08/12/2019 histoireetsociete.wordpress.com  10 min #165682

Le savoir vivre communiste : le démantélement du système d'abord, les élections après ?

Le savoir vivre communiste: Le baculement des couches moyennes dans la charité ou dans la haine fasciste est-il une fatalité?

Une fois de plus c'est de l'Amérique latine que vient la clarification politique, sans doute parce que la lutte des classes y prend des formes plus exacerbées.

LE NEO-LIBERALISME NE DANS LE SANG EN AMERIQUE LATINE ET SOUS MITTERRAND EN FRANCE

Je l'ai déjà constaté dans mes mémoires avec le Chili en 1973 et plus généralement la répression terrible qui a accompagné sur ce continent la vague néolibérale alors qu'elle prenait aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne l'allure d'une « révolution » qui bien que « conservatrice » se présentait comme un libéralisme libertaire remettant en cause les dominations étatiques. Les gauchistes tentés par le trotskisme ou par les théories de Foucault contre l'Etat se convertissaient au néo-libéralisme, surtout quand ça leur rapportait...

le néo-libéralisme n'est que l'impérialisme stade suprême du capitalisme caractérisé comme le disait Lénine par une concurrence intermonopoliste à son stde le plus élevé provoquant des guerres pour le partage du monde, mais le stade de la financiarisation de ces monopoles avec la difficulté de mettre en valeur le cancer financier qui se déploie sur la planète, non seulement il n'a pas renoncé à l'Etat mais il produit des formes superstructurelles indispensables à la mise en valeur de certains secteurs comme l'armement, la privatisation des fonctions étatiques.

En France, le phénomène était encore plus complexe puisqu'il avait été mis en œuvre avec un maximum de contradiction par un gouvernement socialiste avec des ministres communistes. Un temps où les intellectuels étaient transformés en courtisans et attaquaient le communisme sur sa gauche, celle dite des nouveaux philosophes.

L'UTOPIE NEO LIBERALE: L'EMANCIPATION INDIVIDUELLE MISE EN CAUSE

Ce dont témoigne entre autres aujourd'hui l'Amérique latine c'est que loin d'avoir été abolie par l'utopie néo-libérale (l'exploitation sans limite devenue synonyme de l'émancipation de l'individu opposé à tous les collectifs), le néolibéralisme se heurte désormais à un refus généralisé qui a d'abord engendré une vague de mouvements progressistes qui ont connu des résultats. Ceci alors même que les rapports de force étaient en train d'évoluer au niveau mondial avec :
1) le déplacement vers l'Asie-pacifique d'un grand nombre d'enjeux avec la montée en puissance de la Chine
2) dans ce contexte l'apparition de nouvelles relations sud-sud avec un phénomène comme les Brics
3) une nouvelle offensive de l'impérialisme alors même qu'il tente de se désengager de certains terrains en laissant le poids sur ses alliés européens et asiatiques invités à supporter le coût de l'opération et de subir la ruine de toutes les guerres commerciales. La tentation mais aussi la difficulté de se désengager de cette vassalité impérialiste et l'impossibilité de renoncer au cancer financier qui les ronge, le cas de la France enfoncée dans le Sahel, en Syrie et ailleurs qui ne peut se dissocier des USA tout en lorgnant du côté de l'Eurasie pour rompre l'alliance entre la Chine et la Russie. Bref une tactique à géométrie variable où elle perd sur tous les tableaux.

Ceux qui sont censés conférer une logique idéologique à ces mouvements désespérés dont la seule boussole est le profit, l'accumulation sans frein, ont de plus en plus de mal à le vendre.

L'ENJEU DES COUCHES MOYENNES EN AMERIQUE LATINE MAIS AUSSI EN FRANCE

Dans ce contexte un autre phénomène que nous montre l'Amérique latine aujourd'hui c'est la manière dont les couches moyennes née de gouvernements progressistes au cœur même de l'impérialisme et en contradiction avec lui ont du mal à se positionner dans une telle situation, et paradoxalement à rallier les couches populaires.

L'originalité de la Chine est peut-être d'avoir laissé le capitalisme se développer au sein de son socialisme sous la forme du marché, de l'instabillité qu'il génère, d'avoir à la fois réduit de manière fondamentale la misère tout en accordant toute latitude à l'intiative mais le processus n'est pas exmpt de tension et selon eux exige plus de distature du prolétariat.

Si l'on admet que la France où n'a cessé d'être à l'œuvre la contradiction entre le stade de domination des monopoles financiarisés et le maintien par les luttes d'un fort secteur public, symbolisé par Mitterrand qui détruit l'industrie, renforce l'internationalisation et la financiarisation du capital au point que la crise de 2008 part du secteur financier français, nous pouvons comprendre à quel point l'enjeu des couches moyennes se joue dans cette contradiction.

Très souvent nous avons tendance à ne voir que le rôle des médias dans la faiblesse de la conscience politique française, le phénomène est important mais il ne l'est que parce qu'il traduit la manière dont tout a été fait pour couper des couches moyennes des couches populaires y compris à l'intérieur des partis politiques de gauche, le PS bien sr mais aussi le PCF.

LES MEDIAS NE SONT QUE LA TRADUCTION DE CETTE SITUATION DE SOUMISSION

Sur ce blog aujourd'hui je publie un article d'Acrimed qui décrit la profession de journaliste, le fossé gigantesque qui existe entre des éditorialistes surpayés et une masse de précaires mal payés. C'est un fait qui n'explique pas la cohérence de cette profession, le fait bien sûr que ce sont des secteurs monopolistes, en France dominés par les marchands d'armes qui en sont les propriétaires et que les rédactions sont sous leur pouvoir financier et idéologique. Celui qui veut travailler est obligé de se conformer au moule idéologique, c'est vrai pour toutes les professions, mais il y a aussi le choix de la servitude.

Cet article fait des journalistes une profession à part, il peut ignorer un phénomène important de nos sociétés et que l'on trouve sous une forme exacerbée en Amérique latine où pour une part elle explique la contre-offensive des Etats-Unis, à savoir la manière dont certaines couches moyennes qui sont nées des politiques progressistes ont rejoint le camp du capital contre les pauvres, d'abord parce qu'effectivement leur situation s'en distinguait et que ces classes leur apparaissaient de plus en plus comme laborieuses ou non mais toujours dangereuses, à ce titre le racisme anti-immigrés ou au contraire anti-autochtone joue un rôle évident.

Mais paradoxalement, c'est la crise que connaissent aujourd'hui ces couches moyennes relativement diplômées qui engendre leur adhésion au capital, la classe des plus déshérités étant celle où eux ou leurs enfants menacent de chuter et l'obéissance servile à ce qu'exige d'eux le capital est une manière de survie avec néanmoins des contestations sociétales dans lesquelles ces couches prétendent assumer leur anticonformisme qui fait partie du bagage exigé, c'est particulièrement le cas d'un certain féminisme, d'une vision charitable des migrants, tout pour les pauvres tant qu'ils restent soumis et même une défense de l'environnement qui ne met jamais en cause le capital mais dénonce les exigences des pauvres et les fautes des masses, rêvent d'un monde quasiment débarrassé du genre humain.

EST-CE QUE LES COUCHES MOYENNES VONT ENTRER DANS LES LUTTES SOUS QUELLE FORME?

Si l'on ne fait pas cette analyse de la soumission idéologique des couches moyennes diplômées de plus en plus précarisées à une vision impérialiste, on ne peut pas comprendre pourquoi il y a effectivement unité de la profession médiatique. Cependant, cette soumission alliance est fragile et il s'avère, là encore ce qui se passe en Amérique latine nous parle, qu'en cas de grand mouvement social, la bascule est possible comme elle l'a été au XIXème siècle pour toute une élite intellectuelle dont Marx et Engels étaient les plus beaux fleurons et au XXème siècle à travers la forme des partis communistes construisant leurs propres appareils idéologiques de l'Etat. C'est de la jeunesse qui subit le plus la déstabilisation de ces couches moyennes et qui aspire le plus à un autre avenir que part le phénomène.

Mais il est de plus en plus difficile de réellement bouger dans les couches de retraités ou pré-retraités issus en France de la collaboration de classe initiée par Mitterrand dans les années quatre-vingt, du moins à la mesure de l'état réel de ce que vivent les populations y compris une bonne partie de la jeunesse. Ils sont à la fois ceux que l'on retrouve le plus dans les partis de gauche, les associations, très sensibles au réformisme et une inertie idéaliste.

Mais là encore il faut être attentif au fait que dans bien des pays c'est l'attaque contre les retraites qui a nourri la mobilisation, il s'agit des retraites mais aussi de la dépendance, de la solidarité entre générations et l'on voit des tensions apparaitre, l'étincelle qui au Chili comme dans d'autres lieux porte sur les transports. Quelque chose est en train d'apparaître et les dirigeants inféodés au capital ne s'y trompent pas, ils savent exactement où en est le mouvement, ses faiblesses sur le plan idéologique et politique.

le fait que la France a résisté aussi à la destruction du service public, mais que celui-ci atteint une limite dans laquelle se joue son existence généère une entrée dans les luttes de tout le personnel de ce service public et le caractère massif du 5 décembre en témoigne.

Il n'en demeure pas moins que sur le plan idéologique est politique, ce qui domine est bien ce qui est diffusé dans les médias et qui est fait pour diviser, empêcher la jonction, interdire une vision du caractère global des problèmes.

Aujourd'hui encore, pour l'exemple je présente un pur produit idéologique des couches moyennes européennes, un certain retour à Marx, dans un article de The Guardian. Remarquez leur mal être provient des nouvelles technologies qu'ils relient au « fétichisme de la marchandise » en éliminant bien sûr l'exploitation, sont rapidement balayés les prolétaires incapables selon eux désormais de la moindre solidarité. Il n'est pas question de dénoncer l'impérialisme réel, les multinationales financiarisées. Non il y a un pays coupable de tous les maux de s'être vendu au capitalisme comme de créer une concurrence déloyale qui est à l'origine de l'impossibilité d'union du prolétariat c'est la Chine, haro sur le communisme est la condition pour rester médiatisé, pour être publié dans The guardian et parfois dans l'Humanité. Après cette désignation de l'origine de tous les maux du prolétariat on passe dans le ravissement aux effets nocifs de l'excès de consommation qui nous rend idiots avec quelques références mal maîtrisées à Lukacs devenu le chef de file de l'école de Francfort, ce qui l'étonnerait beaucoup. Donc nous avons ici une vision superficielle de Marx mais reste effectivement la question qui le rend incontournable: « il s'agit moins de penser le monde que de le transformer »

C'est là qu'intervient le dernier article publié aujourd'hui : Quand la petite bourgeoisie sent le sol se dérober sous ses pieds mais qu'elle ne veut surtout pas rejoindre le prolétariat symbole de sa propre déqualification, quand on a réussi à la convaincre que son principal ennemi est le totalitarisme communiste, à commencer par la Chine coupable de tous les maux, quand on a semé la confusion la plus totale dans son esprit, au point de voir dans le genre humain et pas dans le capital l'origine de tous ses maux le fascisme s'avère la solution la plus évidente pour maintenir un pouvoir contesté de toute part. Ce recours est d'autant plus aisé que partout le capital a constitué des réseaux dormants qu'il peut activer parce qu'ils sont à l'œuvre dans ses forces répressives. Il n'y a pas que l'Amérique latine, l'Europe est un terrain fertile surtout quand l'UE proclame désormais ouvertement que communisme et fascisme c'est pareil en menant le combat exclusivement contre le premier considéré comme le seul danger

Danielle Bleitrach

 histoireetsociete.wordpress.com

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