15/06/2023 infomigrants.net  6min #229920

 Grèce : au moins 78 morts dans un naufrage, le plus meurtrier de l'année dans le pays

Naufrage en Grèce : Athènes sous le choc de « cette tragédie indicible »

Un migrant pris en charge au port de Kalamata après le naufrage de son embarcation, le 14 juin. Crédit : Reuters

C'est le bilan le plus lourd que le pays ait connu depuis 2013. Pour rendre hommage aux 78 victimes du naufrage « tragique » survenu à l'ouest de la Grèce, Athènes a décrété trois jours de deuil national, ont annoncé les services du premier ministre par intérim, Ioannis Sarmas, dans  un communiqué. C'est la première fois que le pays impose un deuil national à la suite d'un naufrage de bateaux de migrants.

Celui-ci est entré en vigueur le mercredi 14 juin et se terminera le 16 à minuit, afin de « penser à toutes les victimes des passeurs sans scrupules qui exploitent la misère humaine », indique le Premier ministre. Durant cette période, certains services publics sont fermés et les drapeaux sont en berne. Pour cette fois en revanche, les écoles resteront ouvertes, d'après le  Greek City Times.

📷Ces photos sont celles du bateau qui a fait naufrage dans la nuit de mardi à mercredi au large de la #Grèce
Les autorités ont retrouvé 79 corps et secouru 104 personnes
Selon les survivants, environ 750 #migrants, dont une centaine d'enfants, se trouvaient à bord du chalutier

Mercredi 14 juin,  un bateau chargé de migrants a sombré en mer Ionienne, à 87 km à l'ouest du Péloponnèse. Les garde-côtes ont déclaré avoir repêché 78 corps et sauvé 104 personnes, dont 27 ont été hospitalisées pour fièvre et déshydratation. Mais les rescapés ont indiqué que près de 750 personnes avaient pris place dans cette embarcation partie de l'est de la Libye. « Le navire faisait 25 à 30 mètres de long. Le pont était bondé, et nous pensons que l'intérieur l'était aussi », a déclaré à la chaîne de télévision ERT le porte-parole des garde-côtes, Nikolaos Alexiou.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) craint elle aussi « d'autres pertes en vies humaines. Des décomptes initiaux font état de 400 passagers », s'est-t-elle inquiétée sur Twitter.

Suspension de la campagne électorale

Le drame a bouleversé la vie politique grecque. Le jour du naufrage, la présidente de la République, Katerina Sakellaropoulou, s'est rendue sur place auprès des rescapés, à Kalamata. La dirigeante « a exprimé sa tristesse face à cette tragédie indicible et le soutien sans partage de l'État grec aux naufragés ». Elle a également « remercié les officiers des garde-côtes et les équipes de secours, et a souligné la responsabilité et la nécessité de la coordination de tous les États membres et institutions de l'Union européenne pour garantir la sécurité et la vie des migrants et des réfugiés », indique  ERT.

So far 28 survivors have been transferred to the #Kalamata General Hospital. The President of the Hellenic Republic, pictured here, visited the hospital as well as the designated mobile health facility for the non-hospitalised survivors.#Greece #ναυαγιο
Photo via the hospital.

Le débat télévisé entre les chefs de partis dans le cadre des élections législatives du 25 juin, a, quant à lui, été annulé. Programmé le jeudi 15 juin au soir, il pourrait avoir lieu samedi ou dimanche, une fois le deuil national terminé.

Le drame a par ailleurs des répercussions sur la campagne électorale qui se joue actuellement en Grèce. À deux semaines du scrutin, les chefs de parti ont annulé leurs rassemblements prévus mercredi 14 juin, jour du naufrage. « Le naufrage de Pylos est venu de la manière la plus dramatique nous rappeler que la question des réfugiés et de l'immigration ne peut pas être traitée simplement par des cris et de la démagogie. Il n'existe pas de solutions simples à l'un des problèmes internationaux les plus complexes », a déclaré le président du parti de gauche SYRIZA et ex-Premier ministre Alexis Tsipras, qui a annulé tous ses rassemblements le 14 juin. « Cela nous rappelle aussi autre chose, plus important. Les migrants et les réfugiés ne sont pas des chiffres dans les statistiques. Ce sont des gens qui ont besoin de respect, ce sont des vies qui comptent comme toutes les autres vies. »

L'ancien premier ministre conservateur et candidat Kyriakos Mitsotakis a lui aussi décidé d'annuler un rassemblement électoral prévu le 14 juin à Patras, dans la région du Péloponnèse, a annoncé son parti Nouvelle Démocratie (ND). « Je suis attristé par la perte de tant de vies innocentes », a-t-il déclaré.

Des centres semblables à des « prisons »

Si ce responsable politique s'est dit « choqué par le naufrage tragique », il a pourtant mené pendant quatre années à la tête du gouvernement, de juillet 2019 au 25 mai 2023, une politique très dure en matière migratoire. Cette année, il a fait voter  l'extension de 35 km du mur de séparation avec la Turquie, qui permet ainsi de recouvrir la quasi-totalité de la frontière de 192 km entre les deux pays, ainsi que le déploiement de gardes-frontières supplémentaires.

Sous son mandat, le quotidien des exilés en Grèce a été considérablement détérioré : la prise en charge des soins hospitaliers pour les étrangers sans ressources a été supprimée et la période pendant laquelle les réfugiés ayant obtenu l'asile peuvent résider dans des logements sociaux est passé de six, à un mois.

Les conditions de vie dans certains centres pour migrants du pays sont également très difficiles. Goli*, une demandeuse asile afghane qui vit avec sa famille dans le camp de Katsikas, dans le nord de la Grèce, compare l'endroit à « une prison ». « C'est beau vu de loin, mais quand on arrive à l'intérieur, on s'aperçoit rapidement à quel point c'est horrible,  avait-elle confié à InfoMigrants. Dans mon conteneur, il y a des trous dans les murs et des fuites d'eau, et des insectes dans les lits ». Dans la structure de Leros, en mer Égée, la Commission européenne a documenté des « problèmes quasi quotidiens » de « violence » et de « vandalisme » dans la partie réservée aux mineurs non accompagnés, en raison notamment de la surpopulation.

La Grèce est aussi accusée depuis des années de pratiquer des refoulements violents en mer Égée.

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