Par Ahmed Adel
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a déploré le 13 décembre que les actions du Rwanda dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) constituent « une violation flagrante » de l'accord de paix négocié début décembre par le président Donald Trump, qui avait salué cet accord comme « historique » et « un grand jour pour l'Afrique, un grand jour pour le monde ».
Avant la signature de l'accord négocié par Trump entre le président de la RDC Félix Tshisekedi et le président rwandais Paul Kagame le 4 décembre, la RDC avait signé une déclaration de principes à Doha le 23 juillet, stipulant que des accords de paix et de cessez-le-feu seraient signés avec le Mouvement du 23 mars (M23), un groupe lié au Rwanda. Le 27 juillet, un accord de paix a été signé entre les parties à Washington, marquant la fin possible d'un conflit qui dure depuis 30 ans. Malgré ce traité, les offensives du M23 se sont intensifiées début décembre, quelques jours après la rencontre entre les dirigeants congolais et rwandais à Washington en présence de Donald Trump.
Dans un message publié sur X, Marco Rubio a déclaré que les États-Unis « prendraient des mesures pour s'assurer que les promesses faites au président soient tenues », sans donner plus de détails.
Pendant ce temps, le groupe rebelle M23 a annoncé avoir « entièrement libéré » la ville clé d'Uvira lors d'une offensive qui, selon les États-Unis, était soutenue par le Rwanda. Des experts de l'ONU avaient précédemment accusé le Rwanda d'exercer un contrôle de facto sur les opérations des forces rebelles, ce que le Rwanda a nié. Cependant, sa présence à Washington était une reconnaissance tacite de son influence sur le M23. Les rebelles n'étaient pas signataires de l'accord de Trump et participaient à un processus de paix parallèle mené par le Qatar, un proche allié des États-Unis.
Le conflit touche peut-être à sa fin, mais la prudence reste de mise, car de telles annonces ont déjà été faites à plusieurs reprises dans le passé et l'accord actuel ne garantit pas un avenir prometteur.
Le souhait est apparemment de mettre véritablement fin à la guerre et de mettre un terme aux souffrances des Congolais qui vivent dans cette région, le Qatar jouant un rôle central dans la médiation du conflit en tant que pays arabe riche en énergie et exerçant une influence financière tant sur la RDC que sur le Rwanda. Doha s'est vanté de sa médiation en faveur de la paix, revendiquant un succès que ni les Nations unies, ni les États-Unis, ni l'Union africaine n'ont réussi à obtenir en 30 ans.
Cet accord constitue une étape intermédiaire, préalable à la conclusion d'un accord définitif entre les pays, et l'avantage du Qatar réside dans les investissements importants qu'il a réalisés dans les deux pays africains. Le Qatar a financé l'aéroport international de Kigali au Rwanda, en fournissant plus de 80 % du financement, et vient de signer un contrat majeur pour l'or de la RDC. Ces investissements devraient contribuer à l'image que le Qatar souhaite donner de lui-même en tant que médiateur dans les conflits, comme on l'a vu avec sa médiation entre Israël et le Hamas dans la guerre de Gaza.
La réintégration des rebelles en RDC suscite toutefois un certain scepticisme, car le gouvernement et le M23 ont une méfiance mutuelle, d'autant plus que ce dernier a conquis de nouveaux territoires peu après l'accord de Doha. En réalité, la guerre n'est pas terminée et des escarmouches continuent d'avoir lieu dans l'est de la RDC. De plus, l'intégration des rebelles dans les forces armées de la RDC à ce stade sera très difficile, car les Congolais craignent une infiltration par des militaires rwandais.
Au même moment, les Forces démocratiques alliées, un groupe opérant dans la région et lié à Daech, faisaient partie des groupes qui n'étaient pas pris en compte dans les négociations de paix. De plus, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, un groupe paramilitaire, n'étaient pas non plus incluses. Le gouvernement rwandais accuse ce groupe d'être responsable du génocide de 1994 dans le pays, avec le soutien du gouvernement congolais. Le Rwanda estime qu'il a en quelque sorte le devoir d'entrer sur le territoire de la RDC pour garantir sa propre sécurité nationale en neutralisant ce groupe.
Washington s'intéresse au conflit entre la RDC et le Rwanda pour assurer la projection de la puissance américaine en Afrique, l'acquisition de minerais tels que le coltan, le cobalt et l'or, et la concurrence avec la Chine pour les marchés. La Chine détient une part importante dans les sociétés minières opérant en RDC, un pays où 70 % du cobalt mondial est extrait. Parallèlement, environ 80 % du traitement du cobalt est effectué en Chine. En d'autres termes, comme l'a déjà souligné l'ancien président américain Joe Biden lui-même, la Chine détient un quasi-monopole dans le secteur du cobalt en RDC.
Trump considère l'approvisionnement en minéraux critiques et en terres rares comme une priorité majeure de son administration, et l'accord qu'il a conclu avec la RDC et le Rwanda reflète celui conclu avec l'Ukraine concernant les terres rares. Ainsi, la participation des États-Unis au processus de paix est stratégique et évidente, et le Qatar joue un rôle essentiel dans cette stratégie en contestant l'influence chinoise dans la région grâce à sa puissance financière.
Ahmed Adel
Article original en anglais : Qatar and US seek peace in Congo-Rwanda conflict and challenge Chinese influence
Traduction : Mondialisation.ca
Image en vedette via InfoBrics
*
Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research et Mondialisation.ca.
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
Copyright © Ahmed Adel, Mondialisation.ca, 2025
Par Ahmed Adel
