© Christophe Archambault Source: AFP
Pour justifier la lutte contre les fake news, l'exécutif a fait référence à la notion de discernement des citoyens. Rebondissant sur notre traitement de ce sujet, certains médias se sont empressés de nous attribuer - à tort - des propos imaginaires.
Les Français, «trop bêtes pour comprendre» les informations qui leur parviennent ? Cette affirmation, résolument méprisante, a effectivement été relayée sur la toile ces derniers jours. Mais contrairement à ce dont certains nous accusent, elle n'a jamais figuré sur RT France. Retour sur les faits.
Lors de sa présentation à l'Assemblée nationale du projet de loi contre les fausses informations, le 22 mai, Françoise Nyssen exhortait à «ne pas céder à la naïveté en comptant sur l'autorégulation des acteurs numériques [et à] ne pas céder à la démagogie, en renvoyant à la seule capacité de discernement des citoyens». Un appel clair à des mesures gouvernementales pour lutter contre la diffusion de fake news, dans un contexte où, selon la ministre de la Culture, la capacité des Français à discerner le vrai du faux n'est plus suffisante.
Dans la précipitation et en raison d'une erreur de retranscription d'un discours peu couvert par les principales agences de presse, RT France attribuait maladroitement à Françoise Nyssen cette formulation : «La capacité de discernement des citoyens ne suffit plus.» Une citation malheureusement approximative, qui ne changeait toutefois pas fondamentalement le sens de l'intervention de la ministre.
Plusieurs jours après la publication de notre article, la plateforme Check News de Libération relevait l'erreur de citation de manière relativement factuelle, sans toutefois se départir de son style en apportant un jugement sur les éléments du discours que nous aurions dû ou non faire figurer dans notre compte-rendu.
Soucieux de l'exactitude des informations que nous diffusons, RT France corrigeait alors immédiatement son erreur dans l'article, rétablissant la citation exacte dans son intégralité, et présentant ses excuses à ses lecteurs dans un erratum. Une pratique de rigueur pour nous et nos confrères dans ce malencontreux cas de figure, aucun journaliste n'étant à l'abri d'une approximation, en particulier dans une époque où l'actualité s'écrit de plus en plus vite.
Erreur de citation : l'arroseur arrosé
Si l'incident, certes regrettable, aurait pu s'arrêter là, certains médias se sont saisis de l'occasion pour s'en prendre à notre média, l'accusant de propager des fake news... quitte pour ce faire à déformer nos propos.
Sur le plateau de Ca vous regarde le 11 juin, le présentateur de LCP Arnaud Ardoin diffusait ainsi un extrait de l'intervention susmentionnée de Françoise Nyssen, avant d'affirmer : «La réponse de RT, l'information tirée de cette phrase que vous venez d'entendre [...] c'est : "Les Français sont trop bêtes pour comprendre". Cela, c'est typiquement une fake news. Et cela, c'est Russia Today par exemple qui le dit.» Une pseudo-citation qui n'a en fait jamais figuré sur notre média... mais bien sur un site du nom de La Gauche m'a tuer. Fake news ou simple erreur factuelle, une chose est sûre : Arnaud Ardoin n'avait vraisemblablement pas vérifié ses sources.
Le sujet a également été abordé dans l'émission Télé Matin du 15 juin sur France 2. Lorsque le chroniqueur Frédéric Vion aborde le sujet, nous avons déjà publié depuis plusieurs jours un rectificatif, ce que le spécialiste de la chaîne se garde bien de préciser.
Sans jamais aborder le sens du propos de Françoise Nyssen sur le discernement jugé insuffisant des citoyens, le journaliste accuse : «Comme par hasard [RT] a repris une phrase de la ministre de la Culture, que, en fait, la ministre n'a jamais prononcée, phrase qui semblait un peu méprisante vis-à-vis des Français qui n'auraient pas de discernement. En fait elle ne l'a jamais dit comme ça, comme par hasard. Fake news, complètement.» Quels mots a effectivement employés Françoise Nyssen ? L'erreur de citation changeait-elle fondamentalement le sens du propos ? Le téléspectateur n'en saura pas plus.
Preuve du présumé mensonge, le chroniqueur de Télé Matin diffuse une image... de l'article corrigé, dont le titre a été rectifié de manière on ne peut plus factuelle : «Loi anti-fake news : l'exécutif estime que la capacité de discernement des Français ne suffit plus».
De l'erreur à la fake news, il n'y a qu'un pas
Erreurs, semi-vérités ou fake news ; une question se pose face à la couverture médiatique de cet incident : tous les médias sont-ils égaux face à l'erreur ? Les approximations de certains de nos confrères, voire les citations erronées qu'ils nous attribuent, seront-elles dénoncées dans les médias mainstream ? Seront-elles considérées comme de simples erreurs de bonne foi, ou au contraire comme des fake news visant spécifiquement à nuire ? Ce jugement aurait-il été le même si nos confrères ne travaillaient pas chez France 2 ou LCP, mais bien chez RT ?
Preuve que l'erreur est malheureusement humaine, il semble en tout cas que, soucieux d'étayer leurs accusations contre RT France, certains journalistes aient parfois présenté la situation de manière tronquée. Auront-ils eux aussi la déontologie de publier un rectificatif ?