Avant la rencontre prévue entre le président russe, Vladimir Poutine, et le président américain, Barack Obama, et leurs discours devant l'Assemblée générale des Nations unies à la fin septembre, le président russe, dans une interview avec Charlie Rose pour les réseaux de télévision américains CBS et PBS, a qualifié le soutien de Washington aux forces insurgées en Syrie d'illégal et d'inefficace. En plus de déclarer que le soutien des États-Unis aux insurgés était « la fourniture d'un soutien militaire aux structures illégales » qui viole « les principes du droit international moderne et de la Charte des Nations unies », Poutine a souligné que les militants qui étaient entraînés et armés par les États-Unis rejoignaient en fait le soi-disant État islamique.
Washington est engagé dans une guerre globale et multidimensionnelle sur plusieurs fronts à l'aide d'acteurs interposés. En Europe, les États-Unis utilisent le gouvernement ukrainien et l'Union européenne face à la Russie et en Arabie ils utilisent l'Arabie saoudite et un groupe des régimes arabes pour établir leur domination sur le Yémen. En Asie de l'Est, les États-Unis utilisent les tensions entre la République populaire de Chine et ses voisins contre Beijing. Dans ce contexte, la Corée du sud est utilisée contre les Coréens du Nord, avec comme cible véritable les Chinois.
Le soi-disant État islamique, ou EI/EIIL/EIIS, est une création des États-Unis. Il a été soutenu directement par Washington comme acteur interposé pour mener la guerre multidimensionnelle que nous venons de décrire. En fait, le développement de la capacité militaire des États-Unis en Irak et en Syrie est un camouflage pour un changement de régime et des opérations de guerre en Asie du Sud-Ouest qui ont pour cible la Syrie, l'Iran et leurs alliés régionaux. Les États-Unis utilisent des voies parallèles pour engager ces joueurs tout en continuant de renforcer les moyens pour un changement de régime et la guerre. C'est pourquoi on assiste à une dérive de la mission et que les États-Unis, ainsi que le Canada et la France, bombardent la Syrie et ses infrastructures sous prétexte de bombarder l'EIIL/EIIS. Le fait que les États-Unis et leurs alliés s'engagent auprès de l'Iran ou de la Syrie est simplement une reprise du scénario appliqué en Jamahiriya arabe libyenne ; alors que les États-Unis engageaient le dialogue avec Mouammar Kadhafi, ils bâtissaient les instruments du changement de régime contre lui. En outre, c'est précisément à cause de ces plans de changement de régime que la Russie, l'Iran, l'Irak et la Syrie ont mis sur pied une cellule de coordination à Bagdad pour lutter contre l'EIIL/EIIS et que les Russes renforcent leur présence militaire à l'intérieur de la Syrie.
Les changements de nom des groupes qui se battent en Syrie et en Irak ne doivent tromper personne. Essentiellement, ce sont les mêmes forces ; ces sont des « agents du chaos » qui sont utilisés pour créer l'insécurité contre les rivaux des États-Unis et tout gouvernement ou entité qui résiste au diktat américain. Avec l'érosion d'Al-Qaïda et la disparition d'Oussama ben Laden, Washington a créé de nouvelles légendes et des mythes pour les remplacer aux yeux du public et du monde comme instruments de soutien de sa politique étrangère. Très vite, Jabhat al-Nosra, l'EIIL/EIIS et Abou Bakr al-Baghdadi ont été inventés et cultivés comme les nouveaux épouvantails et monstres pour soutenir la « longue guerre » de Washington et justifier le militarisme des États-Unis. Ces épouvantails ont également été utilisés pour attiser la sédition, chasser les chrétiens et les autres minorités et inciter le sectarisme chez les musulmans dans le but de diviser la région et pousser les musulmans sunnites et chiites à s'entretuer.
Ainsi, l'ambassade du Canada en Jordanie s'est fait prendre à faire du recrutement pour l'EIIL/EIIS et des diplomates canadiens ont contribué à la formation du Conseil national syrien (CNC), une façade des escadrons de la mort en Syrie. En même temps que la clique de Harper diabolise les Arabes et les musulmans par tous les moyens au Canada, elle a appuyé les coupeurs de tête de l'EIIL/EIIS en Irak et en Syrie. Avant cela, elle avait soutenu les mêmes individus en Libye et même permis à des contractants de sécurité privée et des drones canadiens de les aider.
Plusieurs rapports font état d'accusations que le gouvernement du premier ministre Harper a fait du recrutement pour la même organisation terroriste qu'il disait aux Canadiens combattre en Irak et en Syrie. Voici ce qu'écrivait le Ottawa Citizen à ce sujet : « L'ambassade du Canada en Jordanie, dirigée par un ambassadeur spécialement choisi par Stephen Harper et qui est son ancien garde du corps, est impliqué par un article dans un scandale d'espionnage et de terrorisme international qui se dévoile actuellement. » Reuters a également confirmé le rôle du gouvernement Harper dans le recrutement de terroristes pour les mêmes groupes qui prétendent se battre aux côtés des États-Unis, de l'Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis. « Une source de sécurité européenne connaissant bien le cas des trois filles dit que la personne en question avait des liens avec l'agence d'espionnage canadienne, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) », a rapporté Reuters le 12 mars 2015.
Le ministre de la Sécurité publique du Canada, Steven Blaney, a refusé de commenter les rapports sur le recrutement du Canada pour le compte de l'EIIL/EIIS, disant que c'était une question de sécurité opérationnelle, mais Ray Boisvert, un ancien directeur du SCRS, a dit que cette histoire était plausible. Tout cela pendant que le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Çavusoglu, déclarait que la situation était très compliquée, mais que le recruteur de l'EIIL/EIIS était un ressortissant syrien qui travaille pour un des pays membres de la coalition anti-EIIL de Washington. Bien que l'homme, du nom de Mohammed Al-Rashed, ne soit pas un citoyen canadien, il avait des documents émis par le gouvernement canadien et se rendait fréquemment à l'ambassade du Canada à Amman.
Malgré le fait qu'il ait ravagé l'Irak et la Syrie pendant des années, ce n'est pas une coïncidence si l'EIIL/EIIS s'est vu accorder une attention mondiale surtout en 2014, au moment où les États-Unis mettaient en place une nouvelle stratégie dans leur guerre contre la Syrie et ses partenaires et avait besoin d'un prétexte pour concentrer à nouveau ses moyens militaires en Asie du Sud-Ouest. Ce n'est pas une coïncidence non plus que les États-Unis n'aient pas informé le gouvernement fédéral de Bagdad de l'attaque contre Mossoul ou que, comme l'ont rapporté les responsables irakiens, les forces israéliennes aient également participé aux opérations ou que le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) corrompu du nord de l'Irak agisse en coordination avec les insurgés de Syrie pour diviser l'Irak.
Alors que les insurgés de Syrie s'emparaient de Mossoul, les troupes peshmergas étaient mobilisées par le GRK pour s'emparer rapidement de la ville riche en énergie de Kirkouk le12 juin 2014. Le président du GRK, Massoud Barzani, a commencé à parler de diviser l'Irak. Il a déclaré que le temps était venu pour le Kurdistan irakien de se séparer, de devenir un pays distinct, et cela peu de temps après que le GRK ait occupé Kirkouk et d'autres régions administrées centralement du territoire irakien. Cette pression pour diviser l'Irak a été également appuyée par Israël dans un discours du premier ministre Benyamin Netanyahou, dans lequel il reprenait l'appel de Massoud Barzani. Le Canada et la coalition anti-EIIL ont aussi endossé cette position contournant l'armée et le gouvernement fédéral irakiens pour fournir des armes au GRK.
Selon diverses sources de haut niveau, l'EIIL/EIIS a été soutenu directement par Washington pour servir de camouflage. La direction de l'EIIL est contrôlée par les États-Unis, selon Nikolaï Pouchkariov, un ancien lieutenant-général russe qui a travaillé à la direction centrale du renseignement de l'état-major russe. Le chef d'état-major adjoint des Forces armées iraniennes, le brigadier-général Massoud Jazayeri, a corroboré ces informations. Jazayeri a également témoigné que l'Iran savait que les États-Unis et ses alliés avaient livré à l'EIIL du matériel de combat. Les États-Unis et la Turquie se sont fait prendre à aider l'EIIL/EIIS contre les Kurdes à Kobani et dans d'autres régions de la Syrie.
Par ailleurs, Ramzan Kadyrov, de Russie, soutient qu'Abou Bakr Al-Baghdadi a d'abord été recruté en Irak pour le compte des États-Unis par le général américain David Petraeus, depuis tombé dans le déshonneur, avant de devenir le chef de l'EIIL. Il existe même des photos où l'on verrait Al-Baghdadi aux côtés de Salim Idriss, le soi-disant commandant de l'Armée syrienne libre, et du sénateur John McCain, du comité du Sénat américain sur les services armés, en mai 2013, lorsque McCain est entré illégalement en Syrie à partir de la Turquie pour parler de changement de régime à Damas.
Cela en dit long que des forces de l'EIIL/EIIS aient commencé à travailler à contrat privé pour le compte d'oligarques ukrainiens et à combattre en Ukraine avec des groupes comme le Bataillon Sheikh Mansour, aux côtés de forces ultranationalistes ukrainiennes qui glorifient le nazisme. Cela montre que l'EIIL/EIIS est un outil de Washington.
Mahdi Nazemroaya
Le 5 octobre 2015
Article original en anglais :
What Is ISIS?, publié le 4 novembre 2015
Traduit de l'anglais par LML
La source originale de cet article est TML Information Project - No. 34 31 October 2015