Connu pour son arrogance et son approche chauvine du travail, l'ancien secrétaire à la Défense est devenu par la suite le symbole de l'échec de la guerre en Irak.
Source : Responsible Statecraft, Daniel Larison
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Donald H. Rumsfeld, alors secrétaire américain à la Défense, lors d'une réunion publique au Davis Conference Center, MacDill Air Force Base, Floride, le 11 octobre 2005. (Photo du DoD par le sergent-chef James M. Bowman)
Donald Rumsfeld, deux fois secrétaire à la Défense sous Ford et Bush, ancien représentant permanent auprès de l'OTAN et ancien membre du Congrès, est décédé à l'âge de 88 ans mardi, selon une annonce de sa famille.
Rumsfeld était l'un des principaux organisateurs et défenseurs de l'invasion et de l'occupation illégales de l'Irak, et il était également responsable de l'approbation des méthodes d'interrogatoire illégales qui ont conduit à la torture de détenus. Allié de longue date du vice-président de l'époque, Dick Cheney, Rumsfeld est l'un des fonctionnaires les plus responsables de la plus grande débâcle de la politique étrangère américaine depuis le Vietnam, et il est devenu le symbole des échecs de la gestion de la guerre en Irak par l'administration Bush. Il a été l'un des principaux criminels de guerre de l'ère Bush et n'a jamais été tenu responsable de la dévastation à laquelle il a contribué.
Diplômé de Princeton, Rumsfeld a brièvement servi dans la Marine, puis au Congrès. Il a servi dans l'administration Nixon, puis est devenu le chef de cabinet de la Maison Blanche de Gerald Ford. Rumsfeld a ensuite fait entrer Cheney à la Maison Blanche de Ford lorsqu'il est allé diriger le Pentagone pour la première fois. Revenu au service du gouvernement en 2001, il a servi cinq ans sous George W. Bush, jusqu'à ce qu'il soit contraint de partir à la suite de la défaite des Républicains aux élections de mi-mandat de 2006.
Rumsfeld s'est entiché d'une approche de la guerre dite de « l'empreinte légère » et, sous sa direction, les militaires n'étaient pas préparés aux occupations illimitées de l'Irak et de l'Afghanistan qu'on leur a ordonné de mener. Ses plans d'invasion étaient inadéquats, en grande partie parce qu'il imaginait que les États-Unis allaient se battre dans une reprise de l'opération Tempête du Désert. Au cours de l'automne précédant l'invasion, il a déclaré : « L'idée que ce sera une longue, longue, longue bataille d'une certaine sorte est, je pense, démentie par ce qui s'est passé en 1990. »
Il a tristement écarté la possibilité que la guerre se prolonge au-delà d'un an : « Cinq jours, cinq semaines ou cinq mois, mais elle ne va certainement pas durer plus longtemps que ça ». Il a balayé d'un revers de main l'évaluation du général Eric Shinseki selon laquelle des centaines de milliers de soldats seraient nécessaires pour occuper l'Irak, en déclarant : « L'idée qu'il faudrait plusieurs centaines de milliers de forces américaines est, je pense, éloignée de la réalité. » Parce qu'il n'a jamais pris au sérieux les effets intrinsèquement déstabilisants d'une guerre pour un changement de régime, il n'a fait aucun effort pour se préparer à ce qui allait suivre. Son affirmation intéressée selon laquelle « vous partez en guerre avec l'armée que vous avez, et non avec l'armée que vous pourriez vouloir ou souhaiter avoir plus tard » était une tentative de détourner l'attention du fait que l'armée dont disposaient les États-Unis à l'époque était celle que Rumsfeld souhaitait avoir, et que la guerre était celle que les États-Unis avaient choisi de déclencher.
Rumsfeld a été secrétaire à la Défense en temps de guerre presque tout le temps qu'il a servi dans l'administration Bush, mais son leadership en temps de guerre a fait cruellement défaut. Comme l'a dit le lieutenant-général Gregory Newbold à son sujet, Rumsfeld prenait des décisions « avec une désinvolture et une arrogance qui sont le propre de ceux qui n'ont jamais eu à exécuter ces missions - ou à en enterrer les résultats ». Rumsfeld a incarné l'orgueil démesuré et l'imprudence de l'administration Bush. En approuvant les méthodes d'interrogatoire brutales, il a également pris part au comportement criminel de l'administration. Human Rights Watch a résumé son rôle dans l'utilisation de la torture par l'administration de la manière suivante : « Le secrétaire à la Défense Rumsfeld a créé les conditions permettant aux membres des forces armées américaines de commettre des actes de torture et d'autres crimes de guerre en approuvant des techniques d'interrogatoire qui violaient les Conventions de Genève et la Convention contre la torture. »
En tant que secrétaire à la Défense, Rumsfeld a également présidé à l'expansion des engagements de sécurité des États-Unis en Europe avec le deuxième cycle d'expansion de l'OTAN qui a eu lieu en 2004. Il a encouragé les efforts de l'Ukraine pour rejoindre l'alliance lorsqu'il était encore au gouvernement. Après avoir quitté le gouvernement, il a continué à plaider en faveur de la poursuite de l'expansion de l'OTAN pour y inclure l'Ukraine et la Géorgie. Tout comme le faisait l'administration Bush à l'époque, Rumsfeld a appelé à accorder à l'Ukraine et à la Géorgie des plans d'action pour l'adhésion (MAP) en 2008. Au final, la décision de permettre l'adhésion à l'alliance lors du sommet de Bucarest a contribué au déclenchement de la guerre entre la Géorgie et la Russie plus tard dans l'année. Cela nous rappelle que le jugement stratégique de Rumsfeld était tout aussi défectueux et médiocre dans d'autres régions qu'au Moyen-Orient.
La guerre d'Irak était une guerre préventive inutile et illégale, et le rôle de Rumsfeld dans sa mise en œuvre définit son héritage comme l'un des principaux dirigeants responsables de ce crime. Contrairement à une génération précédente de décideurs politiques châtiés par leurs échecs au Vietnam, Rumsfeld n'a eu aucun regret à mener une guerre qui a tué des milliers d'Américains et des centaines de milliers d'Irakiens tout en en déplaçant des millions d'autres. Dans ses mémoires, Known and Unknown [Connu et Inconnu, NdT], il a continué à soutenir la guerre sans réserve : « Débarrasser la région du régime brutal de Saddam a créé un monde plus stable et plus sûr. »
Alors même qu'il écrivait ces mots, la guerre qu'il avait contribué à déclencher créait les conditions qui allaient conduire à la montée de l'Etat islamique et à la déstabilisation de la Syrie. Son attitude impénitente était typique des hauts responsables de l'administration Bush, et la retraite sans histoire de Rumsfeld montre qu'il n'y a pas de véritable responsabilité dans notre système pour les échecs politiques désastreux et les crimes de guerre.
Source : Responsible Statecraft, Daniel Larison, 30-06-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises