Marcel-M. Monin*, pour France-Soir
Les partisans du Conseil national nigérien pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) se rassemblent pour une manifestation à Niamey, le 11 août 2023, près d'une base aérienne française au Niger.
AFP
TRIBUNE/OPINION - Il est intéressant d'observer que des chefs d'État, faisant fi de principes du droit international, comme celui de la non ingérence dans les affaires intérieures, essaient, avec l'aimable concours de chefs d'États locaux avec lesquels ils sont en affaires, de remettre en place au Niger un politicien de leurs amis. Lequel a été "débarqué". Par des militaires. Donc en dehors des processus "démocratiques". C'est à dire en dehors de la voie de l'élection.
On comprend l'argument. L'élection, c'est "sur le papier" une bonne (la meilleure ?) technique pour faire fonctionner la démocratie. Mais c'est la pire des hypocrisies dans les faits si l'élection est biaisée ou truquée. Et ça, on sait faire dans de nombreux pays du monde (la France n'ayant pas de leçon à donner en la matière au vu du comportement de ses médias), comme en Afrique (où la démocratie "progresse" selon les observateurs occidentaux, lorsque l'on ferme les yeux sur une partie des irrégularités et qu'il n'y a pas trop de morts pendant la "campagne électorale").
En dehors des techniques anciennes de bourrage des urnes, de la fabrication de modes de scrutin dont on a préalablement étudié les résultats probables ou possibles, d'autres techniques, basées sur des études psychologiques, donnent des résultats excellents. Il suffit que les gens qui sont aux - et dans - les affaires (avec leurs médias, encore) privent l'électeur des informations à partir desquelles tout être humain se détermine.
Il suffit de fabriquer les histoires qui développeront chez les électeurs (spécialement ceux qui auraient de bonnes raisons de voter autrement) des réflexes conditionnés. Comme les communicants savent d'ailleurs le faire dans tous les domaines. (On a vu en France comment on a réussi à obtenir de la population qu'elle "consomme" du "vaccin" dit anti-Covid - pour le plus grand bénéfice de ceux qui en avaient à vendre - indépendamment des questions de fait portant sur l'efficacité ou la dangerosité du produit).
Bien évidemment quand un dirigeant africain arrive au pouvoir qui se met en tête de penser au peuple, donc de ne pas agir prioritairement pour le chiffre d'affaires des sociétés notamment étrangères, il ne fait pas long feu. On peut citer parmi d'autres exemples Thomas Sankara, le président du Burkina Faso aux positions tiers-mondiste et anti-impérialiste, assassiné en 1987. C'est qu'on sait, de l'extérieur, organiser des coups d'États ou provoquer des mouvements qui, sous des couleurs diverses, auront le même résultat (et pas que sur le continent africain).
Il se trouve qu'en Afrique des militaires ont parfois le sens de l'État et de l'intérêt général (qui inclut l'intérêt des gens modeste). Ce qui fait que, le "coup d'État" est parfois, en réalité - paradoxalement - un moyen de procurer au peuple, ce dont ce dernier est privé par l'élection.
Au Niger, ce qui est important pour la population comme pour l'avenir du pays, ce n'est pas la manière dont le gouvernement actuel se trouve au pouvoir. C'est en réalité ce que ce dernier fera. Ou ce qu'il arrivera à faire compte tenu des manœuvres extérieures. Étant entendu qu'à l'extérieur, d'autres sont également à la manœuvre.
Quant aux dirigeants français, qui ont réussi le tour de force de faire détester la France par les populations du Niger, après qu'ils l'ont faite détester au Mali (et ailleurs) on verra s'ils comprennent que ce n'est pas, ce n'est plus, avec quelques coups tordus ("sanctions", manipulations des opposants, menace d'attaques militaires, dissertations pour conditionner les opinions publiques auxdits coups tordus, etc...) que l'on peut sauver les meubles. Et ce, quand les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, ndlr) et de multiples autres États, ont déclenché un vaste et profond mouvement capable de tenir tête au vieux syndicat d'intérêts.
À suivre...
- Marcel-M. MONIN est Maître de conférence honoraire des universités.