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 L'Iran exécute remarquablement la promesse de représailles contre l'entité sioniste

La ligne rouge libanaise de Khamenei

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La ligne rouge libanaise de Khamenei

Par  Ali Rizk, le 6 octobre 2024

L'importance des relations privilégiées de l'Iran avec le Hezbollah et le Liban a été clairement illustrée par la salve de missiles sans précédent qui a touché des cibles en Israël. Le guide suprême de l'Iran l'a encore plus montré lors de son rare discours public de vendredi.

La commémoration vendredi en Iran du défunt chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, n'a pas été un événement ordinaire et indique jusqu'où Téhéran est prêt à aller pour préserver l'Axe de la résistance face à l'escalade israélienne.

Des milliers de personnes  auraient assisté à la cérémonie de commémoration, au cours de laquelle le guide suprême iranien, l'ayatollah Sayyed Ali Khamenei, a célébré la prière du vendredi avant de s'adresser aux masses rassemblées.

L'apparition publique de M. Khamenei peut être considérée à la fois comme un défi à l'égard des ennemis de l'Axe et comme un message de réconfort à l'intention de ses soutiens, qui se tournent indubitablement vers l'Iran pour y trouver un leadership après l'assassinat de M. Nasrallah.

L'apparition publique du dirigeant iranien intervient après que des médias étrangers  ont rapporté qu'il avait été évacué vers un lieu tenu secret pour des raisons de sécurité, immédiatement après l'assassinat de M. Nasrallah. Plus important encore, cette apparition fait suite à l'opération "True Promise 2", au cours de laquelle l'Iran a lancé un puissant feu roulant de missiles sur Israël, qui, selon les Iraniens, ont atteint 90 % des cibles visées.

Cette opération a été nettement plus sévère que la première opération "True Promise", en réponse à l'attaque israélienne contre le consulat iranien à Damas en avril dernier et constituant la première intervention militaire directe de Téhéran contre Israël. Dans un  article publié dans Foreign Policy, Vali Nasr note que la deuxième attaque directe de l'Iran contre Israël a été menée avec beaucoup moins de préavis que l'opération d'avril. M. Nasr, qui fait autorité à Washington sur les questions liées à l'Asie occidentale, explique également que la dernière salve de missiles

"témoigne de la volonté et de la capacité de l'Iran à attaquer Israël et à percer ses systèmes de défense de manière potentiellement dévastatrice".

La deuxième vague de missiles a été lancée en  réponse à l'assassinat de Nasrallah, du chef du bureau politique du Hamas, Ismael Haniyeh, et du commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), Abbas Nilforushan, transmettant ainsi un message clair selon lequel l'Iran, contrairement à de nombreuses évaluations, est prêt à l'escalade. Ce message a été réitéré vendredi par M. Khamenei, qui a tenu des propos virulents, une arme à la main.

"Ce que nos forces armées ont accompli représente la sanction minimale pour les crimes du régime sioniste usurpateur",

a déclaré M. Khamenei en référence à la dernière offensive iranienne, tout en avertissant que Téhéran est prêt à mener des actions militaires plus directes contre Israël si nécessaire.

Ces avertissements interviennent alors que les spéculations vont bon train sur la réponse probable d'Israël à "True Promise 2", de hauts responsables de Tel-Aviv ayant  promis que l'attaque de l'Iran ne resterait pas impunie, et l'armée israélienne semblant  préparer une opération de grande envergure contre l'Iran, avec le soutien des États-Unis.

De leur côté, les hauts responsables militaires iraniens ont prévenu que toute opération israélienne visant le sol iranien serait suivie de coups dévastateurs, dépassant de loin les frappes menées par Téhéran lors de ses deux précédentes opérations.

Comme l'a déclaré le commandant adjoint du Corps des gardiens de la révolution islamique, Ali Fadavi, dans un  communiqué publié par les médias d'État iraniens :

"Si l'occupant commet une telle erreur [attaquer l'Iran], nous frapperons toutes ses ressources énergétiques, ses infrastructures, ses raffineries et ses gisements de gaz."

Que l'Iran soit passé à la vitesse supérieure après l'assassinat de Nasrallah montre à quel point il est déterminé à prouver que ce revers n'affaiblira pas l'Axe de la résistance. Plus important encore peut-être, ces derniers développements témoignent de la relation spéciale entre la République islamique et le Hezbollah.

En témoigne le discours de Khamenei, première  allocution publique du guide suprême iranien  devant une foule dense depuis l'assassinat par les États-Unis du commandant de la Force Qods du CGRI, Qassem Soleimani, au début de l'année 2020, soulignant davantage le statut spécial de Nasrallah dans tout l'Iran, et auprès de Khamenei, à titre personnel.

Une grande partie du discours du guide suprême n'était cependant pas destinée aux foules physiquement rassemblées à l'occasion de cette déclaration inhabituelle, mais plutôt aux soutiens régionaux et internationaux de l'Axe de la résistance à l'extérieur de l'Iran.

M. Khamenei a consacré la moitié de son discours au monde musulman, en citant notamment le Liban et la Palestine. C'est toutefois le Liban qui a occupé une place prépondérante dans la partie de son discours  prononcée en arabe. Ce tournant linguistique est notable : c'est la première fois que le guide suprême iranien s'exprime publiquement en arabe depuis le "printemps arabe", il y a une dizaine d'années [Printemps arabe : ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variable, qui se sont produits dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010].

Invitant les soutiens de la résistance à ne pas désespérer, Khamenei s'est adressé non seulement au Hezbollah, mais aussi à son proche et puissant allié intérieur, le mouvement Amal, dont le chef est le président de longue date du Parlement libanais, Nabih Berri. Il a également adressé ce message de réconfort à la jeune génération, qu'il a décrite comme étant ses "enfants", et avec laquelle il espère préserver et éventuellement renforcer l'Axe de la résistance.

Les propos de M. Khamenei sont venus renforcer le principe de la relation spéciale entre l'Iran et le Hezbollah, mais s'étendent également à la relation historique entre la République islamique et le Liban dans son ensemble :

"Il est de notre devoir et de la responsabilité de tous les musulmans de nous acquitter de notre dette envers le Liban blessé et ensanglanté."

Autre témoignage du statut particulier de cette relation, le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi,  a effectué une visite surprise à Beyrouth vendredi.

Le Hezbollah, et par extension, le statut du Liban en tant qu'allié spécial de l'Iran, doit beaucoup au rôle fondamental que joue la résistance libanaise au sein de l'Axe de la résistance. Les missions du Hezbollah dans des pays comme la Syrie et l'Irak, où le mouvement libanais a été le principal partenaire de Téhéran dans la lutte contre les groupes takfiris extrémistes comme l'État islamique et Al-Nusra, en sont un bon exemple.

En outre, les affrontements qui se déroulent en Syrie depuis 2011 peuvent également être considérés comme faisant partie intégrante de la lutte permanente de l'Axe contre Israël. À l'époque, de hauts responsables israéliens n'ont pas caché leur  désir de voir le président syrien Bachar el-Assad quitter le pouvoir au profit des extrémistes, Israël  apportant une aide occulte à certains des groupes qui luttent contre le gouvernement syrien.

Les relations privilégiées entre l'Iran et le Hezbollah libanais placent Washington devant un dilemme. Alors que la Maison Blanche a publiquement déclaré son opposition à une guerre régionale plus étendue et sa réticence à y prendre part, elle ne peut plus compter sur la retenue iranienne pour éviter ce scénario. En effet, les enjeux sont devenus tout simplement trop importants pour Téhéran à la suite de la récente escalade israélienne sans précédent sur le front libanais.

Les frappes de missiles iraniennes du 1er octobre prouvent que les dirigeants de Téhéran ne sont pas prêts à renoncer à la relation spéciale entre Iran et Hezbollah, quel qu'en soit le prix. Reste à savoir jusqu'où les États-Unis sont prêts à aller dans leur relation spéciale avec Israël.

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