Jacques-Marie BOURGET
Mettons-nous la tête dans les mains. C'est une position qui sert aussi bien pour réfléchir que pour pleurer. Les animateurs d'écrans qui vous montrent la guerre, celle de Paris, oublient de nous expliquer pourquoi la France en est arrivée là.
En les regardant, en les écoutant, on a le sentiment que, nés d'une génération spontanée les djihadistes, sont comme des marrons tombés des arbres, ou bien les fruits de réverbères. Nul ne vient rappeler que cette bataille a commencé en 2003, quand le criminel de guerre George Bush et son gang de néoconservateurs a décidé de « redessiner » le Moyen Orient, autrement dit de faire de l'Irak, puis de la Syrie, une poignée de confettis. Vous me faites observer que la France n'a pas participé à l'aube de la catastrophe, et vous avez raison. Mais ensuite elle a très bien rattrapé son retard. Histoire de faire pardonner la « mollesse » de Chirac Sarkozy a tout fait, et le pire, pour être aimé de Washington.
L'Irak étant mise en pièces par l'Amérique, une politique étrangère intelligente de Paris aurait été, dès lors, de tout mettre en œuvre pour que la Syrie ne tombe pas à son tour en miettes. Nicolas Sarkozy a fait l'inverse. Et si les djihadistes sont aujourd'hui entrés dans Paris, c'est la simple et logique conséquence du choix opéré naguère par le mari de Carla, en 2010. Cette année-là, soudain inspiré par son ami l'émir du Qatar, qui était son véritable « ministre des affaires arabes », Sarko s'est soudain mis à battre froid Bachar al-Assad. Un ami pourtant. Qu'il avait adulé au point de la convier à co-présider à Paris un défilé du 14 juillet.
Pourquoi tant de haine ? Eh bien, sachez-le, Bachar devait être puni pour avoir refusé de livrer passage, en terre syrienne, à un oléoduc qatari. Puis, aggravant son cas, refusé d'acheter au même Qatar 23 Airbus. Bizarrement, al-Assad trouvait plus logique d'acheter les avions à ceux qui les fabriquent, la France et l'Allemagne. L'idiot inutile ne se rendant pas compte que son double refus allait priver une poignée de courtisans « intermédiaires » d'une pluie de dollars. Pour ce crime de lèse Doha, et de chagrin causé à Sarkozy, Bachar devait être puni. Avouons que sa politique de fer, son inhumanité, son culte de la personnalité pharaonique, donnait assez peu d'arguments à ses défenseurs. A ce point il est bon de rappeler que sans Staline la France s'exprimerait aujourd'hui en Allemand et, qu'en politique étrangère le bon choix est celui d'un moindre mal qui peut être le mieux puisqu'il évite le pire. Aujourd'hui nous savons que Bachar et ses pompes, c'était quand même mieux pour la France qu'Al-Baghdadi et ses djihadistes fascistes.
Charité faite aux « frères », depuis des années les amis qataris de Nicolas Sarkozy, qui avec lui, la mano en la mano, ont également détruit la Libye, ont nourri et armés ces fous de Dieu et de toutes barbes, du Mali à l'Irak, de la Libye à la Syrie. En surenchère les saoudiens sont venus leur prêter la main. Experts en démocraties les deux dictatures du Golfe n'allaient-elles pas, via ces dingues d'Allah, faire fleurir le « printemps » à Damas. Paris, par la voix de Fabius a même encouragé ces petits soldats pour leur « bon boulot ».Vous l'avez compris, Sarkozy est à l'origine du chaos. Mais Hollande au pas de course, avec en poche une partition écrite par Netanyahou, est arrivé en pompier qui crache le feu. Agissant d'une main d'acier sous le faux nez des « Droits de l'Homme », ce qui est bien au Café de Flore mais pas toujours applicable, tel un sparadrap, au reste du monde. En passant, l'Elysée avec sa politique du tout-Rafale, n'est pas mécontent de la disparition de l'Irak et de la Syrie, en tant qu'Etats trop souvent grincheux. Ces pays, transformés en une mosaïque ethnico-religieuse prendraient une bien meilleure tournure pour le petit voisin, l'ami Israélien.
Mais nous aussi, la France, dans cette course les yeux bandés, avons livré des armes à des barbus qui étaient les nôtres, et va savoir si ce ne sont pas leurs frères qui sont venus fusiller les martyrs du Bataclan ? Jean-Yves Le Drian, admirable quincailler de notre arsenal militaire, nous a bien annoncé, il y a quelques jours, que nos Rafales « avaient détruit en Syrie » la base où Daech « préparait des attentats qui devaient être commis en France » ( poitiers.maville.com)... Visiblement c'est loupé. Et remarquons avec tristesse que nos merveilleux agents, incapables de déceler la présence de commandos en France, doivent être bien embarrassés quand il s'agit de les dépister à Rakka où les RG mettent assez bien leurs lourdes godasses. Hollande, Fabius, Le Drian, puisque la chose était bonne pour la vente des chasseurs de Dassault, bonne pour le chômage, se sont donc mis à « frapper » comme des fous, du Mali à l'Irak les voilà bombardiers sans frontières. Oubliant que nous ne sommes plus au temps des canonnières coloniales et que cette politique à une conséquence : faire la guerre là-bas, c'est faire la guerre ici. Fini le temps ou les USA pouvaient déverser peinards des tonnes de bombes sur le Vietnam, et la France sur les Aurès.
La planète est un monde unique et nos « services » devraient savoir, qu'entre les citoyens sensibles à la cause, sympathisants ou fêlés convaincus, notre pays compte une cohorte de 30 000 hommes et femmes, endoctrinés après avoir été ghettoïsés, persuadés que le djihad est la bonne solution. Le bon choix « pour se venger des humiliations » et faire triompher l'islam-vrai du salafisme. En d'autres temps, en évoquant ces hommes et ces femmes, ces gosses, on aurait parlé d' « ennemis intérieurs »...Ne doutez pas, les mots usés vont faire leur retour et les ratonnades ont commencé samedi à Pontivy lors d'une manif de néo-nazis bretons. On parle d'assigner à résidence tout individu, forcément musulman, qui présenterait un « risque », tout cela en l'absence de charges judiciaires. Pourquoi pas des centres de rétentions, des camps ?
Pour finir, notons que le Quai d'Orsay ignore aussi que le monde n'est plus qu'un, que les bombes, celles des souks de Bagdad, de la banlieue de Beyrouth ou des soutes du vol russe de Charm el Cheikh sont de la même poudre que celle utilisée par les massacreurs et tout leur bataclan. Il est désormais impossible de bombarder au Rafale, loin, bien loin, puis de rentrer chez soi pour dormir comme un juste. Ces terroristes du vendredi 13 sont les guerriers des temps nouveaux.
Jacques-Marie Bourget
PS. Notons que la revendication du massacre de Paris par Daech est passée par le truchement de la chaine qatarie Al Jazira, télé qui retrouve le rôle qu'elle naguère jouée avec Al-Qaïda. Précisons que sur les écrans de cette télévision pas un mot n'a été prononcé, par l'émir ou d'autres, pour condamner les attentats.