Brita Hagi Hassan est en visite à Paris. Qui est celui que l'on présente comme le maire d'Alep, invité par des associations et reçu au Quai d'Orsay ? Est-il en train de circuler entre différentes capitales pour essayer de continuer sa propagande pour innocenter les terroristes ?*
Brita Hagi Hasan, au Quai D'Orsay à Paris, le 30 novembre 2016. - © REUTERS/Gonzalo Fuente
Le ministre des Affaires étrangères français, entouré d' « Amis de la Syrie »reçoit le 30 novembre 2016 Brita Hagi Hasan se présentant comme le « président élu du comité local d'Alep » dont jamais personne n'avait entendu parler.
Dans un livre décapant, « La sale guerre contre la Syrie »(1), Tim Andersen analyse l'origine de cette guerre et surtout la désinformation gigantesque que les médias occidentaux ont déversée sur leurs opinions publiques. Si la typographie de son livre mérite d'être améliorée, il n'en demeure pas moins qu'il demeure une source inestimable d'informations.
L'auteur, professeur à l'université de Sydney, s'appuie avant tout sur des sources occidentales. «J'ai principalement utilisé des sources occidentales dans la mesure du possible, non pas parce qu'elles me semblent plus fiables, mais pour éviter le reproche de m'être trop focalisé sur des sources syriennes.» A la fin de chaque chapitre, on trouve d'abondantes indications sur les sources consultées.
D'emblée, Tim Andersen nous prévient : si chaque conflit utilise toujours désinformation et contre-vérité, la guerre contre la Syrie a dans ce domaine atteint un sommet jamais égalé de mémoire humaine. Depuis le début de ce conflit, les médias nous présentent le président Bachar El-Assad comme celui qui massacre son peuple, sans nuances et sans aucune recherche d'objectivité. Mais les événements tout récents(2) d'Alep-Est vont bientôt dissiper ce brouillard mensonger. Au moment où j'écris la présente contribution, un quotidien régional français(3) publiait la déclaration d'un certain Brita Hagi Hasan,(4) présenté comme « le président élu du comité local d'Alep », lors d'une conférence de presse avec le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault à Paris le 30 novembre 2016.
De cette déclaration qui énumère les poncifs habituels, on retiendra la conclusion qui reprend comme une antienne « la légitimité de la résistance syrienne face à un régime qui tue son peuple. »Les images des milliers de civils quittant Alep-Est et se réfugiant dans les zones aux mains du régime apportent aujourd'hui un démenti cinglant à ces mensonges. Nos médias vont-ils l'ignorer encore longtemps ?
Tim Anderson place la guerre dans un contexte géopolitique plus ample. Les États-Unis prévoient, depuis longtemps déjà, la création d'un «Nouveau Moyen-Orient». Tim Anderson confronte à de nombreuses reprises le lecteur aux divergences entre ses sources d'information et les récits des médias occidentaux, faisant ainsi ressortir l'arrière-plan politique de ces désinformations. Il démontre qu'il s'agit là d'une sale guerre planifiée de longue date par les puissances occidentales et leurs alliés dans la région. Le but de l'opération est, d'une part la «balkanisation» de la région, c'est-à-dire la «création d'unités instables et fragmentées dépendant de l'aide des États-Unis», et d'autre part l'entrave à la formation d'un axe d'États régionaux indépendants de l'Occident. La guerre est dirigée contre un État qui s'était auparavant développé de manière positive; l'éducation et la santé, tous deux d'un haut niveau, étaient accessibles gratuitement à tous les citoyens. Des réformes politiques avaient été envisagées par le Président Bachar El-Assad, qui jouissait d'un large soutien dans la population et en jouit encore aujourd'hui. Et à souligner tout particulièrement, la Syrie n'avait pas de dette extérieure. Tim Andersen analyse aussi la partialité de certains médias et observateurs, et revient sur les massacres de Houla et de la Ghuta-Est. Sur ces événements,l'auteur confirme les informations bien connues des visiteur de ce site et publiées dans deux ouvrages de François Belliot publiés aux Editions Sigest.(5). Nous n'y reviendrons pas.
Mais au-delà de l'analyse géopolitique de ces événements dans le cadre d'un « remodelage » du Proche-Orient, il nous a paru intéressant de creuser ces informations et de remonter les réseaux et les hommes qui, dans l'ombre, tirent les ficelles de ces événements dramatiques. Au risque d'être accusé de « complotisme ».
Au commencement était le plan Oded Yinon (6)
L'article d'Oded Yinon a paru en 1982 dans Kivunim (Orientations), le journal de la Division de l'Information de l'Organisation Sioniste Mondiale. Oded Yinon est un journaliste israélien et fut dans le passé rattaché au Ministère israélien des Affaires Étrangères. À notre connaissance, ce document est à ce jour la déclaration la plus explicite, détaillée et non ambiguë sur la stratégie sioniste au Moyen-Orient. De plus, il figure une représentation précise de la « vision » des stratèges israéliens pour l'ensemble du Moyen-Orient.
Le Plan Yinon est un plan stratégique israélien pour assurer à Israël la supériorité dans la région. Il insiste et soutient qu'Israël doit reconfigurer son environnement dans la région, à travers la balkanisation des états arabes voisins en états plus petits et plus faibles. Le Grand Israël requiert de briser les états arabes existants en États plus petits.
Le plan fonctionne selon deux principes essentiels.
Pour survivre, Israël doit 1) devenir une puissance régionale impériale, et 2) doit accomplir la division de toute la région en états plus petits à travers la dissolution de tous les états arabes existants. « Petit » dépendra ici de la composition ethnique ou sectaire de chaque état. Par conséquent, l'espoir sioniste est que les états basés sur le sectarisme deviennent les satellites d'Israël et, ironiquement, sa source de légitimation morale... Ce n'est pas une idée nouvelle, ni est-ce la première fois qu'elle émerge hors de la pensée stratégique sioniste.
En effet, la fragmentation de tous les états arabes en unités plus petites a été un thème récurrent. Considérées dans le contexte actuel, la guerre contre l'Irak, la guerre de 2006 contre le Liban, la guerre de 2011 contre la Libye, la guerre en cours contre la Syrie et l'Irak, la guerre au Yémen, le processus de changement de régime en Égypte, doivent être comprises en lien avec le plan sioniste pour le Moyen-Orient. Celui-ci consiste à affaiblir et éventuellement fractionner les pays arabes avoisinants dans le cadre d'un projet d'expansion israélien
Malgré sa bonne volonté dans la lutte contre le terrorisme, la Syrie reste toujours dans le collimateur des États Unis(7)
« Bien qu'elle fut placée depuis 1979 par le département d'État sur la liste des sept États soupçonnés de promouvoir le terrorisme(en raison du soutien officiel qu'elle apporte au Hezbollah, le parti islamique radical), la Syrie collabora pleinement après les attentats du 11 septembre 2001 avec les services de renseignements américains. Le gouvernement syrien avait rassemblé des centaines de dossiers sur Al Qaïda. Damas avait en outre infiltré des cellules d'Al Qaïda dans tout le Proche-Orient et les communautés arabes en exil. Si les services syriens avaient pu accumuler tant d'informations, c'est parce qu'Al Qaïda avait tissé des liens avec les Frères musulmans syriens, qui menaient depuis plus de vingt ans la guerre contre l'état laïc de Damas. Bachar El Assad et ses conseillers avaient espéré qu'en collaborant à la traque d'Al Qaïda, ils pourraient améliorer et redéfinir leurs relations avec les États-Unis. Mais le soutien au Hezbollah restait soit-disant un obstacle à ce rapprochement. En réalité, l'opposition résolue d'Israël à toute négociation avec la Syrie sur la question du Golan a fait capoter ces velléités d'ouverture. Il faut noter d'ailleurs que cette politique d'ostracisme radical envers la Syrie a même suscité de fortes résistances au sein de l'administration américaine. La CIA et le Département d'État considéraient cette politique de confrontation comme stratégiquement inopportune. Mais Israël et le lobby pro-israélien l'emportèrent auprès du Président Bush. »
Le lobby veut aller plus loin et abattre le régime syrien
« Dès le printemps 2002, l'AIPAC(American Israël Public Affairs Committee, lobby créé en 1951 aux Etats-Unis pour soutenir Israël) s'employait à promouvoir une législation visant à intégrer la Syrie dans l'axe du mal. Cette loi, connue sous le nom de Syria Accountability Act fut élaborée par « certains des meilleurs amis d'Israël au sein du Congrès ». Après la chute de Bagdad en avril 2003, le lobby relança sa campagne contre la Syrie. Plusieurs articles signés par des journalistes israélo-américains, publiés dans des journaux tels que le Los Angeles Times, le New York Daily, pointaient la nécessité d'utiliser tous les moyens -y compris la force militaire- pour obtenir un changement de comportement et/ou de régime à Damas.
Soucieux de ne pas être en reste, Lawrence Kaplan écrivit dans le New Republic le 21 avril 2003 que « le leader syrien Bachar Al- Assad représentait une menace sérieuse pour l'Amérique. ». »
Les accusations formulées contre la Syrie ressemblaient à celles lancées précédemment contre Saddam Hussein. On notera que les bonnes vieilles recettes de « diabolisation » de l'adversaire sont toujours encore efficaces. « Pour forcer la main au président Bush, le lobby, avec le soutien de l'AIPAC, commença à aller à la chasse aux voix. Face à une telle pression, Bush ne pouvait plus guère résister, et la législation anti-syrienne fut finalement approuvée par une majorité écrasante : 398 voix contre 4 à la Chambre des représentants et 89 contre 4 au Sénat. »
A défaut d'une confrontation directe, les États-Unis vont engager une guerre par procuration
Les événements souterrains des années 2006 à 2010 sont encore mystérieux, mais les plans de l'état-major US vont privilégier dorénavant les opérations non conventionnelles, en soutenant des mouvements d'insurrection et de révolte armés. C'est cette politique qui sera mise en œuvre contre la Syrie dès 2011. Le « printemps arable » va constituer de ce point de vue une opportunité remarquable. On se souvient des confessions de Roland Dumas se souvenant d'un entretien avec les services secrets britanniques l'informant que « quelque chose se préparait... ». Il comprit que le Royaume-Uni préparait un soulèvement armé contre le régime syrien. La suite des événements va confirmer tragiquement cette information. La participation de l'État d'Israël à cette entreprise de déstabilisation de la Syrie va se confirmer par le soutien apporté à des groupes armés. Le site « Arrêts sur Infos » en a rendu largement compte.
Ainsi donc, une conspiration puissante s'est mise en place. Ce qui est remarquable, c'est la servilité de l'ensemble des médias occidentaux qui, pendant 5 année, vont inonder l'opinion publique d'une désinformation savamment entretenue. Jusqu'à aujourd'hui encore, les médias colportent le mensonge(8) d'une mouvement de protestation pacifique à ses débuts dans la ville de Daraa qui aurait été brutalement réprimé par le régime, d'un dictateur qui massacre son peuple, d'un régime qui gaze sa population. Mais la vérité commence à se faire jour. Cela explique les efforts désespérés des « amis de la Syrie » pour cacher la réalité.
MARC Jean | 8 décembre 2016
(1). Son livre, paru en anglais en mars 2016 sous le titre « The dirty war on Syria - Washington, regime change and resistance », a été traduit en allemand et porte le titre «Der schmutzige Krieg gegen Syrien - Washington, Regime Change und Widerstand». 2016 Editions Liepsen Verlag Marburg/ISBN 978-3-9812703-9-6(malheureusement aucune traduction en français à ce jour)
(3)En l'occurrence, le quotidien régional « Les Dernières Nouvelles d'Alsace » daté du jeudi 1er décembre 2016 se surpasse dans la désinformation en consacrant une page entière à 3 articles tendancieux :« Les Syriens fuient l'enfer d'Alep-Est, l'ambassadeur français au conseil de sécurité redoute un des plus grands massacres de civils depuis la seconde guerre mondiale », « Apocalypse » titre de l'éditorial de Pascal Coquis, réputé pour son parti-pris anti Bachar, et « Le régime tue avec des armes chimiques » reprenant avec complaisance les propos d'un certain Brita Hagi Hasan précité ! A relever que France Inter a ouvert ses antennes à ce personnage, parfaitement inconnu jusqu'à ce jour, en date du mardi 6 décembre.Il faut croire qu'il bénéficie d'appuis au plus haut niveau de l'État français pour bénéficier d'une telle couverture médiatique !
(4)De toute façon, la libération d'Alep, ce drame épouvantable aux yeux de Roland Fabius, est tout aussi épouvantable pour son successeur émérite, M. Jean-Marc Ayrault, qui demande ce même jour une réunion immédiate du Conseil de sécurité de l'ONU pour examiner la situation de la « ville martyre »,et reçoit au Quai d'Orsay un certain Brita Hagi Hasan bombardé président du conseil local d'Alep « démocratiquement élu » par on ne sait qui -conseil auquel le Gouvernement syrien devrait accorder le privilège d'une « administration autonome » pour faciliter la paix, selon l'idée sortie de la seule imagination de l'envoyé spécial onusien, Steffan de Mistura.
(5) « Guerre en Syrie - Le mensonge organisé des médias et des politiques français »- volume 1 de François Belliot publié en 2015 aux éditions Sigest, suivi par : « Guerre en Syrie - Quand médias et politiques instrumentalisent les massacres »- volume 2, du même auteur et publié en 2016 également aux Editions Sigest(http:// Arrêt sur Info )
(6))http:/ « Ere tz Israël » - le funeste « Plan Oded Yinon » - Cercle des Volontaire
(7) Les ouvrages de Seymour Hersh(« Dommages collatéraux ; la face obscure de la « guerre contre le terrorisme »Editions Denoël,2005) et de John J. Mearsheimer et Stephen M.Walt(« Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine »Editions La Découverte,Paris,2007) sont très instructifs à cet égard et le lecteur y trouvera une masse énorme d'informations ignorées du grand public. Nous avons cité quelques passages instructifs pour étayer notre thèse(entre « »).
(8) Tim Andersen écrit dans son livre précité (page 43): « Dès le début j'ai vu des individus armés présents dans ces manifestations...ce sont eux qui ont fait feu sur la police. La riposte violente des forces de l'ordre ne faisait que répliquer à la violence brutale des insurgés en armes » déclare le père Frans Van der Lugt, décédé en janvier 2012 à Homs. « Affirmer que l'opposition n'a pris les armes contre le régime que pour riposter à la violence de la répression est un mensonge. L'assassinat de militaires, de policiers et de civils souvent de manière particulièrement brutale a commencé dès le début » affirme le professeur Jeremy Salt, Octobre 2011, Ankara.
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Source: arretsurinfo.ch