23/01/2022 ismfrance.org  6 min #201014

Expulsions, démolitions : la résistance à Sheikh Jarrah (Vidéos)

Sheikh Jarrah : Les habitants promettent de tenir bon après la démolition de la maison des Salhiya (vidéos)

Latifeh Abdellatif, 22 janvier 2022. En attendant des nouvelles de son fils et de ses petits-enfants détenus, Majda Salhiya n'a pas semblé découragée par le violent raid israélien qui a eu lieu la veille sur sa maison dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.

Mahmoud Salhiya à la sortie de la garde à vue. Le tribunal d'occupation israélien a libéré les membres de la famille à la condition qu'ils soient expulsés de Sheikh Jarrah pendant 30 jours, une caution de 1000 NIS pour chacun d'entre eux, et 5000 NIS pour ceux qui violerait la décision d'expulsion.

Les souvenirs du raid et de la démolition qui a suivi sont flous pour cette femme de 75 ans, qui souffre de la maladie d'Alzheimer. Mais lorsqu'on lui a demandé comment elle se sentait, son ton était convaincu et combatif.

« Ils peuvent nous détenir et nous menacer, mais nous ne céderons pas notre terre », a déclaré Umm Mahmoud, comme on l'appelle dans la famille, à Middle East Eye. « Si nous devons mourir, nous ne nous rendrons pas ».

Les 18 membres de la famille se sont retrouvés sans abri mercredi, après que les forces israéliennes les ont expulsés de leur maison lors d'un raid nocturne, avant de la raser.

Mahmoud Salhiya, le patriarche de la maison, a été agressé et arrêté avec cinq autres personnes. Après avoir passé la nuit en détention, toutes les personnes arrêtées ont été libérées sous condition et se sont vu interdire l'accès à Sheikh Jarrah pendant 30 jours.

Retenant ses larmes et parlant d'une voix brisée, Mahmoud semblait épuisé lorsqu'il s'est adressé à la presse après sa libération.

« Ils m'ont agressé, j'ai cru mourir. Franchement j'ai cru mourir », a déclaré Mahmoud à propos des conditions de son arrestation et de sa détention.

Il a déclaré aux médias locaux que les officiers israéliens ont fait tout lce qu'ils ont pu pour l'humilier, brandissant des fusils sur sa tête et celles de ses proches lors des arrestations et le forçant à sortir de la maison pieds nus.

« La manière dont ils ont fait irruption dans la maison, c'était de la vengeance », a-t-il déclaré. « C'est un gouvernement de colons. Ils n'ont aucun honneur, aucune morale ».

Sur la route du tribunal, les officiers l'ont emmené voir comment sa maison avait été rasée, a-t-il ajouté. « Quand je l'ai vu comme ça, je suis mort », a-t-il dit. « Ils ont détruit la maison mais nous allons la reconstruire. Ils ne resteront pas ici longtemps. »

Vidéo : « Nous n'avons plus rien à Jérusalem. C'est un nettoyage ethnique. Aujourd'hui moi, demain mes voisins. Nous préférons mourir sur notre terre avec dignité plutôt que de nous rendre à eux. » Tel était le message de Mahmoud Salhiya, avant que sa maison ne soit rasée par la machine israélienne de nettoyage ethnique.

Solidarité palestinienne

Malgré la douleur ressentie par les Salhiyas après la démolition, le soutien et la solidarité qu'ils ont reçus leur ont donné un peu de répit.

Un médecin de la famille Sbaitan à Jérusalem a donné les clés de sa maison à la famille après qu'elle se soit retrouvée sans abri. Un geste de bonne volonté qui, selon Mahmoud, est typique des habitants de Jérusalem.

Depuis que les autorités israéliennes ont tenté pour la première fois d'expulser les Salhiyas de leur maison lundi, des dizaines de militants se sont rassemblés dans la propriété pour la protéger contre tout raid et filmer l'action pour que le monde entier puisse la voir.

Dans le froid, des jeunes hommes et femmes ont installé des feux de camp sur le terrain des Salhiyas, chantant et entonnant des chants patriotiques.

Seif al-Qawasmi, un militant de Jérusalem parmi ceux qui sont restés sur la propriété pendant deux jours avant la démolition, dit qu'il était là parce qu'une attaque contre une maison dans la ville est une attaque contre tout le monde.

« Nous nous sommes tous assis autour du feu malgré nos différences. C'est une cause qui nous unit tous, la protection de Sheikh Jarrah et de la Palestine », a déclaré Qawasmi à MEE.

« Les deux nuits précédant la démolition ont été la preuve de l'importance de la présence populaire et de la solidarité sociale. »

Alors que la démolition a été ressentie comme une bataille perdue pour les Palestiniens, a déclaré Qawasmi, la résilience et la fermeté dont Mahmoud a fait preuve depuis lundi a été une source d'inspiration que nous n'oublierons pas.

« Ce que Mahmoud a fait était courageux », a-t-il déclaré. « C'est quelque chose dont les générations futures se souviendront ».

Nous devons rester solidaires

La maison des Salhiya a été démolie et la famille expulsée sous le prétexte de construire une école sur le terrain, dont la municipalité israélienne revendique la propriété.

Le terrain a été confisqué par Israël après la prise de la ville en 1967, conformément à la loi sur la propriété des absents [selon laquelle les biens des personnes considérées « absentes » pendant la période comprise entre 1947 et 1948 ont été transférés à l'État d'Israël, ndt]

Actuellement, 37 familles palestiniennes vivent à Sheikh Jarrah, dont six sont menacées d'expulsion imminente.

Depuis 2020, les tribunaux israéliens ont ordonné l'expulsion de 13 familles palestiniennes du quartier, qui est devenu un point chaud important au cours de l'année dernière, après qu'Israël a tenté d'expulser des familles palestiniennes de la zone en mai dernier pour faire place à des colons israéliens.

Cette décision a suscité de  vastes protestations en Cisjordanie occupée et parmi les citoyens palestiniens d'Israël, ainsi qu'une opération militaire de grande envergure dans la bande de Gaza assiégée.

Ramzy Abbas, un militant local, affirme que la solidarité généralisée du mois de mai a fait pression sur Israël pour qu'il reporte les expulsions, mais que les gens doivent rester vigilants jusqu'à ce que les décisions de justice soient complètement annulées.

« Nous avons réussi par le passé [à stopper les expulsions] en restant unis. Nous devons le rester maintenant », a déclaré Abbas à MEE.

« Hier, c'était la maison des Salhiya, demain ce pourrait être ma maison ou la vôtre ».

Contribution au reportage de Chaymaa Mohamed.
Article original en anglais sur  Middle East Eye / Traduction MR

Vidéo du 20 janvier : Le tribunal d'occupation israélien a libéré les membres de la famille Salhiya à la condition qu'ils soient expulsés de Sheikh Jarrah pour 30 jours, une caution de mille shekels pour chacun d'entre eux, et cinq mille pour ceux qui violerait la décision d'expulsion.

Vidéo : Les forces du régime israélien ont brutalement agressé hier les manifestants qui ont arraché la barrière érigée devant la maison de la famille Salem par des colons israéliens dans le but de la déplacer de force dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem occupée.

 ismfrance.org

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