05/10/2015 tlaxcala-int.org  6min #102969

 La commémoration d'Odessa

Odessa : le harem du State Department Mission en Ukraine

 Aris Chatzistefanou

Il y a des fois où rester isolé dans un hôtel pour cinq heures, entouré d'escadrons paramilitaires nazis, vous aide à réfléchir. D'autres fois, vous regardez simplement la TV.

Je me suis trouvé dans cette situation mercredi dernier (30 septembre), le matin, lorsque j'accompagnais la mission de Kostas Isychos, Nadia Valavani et Vasilis Hatzilambrou à Odessa. Ils avaient l'intention de rencontrer des membres de la communauté grecque d'Odessa.

Mais devant l'hôtel, étaient rassemblés des groupes du Secteur droit et de la soi-disant 'Autodéfense de la place Maïdan', dont l'avis diffère légèrement du mien.

Ils scandaient des slogans et, de temps à autre, tentaient d'envahir l'hôtel. Dans le lobby, des membres de la sûreté ukrainienne, tantôt empêchaient l'entrée des paramilitaires et, tantôt, discutaient avec eux sur un ton amical.

C'était une image indicative de rapports, tantôt tendus et tantôt amicaux entre l'État et le para-État, dans un pays qui, en près de dix ans, a vécu une révolution multicolore, un coup d'État pro-européen postmoderne et une guerre civile.

Après plusieurs heures d'attente tendue, mon regard a commencé à accrocher un des écrans de TV de l'hôtel. Et, comme je m'en suis rendu compte par la suite, l'image qui l'animait était aussi indicative des développements politiques en Ukraine qui a tant souffert.

Sur l'écran, des modèles aguichants présentent une nouvelle collection de haute couture. Sur cette chaîne, nous expliquera-t-on plus tard, la présentatrice n° 1 est Anna Pencheva, fille du fameux propriétaire de boîtes de nuit et célèbre modèle, dont les photos nues ont orné maints magazines pour hommes.

Anna Pencheva

Ces dernières semaines, sur décision du nouveau gouverneur d'Odessa et ex-président de Géorgie, Mikhaïl Saakachvili, Pencheva a été nommée attachée de presse de la police de la ville !

Cette nomination semble aussi surréelle que le choix de Saakachvili au poste de gouverneur.

Un homme politique qui est monté au pouvoir à la suite de la « révolution des roses » en Géorgie (avec le noble parrainage de George Soros et de plusieurs services US), après avoir poussé son pays dans une guerre contre la Russie et qui s'est retrouvé recherche pour crimes de corruption, a été appelé par le président d'Ukraine à assumer le gouvernorat de la région d'Odessa.

Maria Gaïdar

En même temps que Saakachvili, sont arrivées dans la région les équipes du State Department (ministère des Affaires étrangères US) qui ont entrepris d'entraîner les forces de sécurité d'Odessa, toujours sous le regard vigilant de la jeune Pencheva.

Et, là, ce n'était que le début d'une histoire surréaliste où sont impliqués des diplomates US, des modèles, des oligarques et des émigrés de Moscou.

Julia Maroushevska

Le « harem » de Saakachvili s'est très rapidement étendu pour inclure la belle Julia Marushkeva, la fille qui est devenue mondialement célèbre grâce à une vidéo parue sur Youtube où elle demandait le renversement du gouvernement Yanukovitch.

Très peu nombreux étaient ceux qui (nous exceptés) s'étaient alors occupés du fait que, derrière la vidéo « amateur », se trouvaient des collaborateurs, anciens et actuels, du gouvernement US, tels que Ben Moses (réalisateur, entre autres, du film « Good Morning, Vietnam ») et Larry Diamond.

Julia, âgée de 25 ans, a été plus que récompensée pour cette lutte pour le renversement du gouvernement Yanukovitch. Saakachvili a créé un nouveau fonds d'investissement pour Odessa, à la tête duquel il l'a placée.

Le « harem » a été complété par Maria Gaïdar, 33 ans, fille de l'ex-Premier ministre russe Iegor Gaïdar, dont le nom restera dans l'histoire pour avoir administré le « traitement de choc » et la liquidation massive des avoirs publics de l'ex-Union soviétique.

Après avoir réduit le PIB de son pays d'au moins 40% et réduit l'espérance de vie à 58 ans, Gaïdar a livré, satisfait, le véritable pouvoir aux nouveaux oligarques.

Sa fille s'est fait connaître lors de la présidentielle russe de 2008, lorsqu'elle a commencé à produire des vidéos où elle présentait Vladimir Poutine comme le nouvel Antéchrist qui mènera l'humanité vers un holocauste nucléaire.

Bien entendu, Saakachvili n'avait aucun doute : c'était bien là le type de personne à nommer gouverneur suppléant d'Odessa, ce qu'il fit avec grande joie.

Face à ce cirque nourri par l'Amérique qui paradait sur l'écran de TV de l'hôtel, les escadrons nazis qui nous attendaient dehors commencèrent à transpirer une horrible... normalité.

En fait, il s'agissait des deux faces de la même médaille dans un pays qui s'est retrouvé coincé entre les superpuissances et qui a vu sa partie orientale devenir indépendante et sa partie occidentale se transformer en un protectorat particulier des USA et du FMI.

«Que penses-tu du fait qu'un ressortissant étranger comme Saakachvili ait été nommé gouverneur de ta région ? », ai-je demandé au Commandant Stabo, un des dirigeants des équipes paramilitaires qui a accepté de s'entretenir avec moi.

« Positif », répondit-il laconiquement.

« Tu voudrais le voir aussi devenir Premier ministre, comme prévoient certains journaux ? », lui demandai-je ensuite.

Il a redressé le col de son uniforme de camouflage, m'a regardé dans les yeux et, quelques secondes plus tard, a répondu : « Non, il vaut mieux que nous l'ayons ici, près de nous ».

Pour le Commandant Stabo, la mission grecque qui était venue pour faire connaissance avec les Grecs d'Odessa était une menace pour l'unité nationale de son pays.

En revanche, un Géorgien recherché pour crimes et ex-président, est toujours le bienvenu. Surtout s'il est accompagné de quelques diplomates du State Department et d'un harem de collaboratrices aux courbes généreuses.

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