29/06/2024 basta.media  8min #251506

 Une nouvelle campagne électorale démarre en France pour les législatives anticipées

Logement : la crainte de « milliers voire de millions de mal logés en plus » avec le Rn

Encadrer les loyers ou instaurer une préférence nationale pour accéder aux HLM, rénover ou permettre la location de passoires thermiques... À deux jours des législatives anticipées, Basta fait le point sur les programmes en matière de logement.

3,5% : c'est le taux d'augmentation des loyers au premier trimestre 2024, d'après les  chiffres publiés le 12 avril. Le logement occupe une place de plus en plus importante dans le budget des ménages en France. La hausse des taux d'emprunt immobilier est venue encore exacerber cette situation ces dernières années.

Rédigés rapidement pour une campagne éclair, les programmes des différents partis pour les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet n'accordent pas tous la même importance à ce sujet, qui concernent pourtant tout le monde au quotidien.

Pour le RN, l'accès au logement par « préférence nationale »

« Le Rassemblement national ne dit rien sur la production de logements sociaux », analyse Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation-Abbé-Pierre. Lors des élections présidentielles de 2022, le parti d'extrême droite avait annoncé vouloir construire 100 000 logements sociaux par an, dont 20 000 en faveur des étudiants et des jeunes travailleurs. Ces propositions ont disparu de son programme pour les législatives.

Par ailleurs, le RN veut pratiquer la discrimination par la nationalité pour l'accès aux logements sociaux. Lors d'une interview sur  BFMTV, le 17 avril, le président du parti Jordan Bardella faisait part de son projet, en cas de victoire à l'élection présidentielle en 2027, les HLM seraient réservés aux foyers « dont au moins l'un des parents est Français ».

S'il arrive au gouvernement après les législatives, le RN disposerait déjà « de plusieurs leviers d'actions pour instaurer cette préférence nationale, en durcissant les pratiques administratives en préfecture ou en jouant sur les délais de carence », souligne Manuel Domergue. Les aides sociales et les prestations de logement seraient ainsi conditionnées à cinq années de travail en France, avance le RN dans son programme.

« Cela signifierait des milliers voire de millions de personnes mal logées en plus voire à la rue, créant un désordre social dans les grandes villes », insiste le responsable de la Fondation Abbé-Pierre. L'homme alerte sur les souffrances humaines et la lourde charge pour les associations qu'un tel projet engendrerait. « Ces sans-abri seront ensuite réprimés avec la cruauté et la brutalité caractéristiques du RN », craint Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association Droit au logement (DAL). Il accuse aussi « les politiques de logement macronistes » d'avoir « fait le lit de l'extrême droite ».

Le Nouveau Front populaire (NFP) entend justement revenir en arrière sur plusieurs mesures prises par le gouvernement durant les dernières années. Le programme de l'alliance de gauche propose de revaloriser les APL (aides au logement) de 10% et de relancer la construction de logements sociaux.

NPF : abrogation de la loi anti-squat

Le Nouveau Front populaire souhaite aussi abroger  la loi Kasbarian de juillet 2023, dite loi « anti-squat », qui a facilité les expulsions. Le NPF veut par ailleurs interdire les expulsions locatives pour impayés sans proposition de relogement. Son programme prévoit aussi une garantie universelle des loyers « pour sécuriser les propriétaires et les locataires », et préconise d'ouvrir le prêt à taux zéro à tous les ménages primo-accédants, sans distinction géographique ou entre neuf et ancien.

Les partis de gauche veulent en plus généraliser l'encadrement des loyers, notamment dans les zones tendues, et aussi encadrer le prix du foncier. « C'est une vieille revendication du DAL », rappelle Jean-Baptiste Eyraud. Le porte-parole de l'association salue cette mesure « essentielle » mais réclame « un encadrement plus rigoureux ». Par ailleurs, rien n'est dit dans le programme sur la régulation des locations de courte durée, de type AirBnB, note-t-il.

Ensemble pour la République : une garantie de loyer

Pour faciliter l'accès à la propriété, la coalition présidentielle,  Ensemble pour la République, propose quant à lui la création d'une garantie de loyers, inspirée de la garantie "Visale", le dispositif de caution pour les locataires porté par Action Logement. Ensemble pour la République souhaite également exonérer de frais de notaire « les jeunes des classes moyennes et populaires » pour l'achat d'un premier logement jusqu'à 250 000 euros.

« Après avoir réduit les APL de quatre milliards d'euros par an, le gouvernement va dépenser cinq milliards dans une mesure pour aider des gens déjà aisés, assez aisés pour pouvoir s'acheter un appartement », s'indigne Manuel Domergue. Le projet de loi sur le logement abordable, présenté en mai 2024 par le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, prévoyait quant à lui plusieurs mesures permettant de mettre fin plus facilement aux baux des locataires du parc social.

La discussion de ce projet a été interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale. Ce projet de loi voulait aussi permettre aux villes ne respectant pas les objectifs de la loi SRU, qui impose aux communes en zone urbaines à disposer d'un nombre minimal de logements sociaux, d'intégrer dans leurs quotas les logements dits intermédiaires, dévolus aux classes moyennes supérieures.

En avril 2024, le RN avait de son côté déposé une  proposition de loi pour remplacer, dans les communes de moins de 75 000 habitants, le taux cible de 25 % de logements sociaux par un taux minimal obligatoire de 25 % de logements sociaux au sein des projets immobiliers neufs de plus de 12 logements ou de plus de 800 m2 de surface habitable. Sans viser explicitement le texte, la Fondation Abbé-Pierre, la Fédération des acteurs de la solidarité et l'Union sociale pour l'habitat, qui fédère les organismes HLM, avaient alors indiqué qu'elles « restaient vigilantes et se mobiliseront contre toute proposition de loi qui viendrait menacer les effets de la loi SRU ». Le NFP ne souhaite pas revenir sur la loi SRU et entend durcir les sanctions contre les communes qui ne respectent pas les quotas de logements sociaux.

Le RN en faveur des gros bailleurs

Lors de la présentation de son programme à l'occasion d'une conférence de presse, lundi 24 juin, Jordan Bardella a indiqué vouloir « libérer les interdictions » concernant la location ou l'achat d'un bien immobilier en cas de mauvais diagnostic de performance énergétique (DPE). Il s'oppose aussi à l'interdiction progressive de location des passoires thermiques.

« La politique du RN soutient les propriétaires et les gros bailleurs ! » dénonce Jean-Baptiste Eyraud. Le RN veut aussi supprimer les agences régionales de santé (ARS), en charge, parmi de nombreuses tâches, des questions de la santé dans l'habitat, souligne-t-il. Ce sont notamment elles qui prennent les arrêtés d'insalubrité des logements inhabitables. Par ailleurs, le RN souhaite remplacer l'actuel impôt sur la fortune immobilière, qui entraverait « la conservation et la transmission des patrimoines et épargne de tout effort contributif les fortunes exclusivement mobilières », selon leur programme, par un impôt « sur la fortune financière ».

Logement des sans-abri pour le NPF

Ensemble pour la République a de son côté annoncé la création d'un fonds de rénovation énergétique des logements des classes moyennes et populaires. Ce fonds, financé par une taxe sur les rachats d'actions, permettrait de rénover 300 000 logements supplémentaires d'ici à 2027. Le NFP indique vouloir, dans les 100 jours, assurer l'isolation complète des logements en renforçant les aides pour les ménages. Ces dernières seraient complètement prises en charge par l'État pour les ménages modestes. Le Nouveau Front populaire a également annoncé la construction de 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans, avec des normes écologiques ambitieuses.

Ce projet qui  coûterait dix milliards d'euros, selon l'ex-députée socialiste de Tarn-et-Garonne Valérie Rabault. Le NFP a présenté le  chiffrage de son programme économique, mais ne précise cependant pas comment un gouvernement NPF s'y prendrait pour dégager ces fonds, note Manuel Domergue.

Le Nouveau Front populaire est également la seule force politique à porter une proposition en direction des personnes sans-abri. Il propose de créer des places d'accueil d'hébergement d'urgence permettant un « accueil inconditionnel », et de procéder dans les situations d'urgence à la réquisition de logements vides.

Le programme du RN ne prévoit aucune mesure en faveur de l'hébergement des personnes sans domicile. Dans un  communiqué de presse datant de 2018, Bruno Bilde et Ludovic Pajot, députés RN du Pas-de-Calais, disaient s'inquiéter de la réquisition de locaux vacants pour permettre l'hébergement des personnes à la rue « sans y adjoindre un critère de nationalité ».

Daphné Brionne

Photo : ©Jean de Peña

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