Andrea Marcigliano
Source: electomagazine.it
Les massacres, les attaques terroristes, sont souvent, voire presque toujours, inutiles. Inutiles d'un point de vue militaire et stratégique, bien sûr. Parce qu'aucun conflit n'a jamais connu de tournant suite à une attaque, à une action terroriste. Ni même d'une véritable campagne de terreur.
Mais le terrorisme, les massacres surtout, revêtent une importance considérable d'un point de vue éminemment politique. Ils doivent être examinés et évalués avec soin. Afin de mieux comprendre l'état des choses. Et, surtout, dans quelle direction elles évoluent.
Le massacre de Moscou. Qu'il ne faut cependant pas réduire de manière simpliste à un acte terroriste plus ou moins improvisé. Car il n'en a pas les caractéristiques. Au contraire, toutes les reconstitutions montrent l'action d'un commando bien organisé, préparé militairement, avec un plan bien défini. Probablement depuis longtemps. Et surtout, un commando qui n'avait aucune intention suicidaire. Qui avait également bien préparé ses issues de secours. Ce qui exclut les groupes djihadistes caucasiens, daghestanais et ingouches... sans parler du fantôme de l'Etat islamique, que d'aucuns tentent de ressusciter en ces heures.
On parle de Tadjiks. Mais l'appartenance ethnique n'est pas importante. Ce qui est plus clair, c'est qu'il s'agit de mercenaires. Des professionnels, bien entraînés, payés et qui se souciaient de leur peau.
Le problème, bien sûr, n'est pas celui des auteurs. Mais celui des commanditaires. Et des objectifs qu'ils se sont fixés avec ce massacre.
Bien sûr, tous nos médias ont repris le même refrain. Tout le monde aurait pu le faire, sauf les Ukrainiens. Zelenski est innocent.
Et les idiots utiles les plus zélés et les plus actifs vont même jusqu'à insinuer qu'il pourrait s'agir du FSB, les services secrets russes. Bref... c'est Poutine.
De telles sottises sont inutiles à évoquer. Elles ne méritent pas qu'on s'y attarde. Cependant, des analystes comme Orsini, qui ne sont certainement pas tendres avec Kiev, se sont également prononcés en faveur d'une hypothèse qui disculpe l'Ukraine.
Et ce pour deux raisons.
La folie absolue d'une telle action, qui pourrait provoquer une réaction russe dans des proportions encore difficilement imaginables.
Et le fait que l'ambassade américaine à Moscou avait déjà mis en garde le 8 mars contre le risque d'attentats dans les salles de concert moscovites. Elle avait appelé les citoyens américains à ne pas s'y rendre.
Washington s'est alors empressé de condamner l'action. Et à exprimer ses condoléances au Kremlin.
Et si Washington s'exprime ainsi, c'est que Zelenski, sa marionnette, n'est pas responsable. Telle est la logique du raisonnement.
Mais qui, franchement, ne convainc pas. Parce qu'il est... trop grossier.
Et pas seulement parce que personne, jusqu'à présent, n'a posé une question évidente. Comment l'ambassade américaine a-t-elle su ? A l'avance, et avec une précision remarquable sur les cibles ? Cette question a été posée aujourd'hui par le pédicure russe que j'ai visité. Et nos grands experts et analystes ne le savaient pas ? Eh bien...
Ce n'est pas cela, cependant, qui m'intrigue le plus.
En effet, je me demande qui pourrait avoir intérêt à commettre un acte similaire à Moscou en ce moment. Honnêtement, je ne vois pas qui, dans le Caucase, en Asie centrale ou au Moyen-Orient, pourrait avoir un quelconque intérêt ou une quelconque raison. Aussi fou soit-il.
Et si l'on exclut l'impossible, ce qui reste, aussi improbable soit-il, c'est la vérité. Comme le dit Sherlock Holmes.
Donc... l'Ukraine.
Dont les services de renseignement, rappelons-le, ne sont pas étrangers aux actes de terrorisme. La bombe qui a tué Darya Dougina en est un exemple. Pas le seul.
Et il faut rappeler que Kiev n'est pas un monolithe fait d'un seul homme. Le drôle de Zelenski.
Il y a des jeux internes et des rapports de force, des liens avec l'étranger qui sont difficiles à déchiffrer. Alors Zelenski ne sait peut-être pas vraiment... mais, pour donner un exemple, Boudanov ? Qui a souvent donné l'impression d'agir en totale autonomie. Ou du moins de répondre à d'autres... commanditaires.
Kiev est au bord de l'effondrement militaire. Et celui du front intérieur. Au sein de sa classe militaire, de plus en plus de voix commencent à réclamer des négociations avec Moscou. C'est... le courage du drapeau blanc. Comme l'a dit Bergoglio.
Mais il y a aussi ceux qui, de la paix, auraient beaucoup, voire tout à perdre.
En Ukraine et... ailleurs. Bien plus loin.
Hypothèses, bien sûr. Mais, du moins me semble-t-il, fondées sur un raisonnement réaliste. Et concrètes.
Alors... on verra. Le silence du Kremlin est éloquent. Et inquiétant. Les prochains jours pourraient être décisifs.
Et très dangereux.