Par Giuletto Chiesa
LES MÉDIAS GRANDS PUBLICS EN PLEINE CONFUSION
Prenez par exemple le Corriere della Sera. Ce matin, son titre principal sur quatre colonnes au beau milieu de la première page est consacré à « L'évêque gay, une affaire aux dimensions mondiales ». Ah bon, c'est donc ça « l'affaire aux dimensions mondiales » ? La tragédie de l'hôpital attaqué par les avions américains est rangée sur deux colonnes en marge avec un article de Venturini (« Le syndrome du Vietnam ») qui part à la chasse aux papillons. Et enfin, l'éditorial du journal, de l'habituel Panebianco, qui s'intitule, incroyable mais vrai, « Défendre Israël serait-il un délit ? » Une hypothèse parfaitement incongrue, puisque c'est exactement l'inverse qui est vrai : qui critique Israël est immédiatement taxé d'antisémitisme. Et, dans le cas de l'holocauste, celui qui se permet de dire que Netanyaou l'utilise... comme une arme contondante est certain de se voir accusé de « négationnisme », avec tous les risques que cela comporte.
Et la Syrie dans tout ça ? Elle a purement et simplement disparu de la première page. Aucune instruction claire n'arrive de Washington. Hic sunt leones (*)
PRÉCISION CHIRURGICALE
Au début de l'intervention des chasseurs russes, les dirigeants politiques occidentaux et leurs mégaphones que sont les rédactions des principaux médias ont insisté sur la [mauvaise] qualité des bombes : en Syrie, ont-ils clamé haut et fort, Moscou n'utilise pas les bombes à guidage automatique : trop imprécises, par rapport aux bombes américaines. Nous devons en conclure qu'en Afghanistan, le mode automatique des bombes était réglé sur la position « détruire les hôpitaux ». Ce n'était pas une erreur. La déduction peut sembler macabre, mais ensuite on entend dire ceci (ainsi que le rapporte l'ANSA) : « Le ministère afghan de l'Intérieur soutient qu'au moment du bombardement, entre 10 et 15 terroristes se cachaient à l'intérieur de l'hôpital de MSF (Médecins sans frontières). Lors d'une conférence de presse à Kaboul, le porte-parole du ministère, Siddiq Dissiqi, a assuré que « tous les terroristes ont été tués, mais parmi les victimes, on compte aussi des médecins. »
TERRORISTES MODÉRÉS
Interview (quasi exclusive) du porte-parole militaire du Kremlin. Question : Comment différenciez-vous, lors des bombardements en Syrie, les terroristes normaux des terroristes modérés (ceux qui sont armés et financés par Washington) ? Réponse : « Depuis le début des opérations militaires en Syrie, nous avons pris cela en considération. Contre les terroristes normaux, nous utilisons des bombes normales, et contre les terroristes modérés, nous avons recours seulement à des bombes modérées. Nous nous sommes orientés dans ce sens, autrement dit, dans le sens de la Justice. » Question : excusez-moi, mais pouvez-vous me dire en quoi les bombes modérées sont différentes des bombes normales ? Réponse : « Nos bombes normales se différencient des bombes modérées, exactement comme les terroristes normaux se différencient des terroristes modérés. Les secondes sont en fait peintes avec d'autres couleurs, aux tons décidément plus doux et plaisants. »
Il n'est pas question ici de faire la propagande en faveur des Russes, loin de nous cette idée ! Mais on voit bien là que la différence entre les « niveaux de civilisation » est manifeste. Les Américains eux, bombardent les hôpitaux et les maisons pleines de terroristes mélangés à des enfants en utilisant exactement les mêmes bombes !
Giulietto Chiesa
Article original en italien : Megachip, le 4 octobre 2015
Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
Note de la traduction :
(*) Hic Sunt Leones : expression utilisée sur les anciennes cartes géographiques pour qualifier un pays peu connu, où règnent les lions (ou les dragons, avec l'expression analogue Hic Sunt Dragones)