Par Julien Le Ménéec
La volonté de la France de retirer ses troupes du Niger n'était pas une surprise au vu de son différend avec la junte militaire. Cette initiative contraste fortement avec les actions américaines. Cette initiative contraste fortement avec les actions américaines.
Pendant que la France doit quitter maintenant le Niger après avoir été chassé du Mali, du Burkina Faso, trois pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Niger, Mali, Tchad, Mauritanie) qui ont déclaré «être prêts à se battre aux côtés du Niger face à la menace d'intervention militaire [de la France et de ses alliés]», le secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III a rendu une visite spéciale aux militaires déployés au Camp Lemonnier, à Djibouti, lors de son premier voyage en Afrique les 24 et 25 septembre 2023. «De là, il a poursuivi son voyage à travers le continent africain plus tard en se rendant au Kenya et en Angola pour montrer l'appréciation du ministère envers nos partenaires africains», mentionne le site de l'armée américaine.
Il est à remarquer que le site sénégalais Ndarinfo, fait savoir que «la Mauritanie n'est pas chaude pour accueillir les militaires français quittant le Niger». Même si le Tchad accueille l'état-major des opérations françaises au Sahel, ainsi que des troupes déployées dans le cadre d'un partenariat militaire avec N'Djamena, des tensions ont lieu contre la présence française: «Un militaire français tue par balle un soldat tchadien qui l'agressait». En outre, RFI rapporte qu' «un parti politique [au Tchad] appelle au départ des troupes françaises».
Pendant que la France était éjectée d'Afrique, Observateur Continental avertissait en septembre dernier que l'armée américaine a repris des opérations antiterroristes sur ses bases au Niger. La visite récente du secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III en Afrique s'inscrit dans une continuation de la politique américaine sur le continent africain alors que la France est chassée de ce continent.
GEO a rappelé fin septembre dernier que «peu après le retrait du Mali, les 47 derniers militaires français déployés en Centrafrique ont décollé le 15 décembre 2022 de l'aéroport de Bangui. L'essentiel des 130 militaires qui composaient le contingent avait quitté le pays les semaines précédentes».
Succès des Etats-Unis en Afrique. A Djibouti, au Kenya et en Angola Lloyd J. Austin III a rencontré les responsables politiques pour renforcer les questions sur la défense. «En provenance d'Afrique. Retour à Washington après une visite très productive à Djibouti, au Kenya et en Angola, où nous avons pris des mesures importantes pour renforcer la coopération en matière de défense et faire progresser les intérêts de sécurité mutuels afin de promouvoir un système international ouvert et stable», a 𝕏 publié sur X Lloyd J. Austin III.
Le président français, Emmanuel Macron, avait déclaré: «Nous mettons fin à notre coopération militaire avec les autorités de fait du Niger, car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme». C'est sous couvert de faire face aux éléments terroristes que les autorités françaises ont conservé des moyens militaires au Niger, tentant de faire de ce pays africain un «laboratoire d'une approche renouvelée» des anciennes colonies. L'initiative de retrait a été prise après consultations avec Mohamed Bazoum qui n'a pas officiellement démissionné bien qu'il soit isolé avec sa famille depuis le coup d'État, et avec les dirigeants de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
Du côté français, on avoue la disparition de l'influence de la France en Afrique. «La Françafrique est morte depuis longtemps», a affirmé Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, au Monde, même si «elle défend les positions de Paris face aux coups d'Etat survenus au Niger et au Gabon cet été, souvent au détriment des intérêts français».
L'état-major de l'armée française a commencé à élaborer des options pour le retrait des troupes du Niger immédiatement après l'arrivée au pouvoir des putschistes dirigés par le général Abdourahamane Tchiani ont rapporté les médias francophones.
La France exploite toujours des avions de combat Mirage 2000 et des drones Reaper dans ses bases locales. De plus, de nombreux véhicules blindés étrangers se trouvent sur les sites. Un autre casse-tête est la question du démantèlement des structures de gestion et de soutien qui, comme le craignent les experts, pourraient tomber entre de mauvaises mains.
Les Français peuvent transporter la plupart de leur matériel militaire par voie terrestre vers les ports du golfe de Guinée. Mais cela nécessite l'organisation d'un transit aérien durable. Une telle action – quelle que soit la voie potentielle – s'annonce difficile sur le plan logistique, donc dans tous les cas, le processus nécessitera une coordination avec les représentants de la junte militaire. Bien qu'Emmanuel Macron ait promis d'achever l'évacuation du contingent d'ici la fin de l'année, cela pourrait prendre beaucoup plus de temps. Ainsi, le processus de retrait des troupes françaises du Mali a duré au total environ 6 mois.
Les partisans d'Abdourahamane Tchiani ont demandé dès le mois d'août à Paris le retrait de ses troupes, dénonçant de facto l'accord de coopération militaire. Le même mois, les militaires ont exigé que l'ambassadeur de France et son épouse quittent le pays africain dans les 48 heures. Mais, Paris a alors catégoriquement refusé d'accéder aux demandes présentées. Ainsi, Catherine Colonna a déclaré que son pays n'allait pas retirer ses militaires du Niger et qu'une telle question n'était même pas à l'ordre du jour. Dans le même temps, le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères avait déclaré à l'époque que les rebelles n'avaient pas le droit d'exiger que les diplomates quittent le pays, car l'accord (consentement à recevoir un ambassadeur) ne pouvait être délivré que par les autorités légales. Cela a créé une situation absurde. La récente décision d'Emmanuel Macron annule de fait les déclarations précédentes, reflétant une grave crise dans la stratégie de la Ve République.
Après l'achèvement de l'opération Barkhane en 2022, les dirigeants français espéraient faire du partenariat avec le Niger un exemple idéal de relations renouvelées avec les États africains. Par exemple, les forces armées de la France déployées sur le territoire du pays ont agi à la demande et en partie sur ordre de l'état-major local, qui contrôlait le processus de planification des missions de combat. Selon cette idée, l'armée française était censée opérer en retrait, laissant le devant de la scène aux Nigériens. Mais, Paris ne parvenait toujours pas à se débarrasser de ses attitudes néocoloniales, relayées par l' Élysée.
Curieusement, une ligne de conflit distincte se situe désormais entre la France et les États-Unis. Washington a agi contrairement à Paris ces dernières semaines, réussissant à obtenir la reprise de certaines missions de reconnaissance et d'observation au Niger. Le Pentagone n'a, d'ailleurs, pas caché que c'était le résultat de la loyauté dont il faisait preuve envers les partisans d'Abdourahamane Tchiani. Les observateurs avertissent que les États-Unis resteront à l'avenir au Niger car il s'agit pour eux de combattre les intérêts russes.
Une conséquence importante du départ annoncé de la France pourrait, également, engager le départ de l'Allemagne à un moment donné. La France et l'Allemagne étant les deux premières forces de l'UE, c'est la stratégie géopolitique européenne sur le continent africain qui est visée par les États-Unis.
Julien Le Ménéec
La source originale de cet article est Observateur continental
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