08/04/2022 entelekheia.fr  9min #205784

 Vladimir Poutine dénonce l'«annulation de la culture» russe en Occident

La guerre totale de l'Occident pour annihiler la Russie

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Note préliminaire de la traduction : Pour traduire « cancel culture » en français, ont été proposées « culture de l'effacement » ou « de l'annulation ». A mon sens, ces mots décrivent mal la violence du phénomène : « effacer » ou « annuler » ne s'appliquent pas aux humains. On efface un tableau noir, un dessin ou une faute d'orthographe, on annule un dîner au restaurant, une fête d'anniversaire ou une réunion de travail, pas une personne. Mais on peut en revanche l'annihiler, l'anéantir. Je propose donc de coller de plus près à la réalité en traduisant l'expression par les mots plus descriptifs - et sinistres - « culture de l'annihilation » ou « de l'anéantissement ». C'est ce que j'utiliserai ici.


Par Pepe Escobar
Paru sur  Strategic Culture Foundation et  Zerohedge sous le titre The Total War to Cancel Russia
De vastes pans de l'OTAN ont été poussés à se comporter comme une foule d'énergumènes lyncheurs russophobes. Aucune dissidence n'est tolérée.

Il est maintenant tout à fait clair que la campagne russophobe néo-orwellienne des « deux minutes de haine » lancée par l'Empire du mensonge après le début de l'opération Z est en fait « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 de haine ».

De vastes pans de l'OTAN ont été poussés à se comporter comme une foule d'énergumènes lyncheurs russophobes. Aucune dissidence n'est tolérée. L'ensemble des opérations psychologiques a de facto élevé l'Empire des Mensonges au rang d'Empire de la Haine dans une guerre totale - hybride et autre - visant à anéantir la Russie.

La haine, après tout, a bien plus d'impact que les simples mensonges, qui virent maintenant au ridicule, comme dans le cas des « renseignements » américains qui  admettent avoir recours à - quoi d'autre - des mensonges pour mener la guerre de l'information contre la Russie.

Si la nouvelle turbo-propagande a été d'une efficacité létale au sein des masses occidentales zombifiées - c'était une « victoire » dans la guerre de la communication - sur le front où cela compte vraiment, à l'intérieur de la Russie, c'est un échec majeur.

Le soutien de l'opinion publique à l'opération Z et au président Poutine est sans précédent. Après les vidéos de torture de prisonniers de guerre russes, qui ont suscité une répulsion générale, la société civile russe se prépare même à une « longue guerre » qui durera des mois, et non des semaines, tant que les objectifs du haut commandement russe - qui relèvent du secret militaire - seront atteints un par un.

Les buts déclarés sont la « démilitarisation » et la « dénazification » d'une future Ukraine neutre, mais sur le plan géopolitique, ils vont bien au-delà : l'objectif est de bouleverser l'arrangement de sécurité collective européen de l'après-1945, en forçant l'OTAN à comprendre et à accepter le concept de « sécurité indivisible ». Il s'agit d'un processus extrêmement complexe qui s'étendra sur la prochaine décennie.

La sphère otanienne ne peut tout simplement pas admettre en public la série de faits que l'analyste militaire émérite Andreï Martyanov explique depuis des années. Et cela ajoute à leur malaise collectif.

La Russie peut affronter l'OTAN et la réduire en miettes en 48 heures. Elle peut utiliser des systèmes de dissuasion stratégique avancés sans équivalent en Occident. Son axe sud - du Caucase à l'Asie centrale en passant par l'Asie occidentale - est totalement stabilisé. Et si les choses se corsent, M. Zircon peut délivrer sa carte de visite nucléaire hypersonique, sans que l'autre partie ne comprenne même ce qui l'a frappé.

« L'Europe a choisi son destin »

Il peut être éclairant de voir comment ces processus complexes sont interprétés par les Russes - dont les points de vue sont désormais complètement censurés dans tout les pays de l'OTAN.

Prenons deux exemples. Le premier est celui du lieutenant général L.P. Reshetnikov, dans une note d'analyse examinant les faits de la guerre terrestre.

Quelques points essentiels à retenir :

-  » Au-dessus de la Roumanie et de la Pologne, il y a des AWACS de l'OTAN avec des équipages expérimentés, il y a des satellites de renseignement américains dans le ciel en permanence. Je vous rappelle que rien qu'en termes de budgets, pour notre Roscosmos, nous avons alloué 2,5 milliards de dollars par an, le budget civil de la NASA est de 25 milliards de dollars, le budget civil de SpaceX à lui seul est égal à celui de Roscosmos - sans compter les dizaines de milliards de dollars annuels pour l'ensemble des États-Unis, qui déploient fébrilement un système de contrôle de la planète entière. »

- La guerre se déroule avec « les yeux et les cerveaux de l'OTAN ». Les Ukronazis ne sont rien d'autre que des zombies téléguidés à distance. Et l'armée ukrainienne est un organisme zombie télécommandé. »

- « La tactique et la stratégie de cette guerre feront l'objet de manuels pour les académies militaires du monde entier. Une fois de plus : l'armée russe écrase un organisme zombie nazi, totalement intégré aux yeux et au cerveau de l'OTAN. »

Passons maintenant à  Oleg Makarenko, qui se concentre sur la vue d'ensemble.

- « L'Occident se considère comme 'le monde entier' uniquement parce qu'il n'avait pas encore reçu de coup de poing suffisamment douloureux au visage. Il se trouve que c'est la Russie qui lui donne maintenant ce déclic, avec le soutien de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine. Et l'Occident ne peut absolument rien faire contre nous, puisqu'il est également à la traîne en termes de nombre d'ogives nucléaires. »

- « L'Europe a choisi son destin. Et choisi le destin de la Russie. Ce que vous voyez maintenant, c'est la mort de l'Europe. Même si nous ne parlons pas de frappes nucléaires sur des centres industriels, l'Europe est condamnée. Dans une situation où l'industrie européenne se retrouve sans sources d'énergie et de matières premières russes bon marché - et où la Chine commencera à recevoir ces mêmes énergies et matières premières à bon prix, il ne pourra plus être question d'une quelconque concurrence de l'Europe avec la Chine. En conséquence, littéralement tout s'effondrera là-bas - après l'industrie, l'agriculture s'effondrera, le bien-être et la sécurité sociale s'effondreront, la faim, le banditisme et le chaos commenceront à prendre le dessus. »

Il est juste de considérer que Reshetnikov et Makarenko représentent fidèlement le sentiment général des Russes, qui interprètent le faux drapeau de Boutcha comme une couverture pour dissimuler la torture des prisonniers de guerre russes par l'armée ukrainienne.

Et, plus profondément encore, Boutcha a permis d'effacer les laboratoires d'armes biologiques du Pentagone de la médiathèque occidentale, ainsi que toutes leurs ramifications : la preuve d'une volonté américaine concertée de déployer de véritables armes de destruction de masse contre la Russie.

Le faux drapeau de Boutcha a pu compter sur la présidence britannique du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a en fait bloqué toute discussion sérieuse sur le sujet, un jour avant que le ministère russe de la défense  ne présente à l'ONU - en l'absence des États-Unis et du Royaume-Uni, comme on pouvait s'y attendre - tous les faits relatifs aux armes biologiques découvertes en Ukraine. Les Chinois ont été horrifiés par ces découvertes.

Le Comité d'enquête russe, en tout cas, poursuit son travail. Une centaine de chercheurs ont déterré des preuves de crimes de guerre dans le Donbass, qui seront présentées dans un avenir proche devant un tribunal, très probablement établi à Donetsk.

Et cela nous ramène aux faits de terrain. Il y a beaucoup d'analyses sur la finalité possible de l'Opération Z. Une évaluation juste de leurs conclusions inclurait la libération de toute la Novorossiya et le contrôle total du littoral de la mer Noire de l'Ukraine.

En fait, « l'Ukraine » n'a jamais été un État ; elle a toujours été une annexe d'un autre État ou empire, comme la Pologne, l'Autriche-Hongrie, la Turquie et, surtout, la Russie.

L'État russe de référence était la Kievan Rus. « Ukraine », en russe ancien, signifie « région frontalière ». Dans le passé, le mot désignait les marches occidentales de l'Empire russe. Lorsque l'Empire a commencé à s'étendre vers le sud, les nouvelles régions annexées, principalement arrachées à la domination turque, ont été appelées Novorossiya (« Nouvelle Russie ») et les régions du nord-est, Malorossiya (« Petite Russie »).

C'est l'URSS qui, au début des années 1920, a décidé de regrouper le tout et de le nommer « Ukraine », en y ajoutant, à l'ouest, la Galicie historiquement non russe.

Mais l'événement clé a été l'éclatement de l'URSS en 1991. Comme l'Empire du Mensonge contrôlait de facto la Russie post-soviétique, il n'aurait jamais pu permettre que les régions véritablement russes de l'URSS - c'est-à-dire la Novorossiya et la Malorossiya - soient à nouveau intégrées à la Fédération de Russie.

La Russie est maintenant en train de les réincorporer - à sa façon.

Vamos a bailar dans le Porto Rico européen

Il est désormais évident pour tout analyste géopolitique sérieux que l'opération Z a ouvert une boîte de Pandore. Et la victime historique suprême de toute cette toxicité libérée sera forcément l'UE.

L'indispensable Michael Hudson, dans un nouvel essai sur le  dollar américain dévorant l'euro, soutient, à moitié en plaisantant, que l'UE pourrait tout aussi bien renoncer à sa monnaie et continuer à exister en tant que « version de Porto Rico en un peu plus grande ».

Après tout, l'UE « a pratiquement cessé d'être un État politiquement indépendant, elle commence à ressembler au Panama et au Liberia - des centres bancaires offshore à « pavillons de complaisance » qui ne sont pas de véritables « États » parce qu'ils n'émettent pas leur propre monnaie, mais utilisent le dollar américain ».

En phase avec bon nombre d'analystes russes, chinois et iraniens, Hudson avance que la guerre en Ukraine - en fait « replacée dans le contexte de la nouvelle Guerre froide » - est susceptible de durer « au moins une décennie, peut-être deux, car les États-Unis étendent la lutte entre le néolibéralisme et le socialisme [c'est-à-dire le système chinois] pour en faire un conflit mondial ».

Ce qui peut être sérieusement contesté, c'est la question de savoir si les États-Unis, après « la conquête économique de l'Europe », pourront « verrouiller les pays africains, sud-américains et asiatiques ». Le processus d'intégration de l'Eurasie, en marche depuis 10 ans, mené par le partenariat stratégique Russie-Chine et s'étendant à la plupart des pays du Sud émergent, ne reculera devant rien pour l'empêcher.

Il ne fait aucun doute, comme l'affirme Hudson, que « l'économie mondiale est en train de s'enflammer », avec l'instrumentalisation du commerce par les États-Unis. Pourtant, du bon côté de l'histoire, nous avons les  roublegaz, le petroyuan, le nouveau système monétaire/financier conçu dans le cadre du partenariat entre l'Union économique eurasienne (UEE) et la Chine.

Et c'est quelque chose qu'aucune minable guerre culturelle d'annihilation ne peut effacer.

Traduction et note de présentation Corinne Autey-Roussel
Illustration Gerd Altmann / Pixabay

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