Les fantômes du djihad
Andrea Marcigliano
Source: electomagazine.it
Parfois, ils reviennent - certains fantômes, je veux dire. Fantômes de la politique, fantômes de la terreur. Des fantômes de l'histoire.
C'est le cas, aujourd'hui, de celui de l'Etat islamique. Souvenez-vous d'al-Baghdadi, le califat noir. Celui qui, il y a à peine quelques années, enflammait le Moyen-Orient et le Maghreb. Entre la Syrie et l'Irak, il a construit une sorte d'État qui a semblé se répandre comme une traînée de poudre... jetant les capitales occidentales dans la terreur.
Les médias, journaux et télévisions, ne parlaient que de cela...
Et puis, soudain, c'est la fin de la partie. Le calife est mort. Ses légions noires se sont dispersées. Son royaume s'est évanoui comme une Morgane du désert. Tout ce qui restait, comme souvenir, c'était les morts. Et les destructions qu'il avait causées.
Rien ou presque n'a été dit sur les raisons de la disparition du califat djihadiste. Et sur qui, surtout, avait provoqué son effondrement. Une attribution générique du mérite à l'Occident collectif. Qui, une fois de plus, sauverait le monde.
Aucune analyse. Pas même un chiffon de document ni même une once de raisonnement lucide.
On a ainsi omis de dire qu'au moins en Irak - centre permanent du mouvement djihadiste - la victoire avait été iranienne. De cet Iran perpétuellement sous sanctions, cet "État voyou" par excellence.
Et qu'en Syrie, pour bloquer les forces du calife, ce sont encore les Iraniens qui l'ont emporté. Avec le soutien substantiel de la Russie...
Alors que nous, Occidentaux, avons soutenu, et continuons à soutenir, le soulèvement anti-Assad. Un soulèvement porté par d'hypothétiques résistants démocratiques. Alors qu'il était et est toujours évident que l'épine dorsale des forces rebelles est précisément constitué par les djihadistes.
Soyons clairs. Aucune sympathie pour les ayatollahs ou Moscou. Mais les faits sont les faits. Pas des opinions. Et c'est ainsi que les choses se sont passées, qu'on le veuille ou non. Ce qui prouve une chose que l'on a toujours fait semblant de ne pas comprendre. L'affrontement avec l'Etat islamique était avant tout interne au monde islamique. Un conflit entre les différentes âmes de l'islam. Comme cela a souvent été le cas dans son histoire.
L'ingérence de nous, "Occidentaux", a souvent été préjudiciable. Accentuant les conflits internes, pour... les exploiter à nos propres fins.
Ensuite, nous en avons payé le prix. Même les plus lourds, comme le Bataclan... ou plutôt, les innocents ont payé le prix. Comme toujours.
Vieille histoire. Des fantômes. Qui, cependant, sont rappelés aujourd'hui, après le massacre de Moscou.
C'était l'Etat islamique. Un seul chœur. Experts (sic !), intellectuels (sic !), politiciens de tout poil.
Sans jamais se poser la simple question: pourquoi ?
Oui, pourquoi l'Etat islamique, dans son rejeton du Khorasan, aurait-il soudain émergé des steppes d'Asie centrale pour frapper la Russie ?
Et la frapper avec des mercenaires précarisés, avec une technique militaire qui n'a rien à voir avec celles propres au djihad.
Et, surtout, pour frapper la Russie en ce moment. Alors qu'elle est en train de gagner la guerre contre l'Ukraine, et que les opinions publiques européennes sont fatiguées de soutenir Kiev. Alors que de nouvelles aides à Zelenski sont bloquées aux Etats-Unis.
Pourquoi les djihadistes s'en prendraient-ils à Moscou, et pas à Paris ou à Londres ? Ou Rome ?
J'attends avec espoir qu'un des grands experts toujours présents à la télévision pose la question... sans exiger de réponse.
Ce serait trop demander...