22/09/2023 reseauinternational.net  5min #234216

 78e Assemblée générale de l'Onu : coup d'envoi du débat général

Le président iranien Ebrahim Raïssi s'adresse à l'Assemblée générale des Nations unies : ce qu'il faut savoir

par Gilbert Doctorow

Ce matin, un message WhatsApp de Press TV (Iran) m'a incité à faire ce que les bonnes pratiques m'auraient conseillé de faire si je voulais être au courant des développements internationaux les plus importants de la journée. Press TV m'a invité à discuter à l'antenne du discours prononcé hier par Ebrahim Raïssi devant l'Assemblée générale des Nations unies, en particulier de ses remarques sur le fait que le monde n'accepte plus l'hégémonie occidentale, ni la mentalité de la guerre froide qui attise les flammes des conflits pour saper le bien-être des autres nations. Regarder ce discours est immédiatement devenu une nécessité.

Vous trouverez mon interview de 10 minutes ici :  urmedium.net

Comme vous le verrez dans cette interview, je suis allé au-delà de la question immédiate de la position de l'Iran sur l'hégémonie mondiale des États-Unis et j'ai replacé le discours du président iranien dans le contexte d'une série de réalisations diplomatiques qui ont commencé par le rétablissement des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite au printemps dernier. Puis il y a eu la conclusion d'accords longtemps retardés avec la Russie sur les investissements dans un nouveau corridor nord-sud reliant l'Asie centrale et la Russie par le train et la logistique intermodale à travers l'Iran jusqu'aux ports indiens. Le mois dernier, nous avons assisté à l'invitation faite à l'Iran de devenir membre à part entière du groupe des BRICS le 1er janvier 2024. Et dans les jours précédant l'arrivée des délégués à l'Assemblée générale des Nations unies, un accord a été conclu avec les États-Unis sur l'échange de prisonniers et le déblocage de 6 milliards de dollars d'actifs iraniens gelés depuis plusieurs années en Corée du Sud. En outre, en marge de sa visite à New York, Raïssi devrait s'entretenir avec le chef de l'agence de surveillance nucléaire de l'ONU au sujet de l'accès des inspecteurs aux installations nucléaires iraniennes. Au même moment, le ministre iranien de la Défense accueillera son homologue russe Sergueï Choïgou à Téhéran pour des discussions sur le développement de la coopération entre les deux pays en matière de matériel de défense et de questions de sécurité dans la région. Il est clair que l'Iran a le vent en poupe.

Le discours du président Raïssi a été retransmis par plusieurs grands portails Internet. Voici le lien vers le discours d'America's Public Broadcasting, la chaîne publique américaine, que j'ai utilisé :

 https://www.pbs.org/watch-iranian-president-ebrahim-Raïssi-addresses-the-2023-united-nations-general-assembly

Dans ce qui suit, je résumerai certains des éléments de ce discours remarquable qui m'ont le plus impressionné. J'invite les lecteurs à suivre le lien de PBS et à tirer leurs propres conclusions.

Le président Raïssi a commencé son discours par des remarques de nature philosophique, exposant les racines communes des principales religions du monde, qui remontent à Abraham, à Jésus et à Mahomet. L'islam considère que les hommes et les femmes sont complémentaires et qu'ils ont une valeur égale devant Allah. L'islam met l'accent sur la famille en tant qu'unité centrale de la société, et sur les enfants en tant que don du Tout-Puissant. Son propos était d'établir les valeurs positives de sa religion et de sa culture qui se heurtent à l'islamophobie de l'Occident, comme en témoignent la profanation du Coran, l'interdiction du port du hijab dans les écoles et l'apartheid dont sont victimes les immigrés musulmans en Europe. Ces dérives résultent d'une perte de repères de l'Occident, d'une crise d'identité.

Ce sont les premières notes d'un leitmotiv de confrontation entre l'Orient et l'Occident qui a traversé tout le discours.

Le président iranien a insisté sur le fait qu'un nouvel ordre géopolitique se mettait en place malgré les efforts de l'Occident capitaliste pour maintenir son hégémonie. Les tentatives des États-Unis d'imposer leurs idéaux au monde ont échoué. Ils parlent de démocratie, mais c'est un leurre. Des puissances non occidentales émergent et rejettent l'arrogance de l'Occident.

L'Occident organise des coups d'État, des guerres par procuration. Il cherche à diviser le monde en blocs, mais il ne faut pas laisser se développer un nouveau clivage Est-Ouest. Les puissances émergentes mettent en place une coopération régionale. Les régions interagissent avec la communauté mondiale sur la base de la justice.

L'Iran défend une politique de bon voisinage. Des voisins stables sont synonymes de régions stables. Les puissances étrangères ne devraient pas intervenir dans la région, du Caucase au golfe Persique. Elles ne font pas partie de la solution, mais sont plutôt l'essence même du problème.

Les réflexions du président Raïssi sur la guerre en Ukraine ont attiré mon attention : «Nous ne soutenons pas de guerre où que ce soit, que ce soit en Europe ou ailleurs». Un son neutre, n'est-ce pas ? Mais il poursuit en disant que les États-Unis ont attisé la guerre pour affaiblir l'Europe. L'Iran, a-t-il dit, soutient toutes les initiatives de paix.

Enfin, j'ai noté sa condamnation des États-Unis pour leurs «crimes flagrants» consistant à se retirer de l'accord nucléaire multipartite connu sous le nom de JCPOA et à imposer des sanctions draconiennes à l'Iran.

Je pourrais mentionner de nombreuses autres questions abordées dans ce discours, notamment le rôle des agents des services de renseignement occidentaux dans l'organisation des manifestations antigouvernementales en Iran l'année dernière à la suite de la mort en détention de Mahsa Amini, ou la manière dont les pays occidentaux ont offert un refuge aux terroristes qui opéraient au Moyen-Orient. Toutefois, je laisse aux lecteurs le soin de découvrir les autres perles de ce discours.

Si je peux me permettre une généralisation de ce discours, il a clairement montré que l'Iran soutient les vues géopolitiques des BRICS et que toute idée des États-Unis selon laquelle Téhéran peut être ramené dans le giron des nations vassales par la levée des sanctions ou d'autres concessions est illusoire.

source :  Gilbert Doctorow

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