04/06/2020 reseauinternational.net  6min #174898

 Après une étude, Olivier Véran veut modifier les conditions de prescription de l'hydroxychloroquine

La publication du Lancet : des données « fabriquées » comme meilleure hypothèse

par Candice Vacle.

En politique, la surdité peut être une stratégie : ne pas entendre pour éviter de reconnaître ses erreurs ; ne pas entendre pour ne pas s'embarrasser de la réalité.

*

Comment le gouvernement français a pu se baser sur une publication discréditée du Lancet pour décider l'abrogation du décret autorisant l'hydroxychloroquine le 27 mai 2020 ?

Ça n'a pas l'air de déranger notre gouvernement qu'une centaine de scientifiques du monde entier remettent en cause cette étude du Lancet dans une lettre ouverte. Le gouvernement aurait pu retirer l'abrogation ou plus simplement dire qu'il allait demander des explications au Lancet sur les questions posées par les scientifiques. Mais, non, aucun signe du gouvernement montre qu'il a entendu les scientifiques. Aucun doute ne semble habiter ses membres, sur ce sujet.

Pourtant, nous verrons qu'un erratum ajouté à la publication du Lancet met en doute la qualité des données de cette publication. Et, de plus en plus d'éléments avancés par les scientifiques remettent radicalement en cause cette étude telle une grave hypothèse selon laquelle les données de cette étude seraient « fabriquées ».

Rappelons un peu l'historique de cette publication du Lancet du 22 mai 2020 intitulée « Hydroxychloroquine ou chloroquine avec ou sans macrolide pour le traitement de COVID-19 : une analyse de registre multinational ». Il y a deux conclusions. Un : « aucune preuve de bénéfice » n'est associée à la prise de ces médicaments chez les patients covid 19. Deux : ces médicaments seraient cause « d'un plus grand risque de décès en milieu hospitalier » avec des patients covid 19. En simplifiant, l'hydroxychloroquine et la chloroquine seraient inefficaces ou pire risqués pour ces patients 1.

Dans la foulée, l'OMS a suspendu les essais cliniques qu'elle menait sur cette molécule.

Et, en France, le décret autorisant l'hydroxychloroquine a été abrogé mercredi 27 mai 2020 par le gouvernement. Finie la prescription de l'hydroxychloroquine à l'hôpital pour les patients du covid 19. En pratique, cette abrogation peut être contournée par les médecins 2.

Cette étude réveilla d'innombrables critiques de médecins ou professeurs. Ainsi, la lettre ouverte, signée par une centaine de scientifiques du monde entier, soulève, après examination de cette étude, une dizaine de préoccupations d'ordre méthodologique et d'intégrité des données. Est, par exemple, écrit :

« Il n'y a pas eu d'examen éthique. »

« Il n'y a pas eu de mention des pays ou des hôpitaux qui ont contribué à la source des données et aucune reconnaissance de leurs contributions » 3.

Est-ce que les auteurs de la publication du Lancet se sont alors remis en question à la lumière de ces critiques ?

Le Lancet n'est revenu sur aucune de ses conclusions. Juste une énorme erreur évidente a été corrigée dans un très court erratum 4.

Quelle est cette erreur de « taille » ?

Dans la première version de l'étude du Lancet, les auteurs se retrouvaient avec plus de morts sur les quelques hôpitaux australiens participants à l'étude que ce qu'il y avait de morts dans toute l'Australie, sur la période de l'étude. C'est impossible. L'erratum corrige en expliquant qu'il s'agirait d'un hôpital asiatique qui se serait trompé en remplissant les questionnaires. Cet hôpital aurait indiqué qu'il était australien au lieu d'asiatique ! Voilà un exemple, qui peut mettre le doute sur la qualité des données de la publication du Lancet.

Cet erratum résout une seule critique de l'étude du Lancet. Reste donc toutes les autres, soit plus d'une dizaine de problèmes sans réponse.

A ce titre, Docteur Guerin du Collectif Stopcovid19 écrit : « L'erratum du Lancet est, bien sûr, tout à fait insuffisant » et elle remarque que les groupes ne sont toujours pas comparables 5.

Pour comprendre comment le Lancet en est arrivé aux conclusions de sa publication, il faudrait pouvoir étudier les données à l'origine de cette étude. L'ennui est que ces données, détenues par la société américaine Surgisphere, ne peuvent pas être partagées à cause d'accords avec les différents gouvernements, pays et hôpitaux.

Comme le Lancet et Surgisphere ne sont pas transparents sur les données, des scientifiques tentent de résoudre cette énigme. Entre alors en jeu Peter Ellis, un statisticien australien spécialiste de l'analyse de données. Dans un long article 6 paru le 30 mai 2020, il écrit :

« Non seulement Surgisphere est beaucoup trop petit pour avoir des programmes dans 671 hôpitaux, mais les prix et récompenses qu'ils affichent sont douteux » 7.

En effet, il explique que « Surgisphere est une minuscule start-up - de 4 ou 5 salariés - qui n'a ni les ressources financières, ni la notoriété, ni les nombreuses équipes pluridisciplinaires, ni les références, ni aucune preuve de quelque nature que ce soit », qui permettrait de penser de façon rationnelle qu'elle ait pu réaliser une telle étude. (7)

Peter Ellis ajoute :

« Si les hôpitaux confiaient nos données de santé les plus sensibles à cette startup pour analyse sans examen éthique ou autorisation (ou protection RGPD) ce serait encore pire ». (6)

Il arrive à une conclusion choc :

« Il est affreux de penser que l'explication la plus probable de ce que nous voyons est simplement que les données sont fabriquées, dans ce qui est peut-être un complot criminel, et que le processus de publication scientifique est... brisé ». (6)

Des données « fabriquées » comme meilleure hypothèse !

Puisque cette étude du Lancet est tant critiquée, qu'elle comportait une erreur énorme corrigée dans un erratum et que l'hypothèse de données fabriquées a été sérieusement évoquée, comment est-il possible que le gouvernement français ne revienne pas sur sa décision d'abroger l'autorisation de l'hydroxychloroquine ?

C'est suspect et ne peut que conforter les hypothèses dites conspirationnistes.

Ça ressemble à un scandale d'État.

Candice Vacle

Journaliste - Pays Bas

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