07/02/2023 dedefensa.org  6 min #223722

La « crise de démence ukrainienne » de l'Ue affecte l'ensemble du Moyen-Orient

La démence européenne secoue le monde

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La démence européenne secoue le monde

• Drôle de perspective : l'UE, construite comme modèle de la paix du monde de demain, aujourd'hui prête (moralement, pas militairement) à la guerre sans vraiment savoir pourquoi. • Pourquoi pas la démence ? • Dans tous les cas, la "démence européenne" secoue le reste du monde. • C'est notamment, bien entendu, le cas du Moyen-Orient qui se trouve dans une course extraordinaire à la recomposition. • Alastair Crooke, avec l'aide du Hongrois Orbán pour les explications fondamentales, met toute son expérience à en explorer tous les aspects.

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« Nous sommes en guerre contre la Russie » disait donc récemment la ministre-junior des affaires étrangères d'Allemagne, 'Der Grünen' Annalena Baerbock, du parti sans doute le plus atlantiste-belliciste des pays européens, - écologistes-pacifistes bien entendu, dans cette époque de complète inversion. Mais que se passerait-il si les Russes gagnaient la guerre (Certains, de plus en plus nombreux, disent volontiers : « Quand les Russes auront gagné la guerre") ?

Dans une de ses dernières livraisons, Alastair Crooke laisse pour une bonne place la plume à un commentateur US ( Rod Dreher dans 'The American Conservative'), qui ne prend pas de gants à partir d'entretiens et d'apartés qu'il a eus avec Viktor Orbán et d'autres journalistes (hongrois). L'avantage est, dans ce cas, la distance et l'état d'esprit de l'auteur US, qui permettent d'aborder la question posée avec une plus grande sérénité, sans justement tenir à distance des hypothèses qui sembleraient farfelues à l'"esprit européen" moderniste si habitué à vivre dans la paix que l'Union Européenne était censée lui apporter, disons avec une lourde ironie historique et morbide à la fois, - "pour mille ans"... Le constat est effectivement bien lourd à porter, d'autant que l'interlocuteur, - le Hongrois Orbán, - pèse de tout son poids dans des paroles qui n'ont rien à dissimuler.

« "Ils [les Européens] ne savent [plus] qui ils sont", a déclaré Orbán sans ambages....

» Orbán a expliqué que si on demandait [à un dirigeant européen] de se définir par rapport à la guerre, il dirait : "Je suis le dirigeant d'un pays qui se tient du 'bon côté de l'histoire'". C'est cette conviction, et le fait d'être durement contraint par Washington, ainsi que la "peur des médias progressistes", qui motivent leur réflexion - et non la considération de ce qui est dans l'intérêt de leur propre pays.

« "Les Allemands souffrent parce qu'ils savent ce qui est dans leur intérêt national, mais ils n'osent pas le dire". Orbán voulait dire que les dirigeants allemands savent qu'ils n'ont rien à faire dans une guerre avec la Russie, mais qu'ils sont, pour quelque raison que ce soit, "incapables de dire 'non' à Washington"...

« Si la prochaine offensive de printemps de la Russie est couronnée de succès, les pays de l'OTAN vont être confrontés à la question suivante : devons-nous envoyer des soldats se battre pour l'Ukraine ? Cette question préoccupe un nombre croissant d'Européens, dont les pays risquent d'être dévastés si la guerre s'étend... L'Occident est "en guerre contre la Russie. C'est la réalité. Chaque jour, nous nous enfonçons davantage", explique Orbán. »

Le dirigeant hongrois se trouve par ailleurs, selon son propre discours, dans une étrange position qui est bien dans l'esprit du temps ; - étrange parce que mariant intimement les données politiques, stratégiques et économiques, avec les données culturelles, religieuses et spirituelles ; - et, en cela fort proche des Russes et de la forme de dialectique que ceux-ci proposent aujourd'hui pour mieux embrasser la crise.

L'auteur américain cité par Crooke, Rod Dreher, rapporte cette anecdote, venue d'un aparté avec Orbán ; d'ailleurs, anecdote bien plus qu'anecdotique à la lumière de ce qu'on a dit, qui fait aussitôt comprendre combien les Russes s'appuient dans leurs conceptions politiques et culturelles, encore plus que religieuses, - justement sur la religion orthodoxe... Et tout cela, sachant qu'Orbán est "Calviniste", selon le mot de Dreher qui définit ainsi fort bien qu'en parlant religion dans cet échange, on ne parle pas de religion mais de culture et de dégénérescence civilisationnelles, dans le cadre desquelles s'inscrit absolument la grande crise-'Ukrisis', - et  qu'on y retrouverait aisément certains Américains très patriotes passi loin de Poutine  :

« "Le meilleur espoir aujourd'hui, ce sont les orthodoxes", dit [Orbán]. "Ils n'argumente pas, ils croient. Nous [protestants et catholiques], nous argumentons sans cesse."

» Orban a poursuivi en qualifiant les chrétiens orthodoxes de "réserve la plus importante" pour que les chrétiens de l'Ouest retrouvent leur assise religieuse. (Plus tard, j'ai demandé au Premier ministre : "Saviez-vous que je suis orthodoxe ?". Il a écarquillé les yeux. "Vous l'êtes ? Je croyais que vous étiez catholique !") »

Certes, Crooke fait paraître  cet article - traduit en français par '  Réseau Interational', - dans la publication arabe (en anglais) 'Al Mayadeen', pour laquelle il s'emploie à décrire les conséquences de la crise ukrainienne qui frappe l'Union Européenne pour les pays du Moyen-Orient. Dieu sait si ces conséquences sont nombreuses ! Manifestement, pourtant, c'est essentiellement la "crise de démence européenne", cause centrale, qui est le phénomène le plus intéressant. Les effets observés au Moyen-Orient sont la mise à jour, en pleine lumière, de tendances jusqu'alors à peine sous-jacentes.

L'entretien avec Orbán est donc fascinant, pour Crooke et pour nous-mêmes, dans la mesure où ce dirigeant hongrois est certainement le dirigeant européen en place qui comprend le mieux cette crise, et combien il s'agit d'une crise de civilisation affectant dans tous les sens toute notre organisation présente, nos pensées et nos jugements, nos convictions et nos croyances. Il apparaît si clairement que toutes nos conceptions et notre perception elle-même devront être révisés selon des références absolument bouleversées.

Et c'est bien l'Europe, cet oasis de jardin si bien arrangé, quasiment "jardin à la française" au milieu de "la jungle" du reste du monde, - selon l'image d'une finesse à couper le beurre, dite et redite par l'incroyable Haut Représentant de l'UE Borrell, - qui se trouve devant cette question qui secoue le reste du monde : va-t-on devoir se battre sur le territoire où a été développé le modèle politique de l'avenir du monde baignant dans une paix sans limite ni tracas ? Seul le tremblement de terre qui a dévasté la Turquie et la Syrie donne une idée de ce qui nous secoue aujourd'hui, comme si la nature du monde avait voulu illustrer et rythmer notre catastrophique fin du voyage.

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