Par Thomas Scripps et Kevin Reed
17 août 2020
L'audience qui s'est tenue à Londres vendredi a clairement montré, s'il en fallait encore des preuves, que la persécution de Julian Assange est une parodie de procès honteuse et dégradante, destinée à envoyer un innocent en prison ou à la mort pour avoir révélé les crimes de l'impérialisme américain.
Dans cette procédure bâclée, Assange n'a pas été conduit dans la salle vidéo pour se joindre à la procédure, les procureurs américains ne se sont pas présentés après s'être trompés sur l'heure de l'audience, et, cinq observateurs seulement étant autorisés dans la salle, tous les journalistes et observateurs juridiques essayant d'écouter l'audience à distance n'ont pas été admis.
Assange, le prisonnier politique le plus célèbre du monde, s'est vu refuser l'accès à ses avocats depuis mars, et il n'a vu ni sa famille ni ses jeunes enfants depuis.
La plus flagrante mesure de toutes fut que deux jours avant l'audience, le ministère américain de la Justice dirigé par l'idéologue autoritaire droitier William Barr a rendu public un tout nouveau chef d'accusation contre Assange, que ce dernier n'a pas même pu lire avant le procès.
«Le gouvernement américain semble vouloir changer l'acte d'accusation à chaque fois que le tribunal se réunit. Mais, sans que la défense ou Julian lui-même voient les documents pertinents», a déclaré le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson.
Moins de 24 heures avant le début de la dernière audience de procédure et moins de quatre semaines avant la reprise du procès d'extradition, Barr a signé une nouvelle demande de 33 pages pour qu'Assange soit envoyé aux États-Unis depuis le Royaume-Uni.
Le nouvel acte d'accusation, sur lequel se fonde la nouvelle demande d'extradition, avait été publié le 24 juin, mais les procureurs américains avaient refusé de confirmer au cours des deux audiences du 30 juin et du 28 juillet le moment précis où il serait introduit dans la procédure judiciaire britannique.
La nouvelle demande d'extradition fut introduite après que l'équipe juridique d'Assange ait soumis tous ses éléments de preuves. La défense a fait valoir que procéder sur la base d'un nouvel acte d'accusation équivaudrait à un abus de procédure. La juge Baraitser a refusé la demande de la défense, lui permettant au contraire de demander un report de l'audience.
L'équipe juridique d'Assange est maintenant confrontée au choix d'accepter le sabotage supplémentaire de l'affaire de son client ou de prolonger le danger qui menace sa vie en rajoutant des mois de prison supplémentaires.
Alors même que la pandémie de COVID-19 fait rage dans le système carcéral britannique, Assange reste incarcéré à Belmarsh. Les experts médicaux qui l'ont examiné signalent que son état de santé se détériore et qu'il pourrait mourir en prison.
Le nouvel acte d'accusation élargit la portée de ce qui est qualifié d'activité criminelle. L'accusation de «divulgation non autorisée d'informations de la défense (le département de la Défense américain)» accusait auparavant Assange de simplement «publier [les journaux de guerre d'Afghanistan et d'Irak et les câbles du Département d'État] sur Internet». Cette accusation a maintenant été élargie pour y inclure la «distribution» des documents, par exemple, à d'autres organismes médiatiques.
Les associés d'Assange, Sarah Harrison, Jacob Applebaum et l'ancien employé de WikiLeaks Daniel Domscheit-Berg sont désormais également visés en tant que « co-conspirateurs ». Les efforts pour aider un lanceur d'alerte persécuté (Edward Snowden) à obtenir l'asile et même pour parler en défense de ses actes sont criminalisés tout comme les déclarations les plus générales en faveur de la transparence gouvernementale.
Ces détails montrent clairement que, alors que Julian Assange a été isolé en prison et incapable de rencontrer ses avocats, le gouvernement américain a monté son dossier d'extradition et élargi l'ampleur de cette vendetta à tous ceux qui ont aidé WikiLeaks à faire connaître la vérité aux gens du monde entier.
Julian Assange, qui risque 175 ans de prison fédérale pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains ayant fait en Irak et en Afghanistan des dizaines de milliers de victimes, est persécuté dans le cadre d'une campagne internationale menée par l'élite au pouvoir pour criminaliser les lanceurs d'alerte, les journalistes et la dissidence politique.
La conspiration d'État contre Julian Assange est le fer de lance d'une offensive soutenue contre les droits démocratiques qui vise la classe ouvrière. Le crime d'Assange aux yeux de ses persécuteurs est sa révélation des crimes de guerre impérialistes et des intrigues diplomatiques, qui a galvanisé un sentiment d'opposition de masse dans le monde entier.
Le nouvel acte d'accusation a été rédigé par Barr qui, six jours plus tôt, était apparu sur Fox News pour dénoncer une large portion des opposants politiques de Trump comme étant des «révolutionnaires» et des «bolcheviks» ayant l'intention de «démolir le système». Barr exprime l'ampleur réelle des plans de Trump pour imposer une dictature présidentielle.
Ces développements représentent une condamnation sans appel de toutes les forces politiques ayant soit gardé le silence sur la persécution d'Assange, soit l'ont soutenue. Cela inclut le Parti démocrate des États-Unis, qui a mené l'attaque contre WikiLeaks dans le cadre de sa campagne néo-maccarthyste contre la Russie. Les candidats Démocrates aux élections de 2020, Joe Biden et Kamala Harris, ont tous deux participé avec enthousiasme à cette vendetta réactionnaire et antidémocratique.
Quant aux médias libéraux, Guardian et New York Times en tête, ils ont jeté Assange en pâture aux loups. Il est significatif que pas un seul grand organe de presse des États-Unis n'ait pris la peine de rapporter l'audience de vendredi. Aucune des publications pseudo-de gauche, comme The Nation ou le magazine Jacobin, n'a rapporté l'attaque des droits fondamentaux ayant eu lieu dans cette salle d'audience londonienne.
Comme on pouvait s'y attendre, les prétendus socialistes Bernie Sanders, Jeremy Corbyn, Alexandria Ocasio-Cortez et Rashida Tlaib n'ont rien dit sur la mascarade pseudo-légale de vendredi.
La responsabilité politique de la capacité du gouvernement Trump et du gouvernement Johnson à poursuivre leurs efforts communs pour faire taire Assange incombe à l'ensemble de la confrérie de la pseudo-gauche, unie contre Assange. Celle-ci recycle les calomnies et les mensonges du Département d'État, du Pentagone et de la CIA sur les fausses allégations suédoises, le «manque à retirer les noms» et autres mensonges.
Ceux qui, dans la campagne officielle autour de WikiLeaks, cherchent à canaliser la défense d'Assange derrière des appels à la «gauche» travailliste, aux bureaucrates syndicaux et au principal persécuteur d'Assange, le Parti démocrate aux États-Unis, commettent une fraude politique qui empêche un véritable mouvement pour la liberté d'Assange.
Le «World Socialist Web Site» renouvelle son appel à la défense de Julian Assange par la classe ouvrière internationale. La classe ouvrière doit faire comprendre le lien fondamental entre la persécution d'Assange, la défense des droits démocratiques et la lutte contre la descente de tout le système capitaliste dans la guerre et la barbarie.
La lutte pour libérer Assange est inséparable de la mobilisation d'un mouvement politique de masse dans une lutte pour le socialisme contre la guerre impérialiste, les inégalités sociales et la dérive vers des formes dictatoriales de gouvernement.
(Article paru d'abord en anglais le 15 août 2020)