
Vidéo où elle dit cela : 1975269418147201243
Le génocide de Gaza fait observer un retournement de l'histoire contre elle-même.
Les sociétés vont bon train, font des affaires, mais peu à peu des barrières morales doivent être franchies pour continuer.
De la même manière que votre serviteur perd en qualité de ses rédactions quand il s'enfonce dans le confort, le glissement qui a lieu est subreptice, invisible. Des actions changeantes sont menées avec la même conviction que lorsqu'il s'agissait de se battre fièrement pour la justice et la dignité, sauf que le sujet tend à dériver de plus en plus sur des rationalités à courte-vue.
Dans l'introduction de la conjecture de Von Foerster, "une rationalité à courte-vue peut déboucher sur une irrationalité collective" ; ce qui a trait au sujet de l'aliénation.
Et ce qui se passe est que les peuples ont des sortes de défenses immunitaires contre cela, de moins celles qui sont enseignées par l'histoire. Quand ces enseignements sont absents, ils doivent en expérimenter la souffrance pour les assimiler, une fois pour toutes.
Et le but du business est de profiter ce ces failles, béantes et larges, autant que possible. Seulement le problème est que le rythme effréné de cette exploitation peut aussi conduire l'humanité à sa perte, pure et simple. Auquel cas, le terme "l'histoire se retourne contre elle-même" prend une dimension fatale. C'est la civilisation qui se meure ; et ce n'est pas la première fois.
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Lorsque Greta Thunberg s'exclament qu'il faut réaffirmer "le droit international, la justice, et le putain de bon sens de base", ce n'est pas tant que sa pensée cristalline brille comme un soleil, qu'elle miroite le sombre brouillard mental qui fourvoie les peuples dans l'indécision d'injonctions contradictoires.
Ce n'est pas facile, de concilier un motif d'humilité et d'abnégation avec une société qui ne peut exister qu'on pillant et en soudoyant.
L'avantage, donc, qu'il y a à observer des peuples atones et des gouvernements complices du nouveau nazisme, est de scruter avec un nouvel œil l'Histoire dont on s'est tant vanté s'être défaits. Elle nous a rattrapé. Le naturel revient au galop. Quel est ce "naturel" ?
Il s'agit du manque de vigilance qui conduit à s'embourber dans une conviction qui ne tient plus que par des artifices et enfin, par la force brute. Il s'agit d'une plongée vers la folie dès lors que les repères éthiques sont rendus abstraits. Il s'agit d'une mollesse mentale qui conduit à créer des armées hyper-entraînées à appliquer la violence sans discernement.
Ces armées, qui sacrifient leur vie pour le bien du mal, perdent tout. Lorsqu'on envoie un soldat tuer, on l'envoie en enfer. On lui promet des primes, qu'il ne touchera heureusement jamais, ou s'il revient miraculeusement vivant, on lui file le salaire des autres. C'est comme une loterie de l'enfer.
Qui sont les gens de ces armées, programmés mentalement et qui obéissent avec entrain à des ordres qui les enjoignent à commettre les pires violations imaginables ? Ce sont ceux qui sont à l'arrière du train de l'histoire, qui suit une grande boucle qui se retourne contre elle-même.
Pourquoi ? Parce que chaque action, est une réponse à une autre action. Cette réaction a un tenseur, qui est l'idéal poursuivi. La définition de cet idéal s'est dérobée sous les pieds depuis longtemps. La richesse et la gloire, désormais, s'achètent, et donc, se prennent par la force. Ce n'est plus de la richesse mais du vol. Ce n'est plus de la gloire mais l'écrasement de l'autre. Et malgré que le sens des mots ait été transformé par leurs actions, ils continuent à avancer, dans le sens opposé à celui qu'ils s'imaginent.
Le sens de l'histoire est celui d'une collision de l'histoire avec elle-même, son effondrement. Le moment où apparaît un point de rupture, qui provoque une brusque disjonction ; où soudain le monde se réveille et se dit "Hé, mais, c'est stupide ce qu'on fait !". S'ils se réveillent à temps.
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Le fait est qu'entre le moment où une action est commise, et le moment où le peuple en prend conscience, il y a un temps de latence. C'est cela qui forme la longue chaîne de l'histoire qui se referme sur elle-même.
On a beau vivre à l'époque de l'information instantanée, l'information n'est pas du tout instantanée. Tout est fait, au contraire, pour ralentir sa diffusion le plus possible. La principale technique est le mensonge éhonté et scandaleux, qui fourvoie les gens dans des débats stériles.
La technique employée par le nouveau nazisme est de sans cesse nier ouvertement, afin de scandaliser, et ainsi manipuler une opinion dont le discernement a été brimé. Les plus à plaindre sont ceux qui croient en ces mensonges en pensant ainsi affirmer leur position dans "le camp du plus fort". Après eux, évidemment il y a les soldats qui sont envoyés en enfer, où ils passeront le reste de leur éternité.
Avant eux il y a les flexibles indécis, on va dire les taiseux, qui sont la grande majorité de la courbe de Gauss et qui observent en se demandant à quoi correspond cette agitation, que croire, que faire ?
Pour donner un exemple, un crime de guerre est un crime de guerre dans l'instant où il a lieu, pourtant il lui faut plusieurs jours, semaines, pour être ainsi qualifié par les analystes les plus pointus ; et plusieurs années pour l'être officiellement. Pourquoi ?
Parce qu'il faut le temps de s'en rendre compte, puis il faut le temps d'en être sûr, et enfin il faut le temps que la pile de dossiers arrive jusqu'à l'étude de ce cas (avec tous les tracas qu'on connaît, de corruption et d'intrigues).
C'est la complexité hypertrophiée de la société, divisée à outrance, qui rend la circulation de l'information si longue et périlleuse, que cela rend impossible toute harmonie.
Cela débouche, en fin de chaîne, à une sorte de lassitude doublée d'un abandon, ou d'une fatalité, contre laquelle on ne peut rien.
L'information nécessaire à une réflexion saine met beaucoup de temps à leur parvenir. Lorsqu'elle leur parviendra ils y verront plus clair et pourront interroger les signes auxquels ils auraient dû prêter plus attention. C'est un travail très profitable pour le progrès de l'humanité. Le rôle de cette masse inerte est donc majeur.
Et enfin à la tête de cette chaîne, il y a les défenseurs de la justice, qui voient clairement le jeu des politiciens, et savent comment décrypter la motivation et la psychologie de leurs actions. Ils ont tout le loisir d'être horrifiés par la perte complète de rationalité, qui est suicidaire, et d'autre part, par une masse de peuple qui peine à rassembler les éléments du problème.
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Il y a un avantage caché au fait de laisser les peuples sans instruction claire pour prendre position, et c'est exactement, par mégarde, ce à quoi devrait ressembler un monde normal, conscient, responsable, et qui valorise l'autonomie intellectuelle.
Quand nous parlons du "temps que met l'information à leur parvenir", il ne s'agit pas de savoir qui croire et qui ne pas croire. Il s'agit d'avoir la latitude de se forger un avis indépendant, sur la base de n'importe quelle quantité ou qualité d'information.
Donc par mégarde, la situation folle inscrit les termes d'une situation rationnelle. Ces termes sont que les peuples n'ont pas à écouter, croire, prêter foi, ou même se laisser le moins du monde influencer par la parole de leurs gouvernements, ou de quiconque qui se présente comme plus puissant qu'eux. Ils doivent réfléchir par eux-mêmes. et pour cela il faut lutter contre une pression externe qui est maximale.
Et cela, sera la grande leçon de l'histoire.
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L'aspect terrifiant de l'époque est la banalisation des crimes abominables. Il est difficile de soutenir que "l'information" n'est pas parvenue aux oreille des masses, par contre il n'est est pas de même de "la lumière".
Ce dont nous essayons de parler ici est de ce qui explique cette inertie ; et des leçons qu'il y a à en tirer.
Cette inertie est le produit de l'orientation du sens des mots quand on les utilise trop souvent, au point qu'ils perdent leur sens. Une autre atrophie du sens des mots est donnée par leur perversion, lorsqu'ils sont conduits à signifier le contraire de ce qu'ils veulent vraiment dire.
Il en va ainsi pour la plupart des termes cruciaux qui fondent la civilisation. En même temps qu'ils sont répétés ad nauseam, dans la pratique ils perdent plus que leur sens, mais aussi leur fonctionnalité. Ils ne sont plus que les fantômes d'eux-mêmes. Ainsi en va-t-il de la "démocratie", qui est désormais complètement avortée.
Au-delà des mots, cette perversion s'inscrit dans le code de décryptage de l'information. Il est évident que dans une société où les gouvernements mentent tout le temps et où l'information est sans cesse biaisée, il devient difficile de ne pas sur-interpréter par habitude tout ce qui se passe. "Oh ils font exprès pour...", etc. C'est ce que Greta appelle la perte du bon-sens.
Ce qui apparaît dès lors de façon flagrante, est qu'il s'agit d'une normalisation de la pensée, qui vise à aplanir les réactions et à les mettre en conformité avec les pouvoirs dominants, qui, entre parenthèses, contrôlent le récit.
Et c'est cela l'aspect le plus terrifiant, car inéluctablement, le nouveau nazisme dont nous parlons ici, tranquillement et avec assurance, n'est point du tout considéré comme tel. Et la raison est simple : c'est qu'il déteint sur les consciences. Et c'est cela le vrai danger.
C'est pourquoi la plus grande vigilance doit être portée sur les glissements insidieux de sens qui sont sans cesse utilisés à la faveur des intérêts primaires. Car s'il est certain qu'échanger le sens d'un mot contre un avantage en nature semble le meilleur investissement possible dans une société capitaliste, le prix à payer, à la fin, est qu'il n'y a plus de civilisation du tout.