël, et s'il le souhaite, tout type d'objectif. La menace de la bombe atomique israélienne ne fait plus peur. Ou les sionistes font la paix, ou leur vie en Palestine va devenir intenable. Intenable du point de vue de la sécurité et de l'économie, la seule nuit de la dernière offensive iranienne a coûté un milliard de dollars en investissement de défense anti aérienne.
Par ailleurs, « « la guerre contre le Hamas », les sionistes l'ont perdue ce qui que, finalement, l'armée israélienne, face à la détermination, n'est plus la maîtresse au Moyen Orient.
Algérie54: La communauté internationale, via son Conseil de Sécurité de l'ONU, la CIJ et la CPI, est impuissante face à l'agression sioniste et le génocide des peuples palestinien et libanais. Quels sont selon vous les moyens appropriés pour mettre fin aux crimes contre l'humanité perpétrés par l'entité sioniste?
Jacques-Marie Bourget: Il est évident que « l'Occident », mis à part l'Irlande, la Belgique et l'Espagne, s'est conduit de façon honteuse, faisant payer la note d'un Holocauste dont il est coupable aux peuples de Palestine et du Liban qui n'y sont pour rien. Certes l'alliance, jamais aussi forte même sous Sharon, qui lie Israël aux USA, rend toute intervention difficile. Mais, contre Israël ou l'Amérique, il était possible de prendre des sanctions, d'entraver les routes du commerce, de lancer une offensive médiatique de peuples indignés. Mais tout a été étouffé, les protestations criminalisées, la CPI, chargée de mettre en examen les barbares du gang Netanyahou, continue de dormir alors que le cas Poutine a été réglé en 3 semaines. Cette lâcheté, particulièrement en France où certains continuent de se venger de la défaite en Algérie, via le cas de Palestine, la faiblesse de la protestation restera une tache.
L'attitude de l'Union Européenne est honteuse. Elle abreuve Israël de crédits et de passe droits, elle doit prendre des sanctions et appeler au boycott comme, je viens de la dire, elle ne s'est pas gênée pour le faire avec la Russie. Là encore le deux poids deux mesures. Cet abandon de « l'Occident », je le redis, sera une tâche dans l'histoire et une honte pour l'humanité. Israël est si puissant dans les « consciences » dirigeantes que même la Fédération Internationale de Football n'a pas voulu bannir l'état sioniste des compétitions.
L'alternative à une politique plus agressive et humanitaire, c'est de laisser une guerre s'installer, qui va certes rendre l'existence en Palestine et au Liban invivable, mais il en sera de même pour Israël qui a perdu sa sacro sainte » sécurité ».
Toute cette mollesse, cette philosophie de tourner le regard pour ne pas être témoins des crimes, colle bien a une presse mourante. Plus habituée à informer, la désinformation est sa ligne de conduite. Au mieux on tait les faits, au pire on invente de fausses vérités. Un exemple, l'émission de France 2 « Compléments d'enquête » a commandé un reportage sur le Hamas à la femme du colonel porte parole de l'armée génocidaire !
Le sommet du mensonge a été atteint dès le 7 octobre quand, mobilisant son service de propagande avec une grande rapidité, les sionistes ont donné une version fausse et apocalyptique de l'attaque Palestinienne, enfants dans les fours, viols etc… Bien sûr que des civils ont été tués, et c' en un crime de guerre, bien sûr que des otages ont été enlevés. Mais je sais qu'au moins 9 000 palestiniens sont, pour certains depuis des années, les otages de l'armée sioniste. Mais ceux-là ne comptent pas.
Et nous avons eu droit à des applaudissements sur le malice de la technologie israélienne capable de piger des téléphones, même si cela tue des innocents ! Et le Hezbollah a subi des pertes importantes en raison de son imprudence. Il n'a pas été capable de totalement dissocier sa branche politique de sa branche militaire qui, elle devait rester clandestine. Son exposition dans la société libanaise lui a été néfaste comme sa porosité aux agents de Mossad et à la corruption. Je pense qu'une restructuration va s'imposer et que ses soldats vont retrouver l'ombre. Des combattants qui, sans DCA ni avions ne peuvent rien contre les attaques aériennes. Mais qui, au sol, entrainés en Syrie, sont redoutables. Ils l'ont montré en interdisant aux soldats sionistes de pénétrer au Liban.
Vous posez la question, « que font les CPI et autres organisations internationales ? ». De Gaulle, à propos de l'ONU, avait parlé de « machin ». Nous en sommes toujours là.
L'ONU ne sert qu'à sanctionner les faibles et à distribuer des caisses de biscuits aux réfugiés. C'est effrayant de voir Israël, pays créé par décision de l'ONU (à une voix près achetée par les USA), devenir le pire ennemi de son inventeur. Je crois que la montée des BRICS, la silencieuse puissance chinoise qui arrive vont finir par avoir raison de l'impérialisme et du néo colonialisme américain qui devra revoir son esprit de conquistador planétaire.
Algérie54: La situation au Proche-Orient influera certainement sur la prochaine présidentielle américaine. Qu'en pensez-vous?
Jacques-Marie Bourget: Non. Les Américains, en dehors de quelques intellectuels, se moquent de la Palestine. De toutes les façons ce sont les Démocrates qui ont envoyé 70 000 tonnes de bombes pour écraser Gaza et le Liban… Trump ou Harris, pour les Palestiniens et les Libanais, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.
Algérie54: Le militant Georges Ibrahim Abdallah, libérable depuis 25 ans, est toujours en prison, à cause du diktat américano-sioniste sur la justice française. Quelles sont selon vous les actions à mener pour faire face à ce déni de justice et de droit?
Jacques-Marie Bourget: Le 7 octobre, Abdallah comparaissait devant des juges qui devaient décider de son sort. Je ne me fait guère d'illusion, en plus avec la situation actuelle au Moyen Orient. Les Etats Unis interdisent toujours à la France de le libérer, et à Paris, c'est Washington qui commande. Les Israéliens ont une autre politique, il ont la certitude, si jamais il rentre au Liban, de tuer Abdallah comme ils le font avec tous les chefs de la Résistance.
Entretien réalisé par M.Mehdi