par Fabien Buzzanca.
Alors que les premières campagnes de vaccination contre le Covid-19 ont débuté dans plusieurs pays, qui devraient bientôt être suivis par la France, les premiers effets secondaires apparaissent sur les patients. Manque-t-on de recul pour vacciner la population ? Éléments de réponses avec un médecin interrogé par Sputnik.
« Un vaccin, c'est un médicament et toutes les précautions doivent être prises ».
Gaëtan Casanova, médecin anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Foch, en région parisienne et président de l'Intersyndicale Nationale des Internes, appelle à la prudence concernant les vaccins contre le Covid-19 :
« Autant je soutiens la politique vaccinale, autant je comprends tout à fait les inquiétudes. Comme pour tout médicament, elles sont légitimes. Je vois d'un très mauvais œil les gens qui disent que le vaccin va transformer les patients en mutants, de même que je suis très critique envers ceux qui disent : « C'est formidable, il n'y a aucune question à se poser », détaille le médecin au micro de Sputnik.Alors que les campagnes de vaccination ont débuté dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni et la Russie, la France devrait rapidement suivre, avec un top départ prévu pour janvier. Paris a déjà précommandé 200 millions de doses, de quoi vacciner 100 millions de personnes, le vaccin nécessitant deux injections.
Pas le « recul nécessaire »
L'Agence Européenne des Médicaments s'occupe du dossier vaccin et se chargera de distribuer les feux verts. Cette même agence avait en juin donné une autorisation de « mise sur le marché conditionnelle » du remdesivir, peu de temps avant que l'OMS ne signale la dangerosité de ce possible traitement contre le Covid-19.
En tout état de cause, les autorisations de Bruxelles devraient intervenir d'ici la fin décembre concernant le vaccin de l'alliance américano-allemande Pfizer/BioNTech et d'ici la mi-janvier pour celui de l'américain Moderna. Le vaccin de Pfizer, choisi par le Royaume-Uni et qui devrait recevoir le feu vert de l'Union européenne d'ici la fin décembre, ainsi que celui de l'Américain Moderna, commencent à soulever des inquiétudes malgré un taux d'efficacité annoncé de plus de 90%.
La Food and Drug administration (FDA) a récemment publié un document montrant que sur les environs 44 000 participants aux tests du vaccin de Pfizer, six étaient décédés. Seuls deux avaient reçu le vaccin et avaient des problèmes de santé. Le premier souffrait d'obésité et d'athérosclérose et est mort trois jours après l'administration de la première dose. Quant au second, il a succombé à un arrêt cardiaque 60 jours après l'administration de la deuxième dose.
« Il faudrait faire une étude poussée pour savoir si le décès de ces deux personnes est lié à l'administration du vaccin ou si c'est simplement une fatalité. Un vaccin ne rend pas invincible et leur mort peut très bien n'être aucunement reliée au vaccin », explique le docteur Casanova. Les décès à déplorer sur les volontaires du vaccin Pfizer sont en phase avec le taux de mortalité naturel observé dans la population. Mais cela n'empêche pas qu'ils soulèvent des inquiétudes. Surtout que la même FDA a expliqué que quatre cas de paralysie faciale avaient été diagnostiqués sur 18 000 vaccinés. Même si la gêne est souvent temporaire, la FDA a recommandé une surveillance accrue.
Interviewé le 8 décembre sur France Inter, le professeur Éric Caumes, chef de service en maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, s'est dit sceptique quant aux « vaccins à base de matériel génétique type ARN » comme celui de Pfizer, une méthode jamais testée auparavant à grande échelle sur l'Homme.
« Je ne sais pas ce que ça vaut. Je n'ai pas le recul nécessaire, je n'ai toujours pas vu une publication scientifique qui corresponde à ces vaccins. Donc, me vacciner avec des produits que je ne connais pas, dont je n'ai des informations que par les communiqués de presse des laboratoires, c'est leur faire une confiance aveugle et absolue », a-t-il alerté.
Le professeur Caumes a récidivé sur LCI le 10 décembre : « Au niveau des effets indésirables, il y a un vrai problème dans le vaccin Pfizer. La fréquence d'effets indésirables y est particulièrement élevée. Il y a plus d'effets indésirables chez les jeunes que chez les personnes âgées, et plus après la deuxième dose qu'après la première ».
Dans une interview donnée au journal Le Parisien, le chef de service en maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière s'est inquiété du rapport de la FDA sur le vaccin de Pfizer : « En lisant les 53 pages, quelque chose m'a frappé. Je n'ai jamais vu une fréquence aussi élevée d'effets indésirables pour un vaccin ! »
Ainsi il énumère les réactions de l'organisme possible à ce type de vaccin, à commencer par des effets minimes dus à l'injection comme des rougeurs et douleurs locales. « Prenons l'exemple de la fièvre, elle peut survenir de manière passagère après une injection, c'est classique. Mais là, 15,8% des 18-55 ans ont eu 38°C ou plus dans les sept jours qui ont suivi la seconde injection. Et 45% ont dû prendre un médicament contre la fièvre ou la douleur. On parle aussi de 55% de maux de tête, 62% de fatigue. Non, mais là, c'est beaucoup trop, il y a peut-être un problème... », a-t-il mis en garde.
Même son de cloche du côté du professeur Raoult, qui critique lui aussi le manque de recul sur les vaccins anti-Covid : « Le programme que j'ai lu jusqu'à maintenant, ça me paraissait de la science-fiction. Pour l'instant ce que j'ai vu, c'est surtout de la publicité. Je n'ai pas vu d'articles scientifiques. J'attends de voir de vraies données ».
Cas d'allergies
Le professeur Caumes déplore le « manque d'informations » et le fait que les injections à base de matériel génétique (ARN messager) « n'ont jamais passé le stade de la commercialisation jusqu'alors ». « Peut-être sont-ils révolutionnaires, mais je veux la preuve de leur fiabilité, sinon cela revient à accorder une confiance aveugle aux industriels », réitère-t-il. Des réserves qu'il n'affiche pas vis-à-vis de la concurrence : « En revanche, je me ferai volontiers immuniser avec celui d'AstraZeneca et le vaccin chinois, pour lesquels on dispose de résultats validés ».
Gaëtan Casanova se montre plus mesuré, mais appelle tout de même à la prudence : « La technique de l'ARN messager employée pour le vaccin de Pfizer est censée ne pas rentrer dans le noyau où l'on trouve l'ADN. Théoriquement, il ne peut y avoir modification de l'ADN. Mais il y a la théorie et la pratique. Souvent, la pratique vérifie la théorie, mais comme pour tout médicament, il faut être attentif et se poser les bonnes questions ».
Le 9 décembre, l'Evening Standard a mentionné que l'Agence britannique de Réglementation des Médicaments et des Produits de Santé (MHRA) avait averti les personnes ayant des antécédents de réactions allergiques « significatives », leur déconseillant le vaccin anti-Covid-19 Pfizer. Le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni a confirmé que deux personnes qui avaient reçu le 8 décembre la première dose avaient développé des réactions allergiques avec des symptômes de type « réaction anaphylactoïde ». Les patients se sont rétablis à la suite d'un traitement approprié.
Stephen Powis, professeur et directeur médical du NHS au Royaume-Uni, a déclaré : « comme c'est courant avec les nouveaux vaccins, la MHRA a conseillé par précaution que les personnes ayant des antécédents importants de réactions allergiques ne reçoivent pas cette vaccination ».
« Dans de très rares cas, un vaccin peut causer une allergie immédiate grave comme un choc anaphylactique, qui peut entraîner la mort. Mais cela intervient très rapidement. Toujours dans de très rares cas, il est possible qu'un vaccin cause une allergie à retardement. Mais les symptômes sont alors moins graves », explique Gaëtan Casanova.D'après le médecin, le caractère inédit et massif de la crise du Covid-19 va forcément contribuer à l'augmentation des cas de réactions imprévues chez les gens :
« Les effets indésirables causés par les vaccins sont rares et donc se voient peu d'ordinaire, mais plus la population vaccinée est large, plus les cas seront nombreux ».Ce dernier admet que la rapidité avec laquelle les vaccins ont été produits « n'est pas l'élément le plus rassurant du monde ». Du fait de ce développement rapide, les laboratoires ont demandé à être moins exposés financièrement en cas de poursuites dues à des effets secondaires. Requête entendue par la Commission européenne, qui a accepté de contribuer financièrement à d'éventuels frais de justice. Si les discussions sont encore en cours, le laboratoire AstraZeneca est déjà sûr de bénéficier de ce dispositif.
Nonobstant ces incertitudes sur les effets secondaires, le docteur Casanova il assure qu'il n'y a pas réellement de raisons de douter des taux de fiabilité (parfois au-dessus de 90%) annoncés par les producteurs de vaccins.
« Ensuite se pose la question de la durabilité, des effets indésirables quand de très grandes populations seront vaccinées. Il faut faire preuve de prudence », poursuit-il.Il rappelle également le fort enjeu géopolitique qui se cache derrière cette course aux vaccins:
« Le premier pays à sortir un vaccin efficace décroche les lauriers et l'influence politique, sans parler de l'enjeu économique immense ».Dans ce contexte, Gaëtan Casanova demande à ce que l'on revienne à la démarche qui veut que « l'on se pose des questions » et que l'on évalue la balance bénéfices-risques.
« Je pense que cela explique le fait qu'en France, on a décidé de commencer par des personnes institutionnalisées, très à risque et pour lesquelles la balance bénéfices-risques reste favorable en faveur du vaccin », analyse le médecin.
Trop de polémiques ?
Analyse semblable du côté du professeur Caumes : « Tout dépend de la balance bénéfice-risque. Chez les personnes âgées à haut risque de Covid-19 grave, je vaccinerai largement avec ceux de Pfizer et Moderna, mais pas les plus jeunes ou les personnes sans comorbidités ».
« Il faut revenir à des bases scientifiques solides, car on voit bien que certains professeurs de médecine n'ont plus des discours médicaux - et des deux côtés. Certains parce qu'ils veulent polémiquer, d'autres, car ils ont des liens avec les labos. Cela déserte la médecine », conclut Gaëtan Casanova.
source : fr.sputniknews.com