L'appel de deux jours interjeté par les États-Unis contre le refus d'extradition de Julian Assange s'est terminé à Londres, les États-Unis promettant des conditions de détention humaines et les avocats d'Assange affirmant que la CIA a essayé de le tuer.
Source : Consortium News, Joe Lauria
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Stella Moris, partenaire de Julian Assange, s'adressant à ses partisans devant la Haute Cour, jeudi, lors de l'audience d'appel des États-Unis à Londres. (Campagne « N'extradez pas Assange »)
Consortium News a eu un accès vidéo à distance de la salle d'audience pendant les deux jours d'audience.
Les États-Unis ont juré que seul un Julian Assange « modérément déprimé » purgerait une peine dans une prison américaine humaine s'il était extradé, tandis que les avocats d'Assange ont déclaré à la Haute Cour que la Central Intelligence Agency (CIA) avait comploté pour l'assassiner, alors que s'achevait jeudi à Londres une audience en appel de deux jours.
Les États-Unis cherchent à annuler la décision prise en janvier par une juridiction inférieure de ne pas extrader l'éditeur de WikiLeaks emprisonné, au motif qu'il court un risque élevé de suicide s'il devait passer du temps isolé dans une prison américaine très dure.
Un procureur des États-Unis a entrepris, au cours de l'audience, de convaincre les deux juges de la Haute Cour de rejeter cette décision, en faisant valoir qu'Assange n'est pas gravement malade et qu'il ne serait pas placé à l'isolement s'il était envoyé aux États-Unis.
Les avocats d'Assange, quant à eux, ont défendu la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle il souffrait de troubles mentaux graves et avait de fortes chances de se suicider, et ont cherché à rejeter les assurances données par les États-Unis à la Grande-Bretagne selon lesquelles Assange ne serait pas soumis à des mesures administratives spéciales (SAM) ou placé dans la prison de haute sécurité ADX Florence, dans le Colorado.
Ils sont allés plus loin en affirmant au tribunal que le service de renseignement étranger du gouvernement demandant l'extradition d'Assange avait sérieusement envisagé de l'assassiner ou de l'enlever.
Un complot de la CIA
L'avocat d'Assange, Mark Summers QC, a essentiellement déclaré à la cour qu'avant que les États-Unis ne tentent de l'extrader légalement de Grande-Bretagne, ils avaient discuté de plans concrets pour extraire Assange de Grande-Bretagne en l'enlevant et en le livrant aux États-Unis, éventuellement via un pays tiers.
Summers a commencé par souligner que ce serait la Central Intelligence Agency, qui a comploté pour lui nuire, qui déterminerait en fin de compte si Assange serait emprisonné en conditions SAM. « La nature de la relation entre la CIA et Assange est très diverse, et elle ne concerne pas ce tribunal, » a déclaré Summers.
Le juge en chef Ian Burnett, l'un des deux juges de la Haute Cour, est intervenu : « Il n'est pas contesté que la CIA s'intéresse de très près à Assange. »
« Oui, mais ils étaient prêts à tout, a dit Summers. J'invite mes Lords à comprendre jusqu'où ils sont allés contre Assange. » Il a ensuite parcouru les détails d'un rapport de Yahoo News ! en septembre sur la façon dont la CIA a comploté contre Assange.
« Il semble qu'il y ait eu des discussions dans le Bureau ovale sur le fait de le tuer et des scénarios ont été imaginés à l'été 2017 alors que les choses s'intensifiaient pour le conduire en Amérique depuis le Royaume-Uni, a déclaré Summers. Mais le Royaume-Uni a refusé de s'associer à cette démarche. »
Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA, alors qu'il occupait le poste de secrétaire d'État américain sous la présidence de Donald Trump. (Gage Skidmore)
L'ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo, « a déclaré publiquement que certaines choses sont vraies et que cela fait l'objet d'une enquête du Congrès », a déclaré Summers. Il a fait référence au témoignage lors de l'audience d'Assange en septembre 2020, lorsque d'anciens employés de la société de sécurité espagnole UC Global ont parlé pour la première fois de plans pour kidnapper ou empoisonner Assange.
James Lewis, QC, le procureur des États-Unis, n'a rien dit à ce sujet dans sa réfutation de 30 minutes à la fin de l'audience. Lors de l'audience d'extradition de septembre 2020, Lewis avait qualifié de « non-sens palpable » les propos sur les menaces d'assassinat d'Assange.
Assurances remises en question
Lewis a passé la majeure partie de son temps à défendre les assurances données par les États-Unis à la Grande-Bretagne qu'Assange ne serait pas soumis à des conditions difficiles dans une prison américaine. Il a d'abord abordé l'argument de la défense selon lequel, étant donné que ces assurances ont été données après le jugement du tribunal de première instance, elles constituent une nouvelle preuve et il doit être rejeté.
« Tout ce qui s'est passé, c'est que l'État requérant a eu toutes les occasions de donner des assurances et a choisi de ne pas le faire, puis a mené un procès pendant deux ans et a perdu, avait déclaré Summers pour la défense. Rien ne justifie que les États-Unis modifient leur dossier de cette manière. »
« Il est absurde de dire que nous avons eu toutes les occasions » de fournir les assurances avant le jugement, a répondu Lewis. Il est approprié de traiter les assurances à tout moment. Ce n'est pas un changement radical. Les assurances ne sont pas des preuves. Le fait est que le bon sens veut qu'une assurance soit réactive par nature. Vous ne pouvez pas anticiper le domaine sur lequel un juge se concentre jusqu'à ce que le juge rende son jugement. »
Le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, s'adresse aux partisans de Julian Assange devant la Haute Cour où se tient l'audience d'appel des États-Unis. Le 28 octobre. (Campagne Don't Extradite Assange)
Lewis a cité un cas où la Haute Cour, dans une affaire d'extradition, a accordé à un gouvernement un délai supplémentaire de 14 jours pour présenter des garanties. Il a cité un autre cas dans lequel la personne recherchée a été libérée, mais où le processus d'extradition a été relancé lorsque des garanties ont été fournies. « Nous pourrions recommencer avec Assange », a déclaré Lewis d'un ton sinistre.
Summers a évoqué plusieurs cas dans lesquels un gouvernement requérant avait reçu des assurances des États-Unis qui n'ont pas été respectées. Il a qualifié les assurances américaines de « conditionnelles » et « d'aspirationnelles », citant le libellé des assurances selon lequel si Assange, après son emprisonnement, portait atteinte à la sécurité nationale des États-Unis, il pourrait être placé en isolement strict. Summers a déclaré qu'il fallait s'en tenir à la lettre et non à l'esprit des assurances américaines. Il a de nouveau fait référence au complot de la CIA contre Assange.
« Rien dans cette affaire n'est normal, a-t-il dit. Il s'agit d'un cas de preuves crédibles de plans américains visant à causer un grave préjudice à Assange, envisageant l'assassinat, la torture, l'enlèvement et l'empoisonnement et cela mérite une enquête sur ces promesses que ce même gouvernement nous demande de croire. »
Mais Lewis a dit : « Les États-Unis n'ont jamais rompu l'assurance diplomatique. »
Et de ce fait, « Assange sait maintenant qu'il n'ira pas en SAM ou à ADX Florence et que son idéologie suicidaire [sic - ses idées] devrait se calmer », a déclaré Lewis. « Il sait maintenant qu'il recevra des soins médicaux adéquats. »
Lewis a ensuite cité trois témoins experts de l'audience de septembre, dont un de la défense, qui ont tous déclaré qu'Assange n'était que « modérément déprimé » et non atteint d'une combinaison de troubles mentaux qui le pousseraient au suicide s'il était extradé, comme l'indiquait le jugement du tribunal inférieur.
Le message de Lewis aux juges était que les deux piliers du jugement du tribunal inférieur étaient démolis : Assange n'est pas gravement malade et il n'ira pas dans une prison américaine aux conditions de vie dures.
« Vous nous avez donné beaucoup à penser et nous prendrons le temps d'y réfléchir », a déclaré Burnett aux avocats en clôturant l'audience.
Il n'a pas donné de date à laquelle la décision de la Haute Cour sera rendue.
Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News. Il a été correspondant à l'ONU pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux. Il a été journaliste d'investigation pour le Sunday Times de Londres et a commencé sa carrière professionnelle comme pigiste pour le New York Times. On peut le joindre à l'adresse joelauria@consortiumnews.com et le suivre sur Twitter @unjoe.
Source : Consortium News, Joe Lauria, 28-10-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises