19/12/2019 logic.ovh  23 min mis à jour le 20/12/2019 #166309

En Vidéo Voici venu le temps de la ruée vers l'eau

Le marché de l'eau

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Commentaire et analyse du documentaire "Main basse sur l'eau", diffusé sur  Arte.

L'eau douce est une denrée rare sur Terre, qui souffre principalement d'une pollution par les détergents et les pesticides (les machines à laver et l'agriculture). Ce documentaire évoque la rareté de l'eau sous l'angle des réponses apportées par le système capitaliste, basé sur le principe de propriété privée, à la question du bon usage du peu d'eau potable qu'il reste, sans se soucier une seconde de la pollution, qui contribue à sa rareté et donc à la problématique de le rareté.

La stature du capitalisme

La première remarque est qu'il devrait être interdit de faire du profit sur un bien vital. Le système capitaliste (on va l'appeler comme ça de façon générique) se présente comme optionnel, et son discours est de dire "Si vous voulez, vous pouvez acheter", et donc, implicitement, "Si vous ne le voulez pas, rien ne vous y oblige". Historiquement du moins la posture du capitalisme a toujours été d'apporter un confort additionnel à une vie sédentaire de villages disparates qui vivaient de leur agriculture et de leur bétail. C'est seulement subrepticement qu'il a glissé vers un système où on est forcés d'acheter, n'ayant aucun autre choix pour vivre, tel que l'électricité, ou l'essence, mais ce n'était pas sa vocation première, étant donné son fonctionnement, qui consiste à procéder à des échanges par équivalences, et qui donc est spécifiquement taillé pour les transactions à petite échelle, dans un monde qui tourne déjà très bien tout seul.

Aujourd'hui l'obligation d'acheter prend une tournure carrément diabolique. En violation des règles fondamentales sur la concurrence, les groupes s'entendent, sans avoir à dire mot, pour proposer des produits qui répartissent entre eux les qualités et les attentes qu'on peut en avoir, au lieu de tous les regrouper en un seul qui soit le fruit de la meilleure étude possible. Finalement le capitalisme plonge le monde dans un esclavage généralisé dont il n'est pas permit de s'enfuir via ce même capitalisme, puisque toutes les routes évolutives sont barrées, par les choix proposés. En d'autres termes si vous ne faites pas ce qui profite au capitalisme, vous êtes un ennemi du monde. Ainsi il ne peut en aucune manière vouloir le bien des peuples, la paix, l'abondance et la gratuité, ni même aucun progrès énergétique ou écologique, ni la santé des gens, en prodiguant des produits bon marché et émancipateurs. On peut arriver à cela mais il faut bidouiller, alors que cela devrait être la première prérogative d'un système social.

Pendant toute sa phase de glissement vers la dictature, partant d'une stature optionnelle apportant le confort et arrivant à une stature inéluctable et anti-évolutive, le capitalisme s'est accommodé de la morale et des principes hérités des générations précédentes, qui ont voulu s'élever de leur obscurantisme et de leur soumission. Ainsi, bien que cela ne soit pas prévu pour, les salaires individuels servaient des familles entières, et les impôts servaient les biens publics, que la richesse globale produisait de façon néguentropique. De même il paraissait inutile d'interdire spécifiquement toutes les possibilités immorales qu'offrait le capitalisme. Puis la tendance s'est inversée au fur et à mesure que le capitalisme s'est rendu compte qu'il y avait énormément de profit à tirer de ce que j'appelle "le marché du mal", la guerre, la pénurie, la souffrance, la maladie, et un désir d'insoumission sans cesse promis et sans cesse réprimé en même temps.

En résumé pour être concis, si le capitalisme veut pouvoir prétendre utiliser les règles selon lesquelles il n'est qu'optionnel, comme un confort additionnel à une normalité qui lui échappe, alors dans le même temps il est obligatoire qu'il y ait des alternatives. S'il n'y en a pas, le capitalisme se retrouve responsable devant l'histoire des dégâts qu'il engendre. Et si c'était une personne morale (une personne systémique), elle aurait déjà été accusée depuis longtemps des pires violations existantes dans l'univers (la destruction d'une planète).

Une question de discernement

Le marché des matières premières touche à une gestion globale des ressources et à l'usage qui leur est réservé. C'est un marché sur lequel se base les marchés locaux, qui en dépendent. En ce sens les marchés globaux ne devraient pas avoir les mêmes statuts, règles et objectifs que les marchés locaux qui en dépendent. En effet les marchés globaux touchent par nature à la gestion à long terme des ressources, or la capitalisme, par nature, n'est capable de raisonner qu'avec des chiffres parlants du court-terme. Et comme c'est dit dans le reportage, la finance (par opposition au marché) elle, pense en terme de très court-terme.

Une gestion à long terme doit pouvoir prodiguer à la fois les ressources essentielles aux marchés à court terme, et à la fois la "normalité" dont je parlais précédemment, c'est à dire le monde dans lequel on vit par défaut, indépendamment de pouvoir faire appel, optionnellement, au confort prodigué par le capitalisme.

C'est à dire que s'il faut tracer une frontière en-deça de laquelle les biens et les ressources sont mis à disposition gratuitement, quoi que de façon rationnelle, c'est à l'endroit où ils sont pensés à long terme et à l'échelle globale. Pour faire cela ce qui manque au monde est un gouvernement mondial (ne partez pas) qui soit social et tourné vers le bien commun et l'unité des peuples (merci d'être restés).

Fabriquer de l'eau ?

La question qui se pose face à la rareté prévue, voire même planifiée et peut-être carrément orchestrée de l'eau, est de savoir où en trouver. La réponse du marché consiste à la confisquer ici pour la renvoyer là-bas. Pour le capitalisme il n'y a rien de plus naturel que de procéder de la sorte, puisque c'est ainsi que l'argent lui-même fonctionne, argent dont on dit qu'il est "liquide", c'est à dire qu'il ne se multiplie pas comme des petits pains, et qu'il faut faire circuler.

À ce propos, lorsqu'il s'agissait du marché de l'information, qui elle est facilement reproductible gratuitement, le capitalisme a énormément traîné les pieds à admettre cette modernité, et s'est trouvé obligé de créer des Business Plan afin de rentabiliser des choses parfaitement numériques, et totalement gratuites. Cet aspect ne doit pas échapper à celui du marché de l'eau car au final on retrouve la même volonté d'empêcher la gratuité, et de rajouter des barrières, ou plutôt des "péages", là où avant les richesses pouvaient circuler librement. C'est en cela, comme je disais précédemment, que le capitalisme a décidé de s'intéresser au "marché du mal" : rajouter des barrières, complexifier les circuits (les chaînes de fabrication ou les circuits monétaires), en rajoutant sans cesse de nouveaux péages à tous les étages. D'ailleurs à un moment dans le documentaire on entend un économiste s'extasier en disant "c'est passionnant comme les marchés se complexifient". Et pour cause, ce n'est que pour le profit.

À la question "fabriquer de l'eau", après avoir contribué à sa raréfaction, se joint la question de l'argent qui pousse aux arbres. Là encore c'est une des contradictions affolantes du capitalisme, qui prétend ce qui existe est "liquide", alors qu'il ne cesse de puiser dans la nature des biens créés par Dieu en personne pour les revendre comme s'ils les avaient inventés, et parfois même brevetés. Sur le plan psychiatrique on voit bien qu'ils se prennent pour Dieu, et sur le plan logique on sait bien que la vérité est toute autre, et qu'ils peuvent croire ce qu'ils veulent, la vérité leur tombera toujours dessus un jour ou l'autre.

Par contre une question intéressante, que j'ai posée à Bill Gates sans qu'il ne me réponde, c'est pourquoi il n'investit pas plutôt dans des machines à produire et distribuer de l'eau potable plutôt que des vaccins ? Le manque d'eau est à l'origine des maladies, des famines, et des guerres dans le monde entier. Pourtant elle tombe du ciel quand il pleut, mais s'enfonce aussitôt dans les sables mouvants de l'impuissance. Pourtant de l'eau on en a plein, les océans, bien que salés, peuvent être utilisés à l'infini en répétant que ce la météo sait faire, c'est à dire vaporiser l'eau et la condenser de sorte à en isoler le sel et obtenir une eau potable. N'importe quelle machine peu onéreuse peut faire cela, et de ce point de vue il est absolument aberrant que l'humanité souffre de manque d'eau, alors qu'elle représente 70% de la surface du globe, et que cela ne coûte presque rien d'installer des systèmes dessalinisation et de transport par aqueduc (une fois installés). Obtenir ces installations n'est qu'une question de gestion à long terme des ressources, une chose rendue presque impossible dans le monde capitaliste, sans cesse alarmé et paniqué.

Psychopathes

Le documentaire d'Arte est l'occasion d'entendre et d'analyser, et de répondre à des propos qui sont largement psychopathes, terrifiants, et assourdissants de bêtise. Même s'il y a peu de chance qu'une telle émission pousse le principe jusqu'à donner une suite à ses propres documentaires dans ce but, il convient de répondre à ces agressions envers les normes morales.

Nous le savons tous, nous le répétons à longueur d'année, ce monde est tombé entre les mains d'une élite psychopathe qui n'a plus rien d'humain au sens noble du terme, dénué de toute capacité de rééquilibrage psychologique par l'affectivité, la compassion, la capacité à se projeter dans les autres, et qui de ce fait entretien un rapport malsain avec la souffrance des autres, qu'à la fois ils engendrent, feignent de ne pas engendrer, et se ravissent d'engendrer (même sans le vouloir explicitement).

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"L'eau tombe du ciel, elle devrait être gratuite : quand j'entends cela, je me dis que les diamants tombent du ciel, et pourtant ils ne sont pas gratuits."

D'une part, comme je l'ai dit précédemment, le fait de puiser des ressources qui poussent gratuitement et d'en faire un commerce au même titre qu'un travail qui demande de l'effort, suffit à prouver l'arnaque du système capitaliste, prévu pour faire des échanges d'équivalences dans un circuit fermé. On peut tempérer en disant que le prix des denrées, ne sont pas celles des denrées mais des grandes sommes de péages qui sont posés tout au long de leur acheminement. Pour autant ces péages sont obligatoires, il n'est pas vraiment possible d'aller là où ça pousse et de se servir gratuitement. Le capitalisme est donc intéressé par la somme des péages qu'elle met sur le chemin de la satisfaction des besoins. Dans cette citation, le psychopathe (on va tous les appeler comme ça) pose un fondement fallacieux pour s'en servir comme preuve d'une autre fondement fallacieux. C'est de la rhétorique.

C'est gens-là ne parlent que pour leur intérêt privatif et irresponsable, ils n'ont aucun sens de la réciprocité ni aucune mesure des répercussions, y compris sur eux-mêmes, de ce qu'ils font. Étrangement leur fortune les met à l'abri de ces inquiétudes, ce qui leur permet de s'étendre sans complexe dans le marché du mal.

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Quand l'eau a été privatisée en Angleterre, elle est devenue une marchandise, et la réponse au non-paiement de cette marchandise a été de couper l'eau à onze mille foyers.

"Pour cette entreprise c'était normal". "Le marché s'en fout si les gens meurent de choléra. Le marché s'en fout, et ce n'est pas leur métier".

Parce qu'il n'est de la responsabilité d'aucun des acteurs d'une transaction inter-individuelle de s'inquiéter du bien du monde, la ressources vitales doivent relever d'une gestion globale à long terme, en vue d'assumer la satisfaction des besoins.

Au début des années 2000 (après que la coupure d'eau ait été interdite) une nouvelle génération d'investisseurs débarque : on les appelle "fonds de capital investissement", ou "fond vautours". Ils sont pressés, et n'ont de compte à rendre à personne.

Et là on touche à une nouvelle strate dans la folie du capitalisme (largement documentée), puisque ces fonds vautours exigent une maximisation du rendement sur une très courte période, avant de refourguer les marchés, criblés de dettes, à d'autres investisseurs encore assez avides pour passer en seconde main, en revendant leurs parts. C'est à dire qu'ils gagnent de l'argent en créant de la dette, cinquante milliards d'euros de dette, et s'isolent de leurs conséquences tout en tirant profit.

La finance est un monde fantastique.

*

Augmentation des factures des consommateurs, flambée des dividendes versés aux actionnaires, évasion fiscale... la privatisation tourne au pillage en bade organisée.

La cupidité ruine des vies, et le principe fondateur du capitalisme qu'est la propriété privée, se retourne en une stratégie de dépossession et de création de besoins criants. Je pense que dans leur tête, ils se disent qu'ils créent de nouveaux marchés et que donc tout va bien.

Les milliards d'euros ponctionnés chaque année par le secteur privé sont en fait comme un trou dans la baignoire qu'on essaie de remplir et dont on se demande pourquoi elle se vide. Les richesses produites par les travailleurs sont insuffisantes pour combler les pompages occasionnés par le secteur privé.

Pour rembourser ces dettes, il n'existe qu'une seule source de revenu sur le marché de l'eau, c'est le consommateur.

Et de même, les humains sont la variable d'ajustement du système capitaliste.

Ils pensent qu'il s'agit d'un crime sans victimes.

*

En Australie, l'eau est une denrée rare et nécessaire au bétail, ce qui a été l'occasion d'instaurer un marché de l'eau comme il existe un marché du pétrole, dont les prix peuvent fluctuer rapidement.

En raison de sa rareté, l'eau a été rationnée. Les agriculteurs bénéficient de droits qui sont calculés en fonction des besoins, des réserves existantes et de la météo.

Ici, en rapport avec mon livre, je suis titillé par le terme de "droits" qui correspond exactement à un début de solution, qu'on va expliquer.

Chacun peut acheter des droits supplémentaires ou revendre les siens.

Ainsi il s'est constitué une bourse de l'eau, qui gère des mégalitres.

Ici, dans la vidéo, on retrouve celui qui au début expliquait "l'eau sert à tout, dans votre café, votre nourriture, votre douche, vous ne pouvez pas vous en passer" (tout sourire). Ici il se présente comme un pionnier du marché de l'eau. On voit mieux son cynisme.

Les prix sont d'environ 500 dollars le mégalitre. Il demande :

"N'est-ce pas bien de fixer un prix de l'eau ? Car en lui donnant un prix, on apprendra à la respecter".

Et là évidemment la réponse est que NON ! Le fait de s'ériger comme un éducateur par acquisition de réflexe par imposition de la force, relève carrément de la torture, et n'est plus utilisée aujourd'hui ni même pour éduquer les chiens. C'est stupéfiant que cet anachronisme issu d'une époque révolue subsiste encore aujourd'hui sous une forme procédurale, et que les gens, en la décrivant, ne se rendent pas compte de la défaillance que cela constitue. Monsieur, faut-il lui répondre, on n'a pas besoin de vous pour connaître la valeur de l'eau. Ni de vous rémunérer pour ce service !

*

Un "water manager" : Dans notre métier on cherche à utiliser l'eau de la manière la plus rentable, pour nos actionnaires.

Celui-ci gère ces stocks avec un courtier spécialisé, et leur discussion est à mettre dans la rubrique des psychopathes. (0'28").

- Le marché n'est pas prévisible en ce moment, c'est un mélange d'appât du gain et de peur. Les deux s'équilibrent.

- Vu la région où nous nous trouvons et du fait du manque d'eau, les gens sont inquiets. C'est un peu frustrant.

- Leur laiteries sont dans un tel état... il n'y a aucun acheteur en ce moment.

=> (Remarque) S'il n'y a aucun acheteur c'est surtout à cause du prix de l'eau.

Il continue :

- D'après mes informations elles sont toutes à vendre, donc si vous voulez investir là-bas, acheter des terres ne serait pas compliqué.

=> C'est ce que j'appelle l'organisation de la dépossession. Il n'y a plus qu'à se baisser pour ramasser. Les gens sont mis à la rue, ruinés et désespérés, et les terres rendues presques gratuites, tout en gagnant de l'argent en amont. En somme ils peuvent racheter les terres des agriculteurs avec l'argent qu'ils leur ont racketté.

La gestion de l'eau

La problématique qui est soulevée, et qui est centrale dans ce documentaire, car c'est l'argument-pivot de la privatisation de l'eau, est la gestion des ressources.

En y accolant un prix, l'eau est quantifiée en terme tarifaire, et il faut bien noter que seule la quantité est comptabilisée, mais pas la qualité. Ainsi elle peut être polluée ou même infecte, cela peut faire varier les prix, si tant est qu'il soit encore possible de négocier.

Si on voulait expressément opérer une vraie gestion de l'eau ce n'est pas avec la méthode du capitalisme qui serait retenue comme étant la plus efficace. En premier lieu dans ce cas, il faut déterminer les objectifs de cette gestion de l'eau, qui en l'occurrence consistent à opérer une répartition équitable, en tenant compte des chaines de conséquences, plaçant les producteurs agricoles en haut de la liste des priorités, et non pas comme les derniers de la liste qui devraient payer pour obtenir un droit qui normalement serait légitime.

Ce qui permet d'affecter les richesses là où elles sont le plus utiles, ceci à l'issue d'études qui peuvent le démontrer et en reposant directement sur la loi, c'est l'attribution de droits. On l'a vu, ce système de droits existe grâce au rationnement, ce qui est une bonne chose, quoi qu'on doive observer qu'ils ne sont employés que d'une manière qu'on peut qualifier de primitive. De plus ces droits peuvent se revendre, ce qui, sans limite liée à la responsabilité, rend parfaitement inutile le principe des droits, et engendre un marché de type boursier, permettant à quelques uns d'en tirer des profits substantiels sans même apporter aucune solution.

Si ce qui compte est véritablement d'avoir une bonne gestion des ressources, alors cette gestion doit relever des personnes dont l'action vise très spécifiquement à faire que ces ressources soient employées le plus rationnellement possible. C'est sur ce point qu'il faut développer la compétence qui justifie l'attribution de droits, qui doivent reposer sur la loi, et les droits de l'homme.

Il est pourtant évident que la promesse faite par le capitalisme de se charger de cette tâche, c'est à dire d'assumer une gestion des ressources, en la faisant reposer sur le principe de l'offre et de la demande, est inadéquate, voire même carrément mensongère. Car on sait que les moyens d'accéder aux richesses n'ont aucun rapport avec la légitimité d'y accéder. C'est d'abord cette légitimité qui doit être mesurée, et tout comme cela a été institutionnalisé en Australie dans une première tentative, ce sont des droits qui doivent être émis, en lieu et place des crédits financiers. Ces droits doivent s'exprimer non pas en valeur financières, mais directement en termes de quantité, et probablement de qualité.

De même, en corollaire, la pollution, la confiscation et les freins posés dans la gestion de l'eau, tels que sa privatisation, doivent être combattus comme étant contradictoires avec la prérogative d'une véritable gestion des ressources à long terme, dont l'objectif est quand même d'organiser sa gratuité, et pour rendre cette organisation plus facile, de chercher à en obtenir l'abondance.

L'argument selon lequel le capitalisme serait capable de permettre une gestion de l'eau, est parfaitement mensonger. Il ne s'agit que d'une illusion de type publicitaire. Dans les faits, ce qui est nécessaire est que les richesses soient gérées rationnellement, en mettant la priorité sur les agriculteurs, les producteurs, les fermiers, ceci afin de répondre à des besoins prévisibles et eux aussi, vitaux. Et il n'y a aucun besoin de faire intervenir le principe de "péage" pour ces circuits, qui comme on le voit dans le documentaire, peuvent se faire directement depuis un téléphone portable.

Non. Ce sont les droits eux-mêmes, issus de la loi, régentés par des motifs rationnels et discutables, qui doivent être la monnaie (ou la justification) qui autorise ces transferts ["transferts" est utilisé à la place de "transactions" dans le cadre de l'attribution d'une gratuité].

C'est pourquoi le principe fondamental d'une gestion rationnelle des richesses promu par ce nouveau capitalisme vert, est correct, alors qu'en même temps sa façon de procéder est incorrecte, puisqu'elle n'a pour finalité, objectivement, d'après ce qui est observable, que d'assoiffer tout le monde, et de créer des pénuries, soit exactement le contraire de ce qu'on attend d'une gestion rationnelle des richesses.

Franchement, trouvent-ils "rationnel" de mettre en faillite des fermes et des agriculteurs ??

La théorie économique

On rencontre monsieur le fier-à-bras Mike Young, économiste hautement intoxiqué, celui qui a eu l'idée de créer une licence pour l'eau, "à bas-prix" précise-t-il. Professeur, il ne cesse de vanter les mérites jubilatoires qu'il ressent à "rendre le monde meilleur". Pour lui "l'abondance appartient au passé", et les études montre que les gens devront vivre avec des ressources limitées. Il ne propose aucune étude permettant d'obtenir l'abondance, cela semble n'avoir aucun rapport avec son métier.

"L'eau doit être gérée de manière très précieuse, de manière à encourager l'innovation, et être sûr qu'elle soit utilisée de la meilleure façon possible".

En cela, on ne peut qu'être d'accord. Mais que veut-il dire par "encourager l'innovation" ? Pourquoi ce terme se trouve-t-il en lieu et place de "répondre aux besoins" ? Et quand il dit "de la meilleure façon possible", ne sommes-nous pas assez instruits pour savoir que ce qu'il entend par là, n'est rien d'autre que le profit des actionnaires ?

"Grâce à lui" l'eau est devenue un produit qu'on peut aussi bien boire qu'en tirer des profits en bourse. Il est vraiment très fier de sa trouvaille. Il devait beaucoup aimer ses professeurs de l'ancien temps.

La faillite des fermiers

À un moment (0'34") l'exploitant se plaint : "ils vivent en achetant et revendant de l'eau, ce n'est pas la même chose que nous qui avons besoin d'eau pour vivre". Et malgré que cette dénonciation soit aussi laconique, elle est pleine de sens. Il faut comprendre la scission qu'il y a entre les marchés locaux et les marchés globaux, tels que je l'ai expliqué antérieurement. Le fait que les deux se retrouvent comme de simple éléments d'une même chaîne de production engendre inéluctablement une tension qui ruine totalement le petit, au profit du grand. Ils ne jouent pas sur le même terrain, à la même échelle.

"Ce système devait permettre aux fermier de créer de la richesse, mais il échappe aux fermiers maintenant".

Et franchement c'était largement prévisible, voire même planifié.

Le seigneur de l'eau

"Il y a beaucoup de tension entre les fermiers et les barons de l'eau" [parlant de lui-même], "ils les voient comme des voleurs, parce qu'ils possèdent l'eau qu'eux ne peuvent pas se payer".

Il explique que si les gens dans le futur veulent manger, il leur faudra de l'eau, et donc (sous-entendu) passer par lui. Il se délecte de sa position.

Les exploitants comparent ce "baron" à une seigneurie du moyen-âge, à qui ils reversent une dime obligatoire.

Le pacte avec les écologistes

L'eau est sanctuarisée pour les besoins écologiques, mais les investisseurs veulent mettre la main sur ces réserves. De leur côté les écologistes ont aussi des besoins en eau pour restaurer des environnements. On se dit qu'ils pourraient la déplacer eux-mêmes, mais non. La femme écologiste (0'41") explique, toute honte bue, que si elle veut sauver "la" rivière, il lui faut acheter de l'eau, ce qui la pousse à créer un marcher d'achat et de vente d'eau.

Mais lorsque Goldman Sachs en 2008 prophétisait que l'eau deviendrait le nouveau pétrole, l'opinion publique n'était pas prête à cette financiarisation. Alors, la Cop 21 a été l'occasion de décréter l'état d'urgence climatique, et sur une toile de préservation de l'eau et de l'air pour les générations futures, l'approvisionnement en eau est devenue un enjeu majeur. Citygroup, dans un rapport, annonce la fin de la gratuité de l'eau.

*

Plus tard dans le documentaire, on revient sur cette alliance étonnante avec les écologistes. La sécheresse, les incendies, la pollution, les taux de poissons poussent de plus en plus d'ONG à acheter de l'eau sur les marchés, ce qui représente un quart des transactions. C'est leur principal client.

Ainsi les organisations écologistes ont été très favorables à la privatisation de l'eau dans l'optique d'une meilleure gestion, sans pousser plus loin le sens critique qui conduit pourtant à reconnaître que la privatisation tend à faire de biens originellement gratuites et inusités l'objet d'un chantage mafieux, n'autorisant l'accès que moyennant des prix inabordables (mais qui sont abordables au début pour habituer les gens).

Un opposant exprime son opinion, basée sur l'expérience :

On ne peut pas laisser le marché décider seul de la répartition de l'eau. Elle ne peut pas se faire uniquement en fonction du prix. Sinon on aura des riches avec de grandes piscines, et des pauvres qui mourront. (1'14")

La loi Sigma

Comme en Australie, en Californie le décret impose un quota d'eau pour chaque citoyen, sans pour autant que ce rationnement ne soit conjoint avec une notion de droit ou de moyen.

La loi "Sigma" est ainsi associée avec l'idée de développement durable. Et comme en Australie, dix ans après, une bourse permet d'échanger ces quotas sur un marché (secondaire).

Rien que le mot "marché" résonne chez eux avec "comment tourner cela à mon avantage".

Et ici je dois faire une note (issue de mon livre) : Les quotas inusités sont revendus sur une sorte de marché noir. Cela pousse les personnes à minimiser leur usage pour maximiser leur profit, et cela pousse par incidence les quotas à diminuer de façon à s'ajuster aux besoins les plus strictes. Par contre, si, comme je le préconise, les quotas étaient eux-mêmes des droits, et eux-mêmes une monnaie [ce qui justifie la transaction], il se produirait l'effet inverse : les droits inusités serviraient à diminuer les coûts à l'échelle globale, et les quotas individuels pourraient librement être surabondants sans pour autant faire perdre la responsabilité de leur usage. En échange des quotas inusités, d'autres droits seraient distribués, étant donné qu'il est certain que ce système de quota est promit à s'étendre à d'autres biens qu'il va falloir rationner. En fait, tout ceci s'approche vraiment de près de ce que j'ai développé dans mon livre "La Société-Réseau". Mais à quelques petits détails près, les conséquences sont inverseés.

La conviction des vendeurs

De nouveau (0'50") :

- Il faut faire payer aux gens le véritable prix de l'eau, pour qu'à chaque fois qu'ils en boivent une gorgée, ils sachent qu'il y a un coût. Il faut qu'ils le sentent au niveau du portefeuille. Comment les convaincre de réduire leur consommation, si vous leur en donnez gratuitement ?

Cette question est très simple, grâce à une conscience morale. En fait, plus besoin d'avoir une conscience morale si l'eau est rendue rare volontairement. Finalement ce psychopathe produit l'inverse de l'effet annoncé, en empêchant que cette conscience morale apparaisse, et faisant que les gens se battent pour leur propre compte. Mais elle ne peut être que le fruit d'une éducation, et rien ne dit qu'elle n'est pas déjà existante. Moi on me l'a toujours apprit, qu'il fallait réparer les robinets qui fuient. D'ailleurs à ce titre j'en profite pour signaler qu'il devrait être possible de récupérer l'eau dégagée par les groupes de sécurité des ballons d'eau chaude pour la réinjecter dans le circuit, plutôt qu'elle ne coule aux égouts. Cela représente un litre par jour et par installation dans le monde. Mais ce ne sont pas eux qui auraient cette idée.

Le discours capitaliste qui consiste à dire "La gratuité ? Ce serait le chaos" rappelle sans hésitation celui des aristocrates de la révolution française, qui disaient, quand leur parlait des Droits de l'homme : "La liberté ? Ce serait le chaos". Il faut bien comprendre que les capitalistes, et les psychopathes, ne cherchent pas à parler "en vérité", en connaissance de cause, et dans le but que l'histoire démontre qu'ils avaient raison, ils cherchent uniquement à dire ce qui leur profite.

- Nous allons voir les marchés vendre les premiers produits financiers sur l'eau. Même les tradeurs à haute fréquence et les fonds spéculatifs seront intéressés. Tout le monde voit ça comme une opportunité. Reste à savoir qui tirera le premier, et le plus fort.
- Et quelle sera leur motivation ?
- Le profit. Et aussi indirectement le bien de l'humanité. C'est le meilleur des mondes ! Qu'est-ce qu'il pourrait y avoir de mieux ?
- Mais c'est immoral de faire du profit avec l'eau !
- Pourquoi serait-il immoral de commercialiser l'eau ?
- Parce que l'eau c'est la vie !
- Vous payez bien votre assurance santé. (Long silence). Ce n'est pas parce que l'eau est la vie, qu'elle ne doit pas avoir un prix.

C'est vraiment édifiant, terrifiant, et effarant.

On peut répondre au monsieur, que son erreur est légitime, et qu'il ne faut pas s'en offusquer. Premièrement il n'a pas de conscience morale, cela est un fait : il ne comprend pas cette notion. On la lui explique, mais il répond en affirmant que la vie a un prix. C'est à dire qu'il n'y a rien d'inestimable ou de respectable dans la vie, tout peut s'acheter, même la vie ! Et justement, c'est bien là l'argument massue qui invalide tout le capitalisme, qui fait des humains des variables d'ajustement d'un système économique, en mettant leur travail sur la même échelle de valeur que les profits qu'ils fabriquent et les ressources qu'ils utilisent, c'est que la vie est inestimable ! On ne peut pas compenser une vie brisée ou confisquée par les profits quelle a générée, à moins évidemment que ces "profits" aient été désirés librement par cette personne qui a commit ce sacrifice d'elle-même. C'est vraiment invraissemblable, que ces gens-là, ces psychopathes, croient avoir le droit de décider pour les gens de la valeur de leur vie, ou du moins qu'ils aient prit l'habitude de le faire, au point de trouver cela normal.

L'exemple qu'il prend avec l'assurance-santé, est de même nature. On n'a pas (pas encore) ce problème en France, où le bien public est socialisé, afin justement qu'il coûte le moins cher possible au plus de monde. Le modèle de la privatisation engendre des tarifs qui rendent, précisément, la santé inaccessible aux petites bourses, ce qui force les médecins à rompre leur serment d'Hippocrate, puisque la santé est conditionnée par les moyens d'y accéder. Quand un système a autant de problème, il faut s'empresser de trouver des solutions.

Mais pour lui "c'est le meilleur des monde, que peut-il y avoir de mieux ?". C'est à cela qu'il faut répondre. Il y a beaucoup de réponses possibles, mais pour faire court on va se contenter d'en rester au principe de la socialisation, en vue de permettre la gratuité des biens et services de première nécessité, dont la satisfaction devrait être comme les droits humains, inaliénable et inconditionnelle.

Quand le capitalisme tombe à l'eau

Précédemment j'évoquais le terme "se prendre pour Dieu" en parlant des capitalistes, et en fin du compte du capitalisme en lui-même. La question centrale, c'est que le système capitaliste ne peut qu'être monopolistique, il ne peut exister aucun autre système social aux côté d'un système prédateur. Cela devrait suffire à l'invalider. C'est un système cloisonné dans la mesure où il veut tout régenter, y compris comme on le voit ici, la simple eau qui tombe du ciel grâce à la beauté dont la nature est faite. (On n'a pas évoqué les armes météorologiques, qui pourraient résoudre les problèmes de pénuries).

Mais ce qui est important à retenir est qu'en se présentant comme "le seul modèle" à pouvoir régenter l'eau (ce qui est vaniteux), le capitalisme tient surtout à "tout régenter", et se sent capable d'affronter l'infini complexité du monde et l'ensemble des chaînes de conséquences, dès lors qu'on s'amuse à jouer avec la nature, en décidant qui a droit ou pas aux ressources naturelles. On peut se demander par exemple, comment les espèces animales vont se comporter dans un environnement aussi instable, et comment ils vont évoluer pour s'adapter.
La réalité est que cette infini complexité est un obstacle majeur à l'idéologie monolithique du capitalisme, qui veut tout faire régenter par la loi de l'offre et la demande. De la même manière qu'on lui reprochait de présupposait "une croissance infinie dans un monde fini", ce qui fait voler en éclat le principe d'autosuffisance et s'appuie sur celui d'impérialisme et enfin l'ingérence (qui sont des violations), aujourd'hui le capitalisme trouve un nouveau moyen de nous écœurer, en spéculant sur des ressources finies et en ne s'embarrassant pas d'une complexité infinie de causes et conséquences.

L'eau, c'est la vie

L'eau représente 70% de la constitution du corps humain, que diriez-vous si on vous taxait votre sang, en tant que propriété d'une entreprise, qu'elle vous permet d'utiliser en payant une location à l'année, et qu'elle viendrait vous retirer des veines au premier défaut de paiement ?

Un autre contre-exemple, les animaux ont un accès gratuit à l'eau dans la nature, que comptez-vous faire pour que l'humain ait ce même droit, à) qu'il retourne vivre dans la jungle, ou b) qu'on aille aussi taxer les animaux pour avoir le droit de se nourrir, de boire et d'habiter ? Si cela vous paraît stupide, ce ne l'est pas moins que de vouloir rendre payant ce qui est vital.

Et après l'eau, quoi d'autre, l'air ? Cela se fait anecdotiquement, il y a des "bars à air pur", mais la question de cet air pur, ne devrait-elle pas être étendue à tout le monde de façon conventionnelle ? En fait en terme général, tout confort obtenu pour soi, sur le plan moral, doit indiquer comment chercher à l'obtenir pour tout le monde.

L'expression "l'eau c'est la vie" recoupe un grand nombre de considérations physiques et morales. Partout dans l'univers où il y a de l'eau, il y a la vie. C'est un symbole d'espoir et d'universalité du phénomène de la vie. Et l'homme dans cet univers doit se tourner vers les questions fondamentales, philosophiques et spirituelles, afin de résoudre les grands mystères de la vie.

Une question de justice

Privatisation concurrence, rentabilité, la doctrine libérale récite son alphabet.

Le droit à l'eau est une question qui relève des droits humains.

Aux Nations-unis en 2010, une résolution reconnaît l'accès à l'eau comme un droit universel.

Tous les pays qui ont promu la privatisation de l'eau, dont la France, se sont abstenus de voter ce jour-là.

- "Les gens de CityGroup, bien que forcés d'admettre que l'eau est un droit humain, insistent pour dire que c'est aussi la fin de l'eau gratuite. Ils veulent que l'eau soit une marchandise parce que plus elle sera rare, plus elle sera chère, c'est leur or."

Mais l'eau est un droit humain. Elle doit rester publique, et appartenir à tous.

"Parfois ce sera dur, vous pourrez vous sentir seuls. Vous direz "Pourquoi moi ? Les autres s'en fichent". Mais c'est comme ça, et je sais que vous réussirez.

C'est très émouvant à entendre.

Et surtout cela peut être l'occasion de mettre en évidence le lien entre privatisation et raréfaction, c'est à dire le fait que la recherche de profit, contrairement à ce qui est prétendu, n'est pas une réponse impassible à des besoins, mais l'occasion d'orchestrer une raréfaction volontaire dans le but de dégager du profit.

C'est l'apothéose du capitalisme, le moment où il se retrouve confronté à la réalité, et où sa déficience apparaît au grand jour.

Il y a quatre milliards d'années, l'eau est arrivée de l'espace, et avait depuis survécu à toutes les catastrophes. Elle est désormais menacée par les hommes, qui rêvent de transformer les rivières en or. Comme si la nature n'était qu'un immense supermarché.

Bravo !

 logic.ovh

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