01/07/2019 reseauinternational.net  7min #158538

 Comment le président russe Poutine explique la fin de « l'ordre libéral »

Poutine : « La philosophie libérale a échoué »

En Occident, les apparatchiks ont oublié la population

Dans son interview avec le Financial Times, le président russe Vladimir Poutine a affirmé que la mondialisation et « la philosophie libérale » se sont avérées inadéquate en Europe et aux États-Unis, le chaos de l'après-guerre froide alimentant les crises au Venezuela et en Corée du Nord, mais s'étant fixé en Syrie.

Mercredi, lors d'un très long entretien avec le quotidien économique et financier du Royaume-Uni, Poutine a abordé en toute franchise les questions de l'intervention russe en Syrie - et pas au Venezuela -, aussi bien que de la prolifération nucléaire, de la Corée du Nord, des politiques d'immigration aux États-Unis et en Europe, de l'économie russe, des relations avec le Royaume-Uni et de l'insuccès de ce qu'il a appelé « l'idée libérale, » à assurer le bien-être de la population.

Bien que la guerre froide fût nuisible, a confié Poutine à Lionel Barber et Henry Foy de FT, « Il y avait au moins des règles que respectaient plus ou moins ou essayaient de suivre tous les acteurs de la scène internationale. Actuellement, il semble n'y avoir plus du tout de règles. »

Syrie : Un risque calculé

La décision d'intervenir en Syrie, en automne 2015, a été prise à Moscou après analyse minutieuse des risques et des éventuelles retombées bénéfiques, la Russie ne pouvant rester passive pendant qu'une organisation terroriste internationale (État islamique ou ISIS) se développait dans son voisinage.

« Nous avons accompli bien plus que ce à quoi je m'attendais, » a-t-il reconnu. Plusieurs milliers de miliciens de l'ancienne Union soviétique qui avaient rejoint l'EI, ont été 'éliminés' en Syrie. Cela a amélioré la sécurité intérieure de la Russie et contribué à stabiliser le Moyen-Orient.

La Russie a aussi établi « de très bonnes relations dans le domaine des affaires, du partenariat et en grande partie des alliances, » avec d'autres puissances régionales, comme entre autres, l'Iran et la Turquie, a ajouté Poutine. L'armée russe a reçu une expérience pratique qu'elle n'aurait pu acquérir autrement.

En premier lieu... nous avons réussi à préserver l'État syrien, peu importe comment, et nous avons épargné là-bas le genre de chaos qui règne en Libye.

Poutine a dit avoir demandé à l'administration étasunienne précédente, ce qu'il se passerait si le président syrien Bashar Assad décidait de quitter le pouvoir, exactement comme elle l'exigeait.

« Vous ne pouvez même pas savoir à quel point c'était drôle. Ils ont dit « Nous n'en savons rien. » Mais quand vous ne savez pas ce qui se passera demain, pourquoi foncer tout de suite tête baissée ?, » a fait remarquer Poutine.

La Russie, a-t-il précisé, préfère « étudier les problèmes de manière approfondie, sous tous les angles possibles, sans se presser. »

Venezuela : « Nous ne nous mêlons pas de ce qui ne nous regarde pas »

Il y a des spécialistes et des instructeurs russes au Venezuela. Ils sont là-bas aux termes d'un contrat de défense signé il y a des années, mais il n'y a pas de troupes russes sur place et, en dépit des accusations, Moscou ne « soutient pas » le président Nicolas Maduro, a dit Poutine.

Nous ne nous mêlons pas des affaires des autres ; ça ne nous regarde pas... Ce problème devrait être réglé par les Vénézuéliens lui-même. C'est tout.

Il a critiqué les États-Unis et leurs alliés pour leur pratique de la « diplomatie de la canonnière moderne » et leur volonté d'« humilier les nations latino-américaines » en leur faisant subir des dirigeants imposés de l'extérieur.

Évoquant la tentative de prise de pouvoir de Juan Guaido, chef de l'opposition, à Caracas, Poutine a demandé : « Depuis quand quelqu'un peut-il aller sur une place, lever les yeux au ciel et se proclamer président ? Et si on faisait ça au Japon, aux États-Unis ou en Allemagne. Qu'est-ce qui arriverait ? Comprenez-vous que ça provoquera le chaos dans le monde entier ? »

Corée du Nord, problème de sécurité internationale

Les armes nucléaires sont une menace pour la paix et la sécurité internationales, a dit Poutine, mais la crise nord-coréenne a ses racines dans les « tragédies de la Libye et de l'Irak, » qui ont « poussé de nombreux pays à assurer leur sécurité à tout prix. »

La vraie question n'est pas de savoir comment désarmer Pyongyang, mais « comment faire en sorte que tout pays, dont la Corée du Nord, se sente en sécurité et protégé par le strict respect du droit international de tous les membres de la communauté internationale, » a expliqué le président russe.

Si la communauté internationale respecte la Corée du Nord et assure sa sécurité, « la situation pourrait prendre une tournure que personne ne peut imaginer aujourd'hui, » a-t-il ajouté.

Le mondialisme est un problème pour la classe moyenne des États-Unis

Affirmant que Donald Trump est président des États-Unis parce qu'il s'est rendu compte que la classe moyenne ne profitait pas de la mondialisation, Poutine a ajouté que ça explique sa politique économique et ses relations avec ses partenaires et alliés.

Le problème évident est le fossé qu'il y a entre les intérêts des apparatchiks et l'immense majorité de la population.

« Au cours de la dernière décennie, aux États-Unis, la répartition des ressources et des avantages de la mondialisation a été injuste, » a fait remarquer Poutine. À vrai dire, a-t-il affirmé, l'un des problèmes majeurs aux États-Unis, mais aussi en Europe, est que « les apparatchiks au pouvoir se sont détachés de la population. »

« La philosophie libérale a échoué »

Que l'on soit ou non d'accord avec l'idée de Trump, d'édifier un mur le long de la frontière avec le Mexique, « il cherche au moins des solutions, » a dit Poutine, alors que les défenseurs des fameuses valeurs libérales « ne font rien, » et assurent que tout va bien, bien qu'un nombre sans précédent de migrants arrivent en franchissant leurs frontières.

De ce fait, la philosophie libérale est devenue obsolète. Elle est entrée en conflit avec les intérêts de l'écrasante majorité de la population.

Constatant que la même chose se passait en Europe, le président russe a confié que les autres dirigeants avec qui il s'était entretenu, disaient que rien ne pouvait être fait, à cause des lois.

« Eh bien, changez les lois ! » leur avait-il fait remarquer.

Toute philosophie est respectable

Cela ne signifie pas que les idées libérales - ou toute autre - devraient être proscrites ou censurées, a conclu Poutine.

Même la philosophie libérale ratée, a-t-il reconnu, « a le droit d'exister et devrait même être soutenue dans certains cas. Mais vous ne devriez pas penser qu'elle a le droit d'être le facteur dominant absolu. C'est le problème. »

« Diverses philosophies et opinions devraient avoir la chance d'exister et de se manifester, » tout en gardant à l'esprit les intérêts du grand public. « Ensuite, me semble-t-il, nous pourrions éviter les bouleversements politiques majeurs. »

 RT

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Traduction  Petrus Lombard

 reseauinternational.net