25/11/2015 mondialisation.ca  7min #105301

 La France et Israël lancent une nouvelle guerre en Irak et en Syrie

La Turquie recrutera-t-elle l'Otan au service de Daech ?

Par  Nasser Kandil

Ce matin, 24 novembre, un Su-24 russe a été abattu par la Turquie au dessus de la Syrie (1). Voici, en bref, la réaction de M. Nasser Kandil, directeur du quotidien libanais Al-Binaa, suite aux propos de M. Vladimir Poutine à l'issue de sa rencontre avec le roi de Jordanie, censée « aider à élaborer, au sein des représentants de la communauté militaire et du renseignement, une qualification commune des groupes et des individus permettant éventuellement de les désigner comme terroristes, avec l'objectif d'y parvenir pour le début du processus politique en Syrie, sous les auspices des Nations Unies » (2) :

En bref :

  • L'avion russe abattu par la Turquie inaugure une étape d'escalade qui devrait consacrer celui qui imposera les lignes rouges à ne pas franchir dans la guerre en Syrie.

  • La Turquie veut sa part turkmène de Syrie, sa zone tampon, et veut éviter que certains groupes armés ne finissent par figurer sur la liste des organisations terroristes.

  • La Russie a mis sa réputation de grande puissance dans la balance, laquelle ne laisse aucune chance à la complaisance ; témoins en sont les termes choisis utilisés par le président Poutine.

  • La Russie continuera de cibler les groupes armés soutenus par la Turquie à la frontière turco-syrienne, au risque d'un accrochage, préventif mais contrôlé, qui pourrait aller jusqu'à abattre des avions turcs et éventuellement des frappes à l'intérieur du territoire turc.

  • Ankara s'appuie sur le feu vert de Washington et le soutien encourageant de l'Arabie saoudite.

  • Les affrontements en cours, sur le terrain syrien, reflètent la recherche des équilibres futurs reposant sur la discrimination entre « groupes de l'opposition armée » dont les représentants seraient acceptables à la table du dialogue inter-syrien, et les « groupes terroristes », [Ce que Vienne 2 n'a pas réglé, malgré les efforts de la Russie, NdT]

  • La Russie est décidée et considère que la Turquie tente de recruter l'OTAN au service de Daech.

  • La direction turque est stupide et arrogante ; elle aura à payer le prix de ses intrigues par un échec humiliant.

  • L'OTAN n'osera pas couvrir une confrontation entre la Turquie et la Russie, d'autant plus que la dernière résolution du Conseil de sécurité a consacré le rôle de la Russie dans la lutte contre le terrorisme auprès de Washington, Londres et Paris [S'il s'agit de la Résolution non contraignante 2249, adoptée le 20 novembre 2015, les réserves ne manquent pas [3][4], NdT].

Ce bref billet de M. Nasser Kandil, mérite de revenir sur la réaction du président Vladimir Poutine lui-même. Nous précisons que nous traduisons ses propos à partir d'une vidéo de Russia Today doublée par deux fonds sonores : les traductions simultanées en arabe et en anglais. Nous espérons donc ne pas trop nous éloigner des termes employés par M. Poutine :

« Ces événements sortent du cadre de la lutte contre le terrorisme. Il est normal que nos soldats héroïques partis combattre le terrorisme en arrivent à sacrifier leur vie. Mais concernant les victimes d'aujourd'hui, il s'agit d'un coup porté dans notre dos par des complices du terrorisme. Je ne peux décrire autrement ce qui vient de se passer.

L'avion en question est tombé en territoire syrien à 4 Kms des frontières turques. Il volait à une altitude de 6000 m et à 1 Km de la frontière turque. Et, en tous cas, nos pilotes et nos avions ne menaçaient en aucune manière la Turquie. C'est parfaitement clair. Ils menaient une opération contre Daech dans une région montagneuse où s'étaient retranchés des terroristes armés venus de la Fédération de Russie. Ils ont accompli leurs missions essentielles consistant en des frappes préventives pour protéger la Russie. Ceux qui les ont attaqués doivent aussi être considérés comme des terroristes.

Il y a quelques temps, nous avions prouvé et confirmé que d'énormes quantités de pétrole [et de produits dérivés] étaient acheminés vers la Turquie par ces mêmes terroristes, d'où les sommes d'argent importantes, payées d'ici et de là, à leur disposition.

Voilà que nous recevons un coup dans le dos, parce que nous combattons le terrorisme et alors que nous avions convenu avec nos partenaires américains de nos actions aériennes ; la Turquie faisant partie de ceux qui ont déclaré combattre le terrorisme dans les rangs de la coalition américaine.

Daech dispose d'un pécule se comptant en centaines de millions de dollars grâce à la vente du pétrole à la Turquie et, en plus, bénéficie de la protection des forces de nombreux pays ; ce qui explique pourquoi ces terroristes se comportent d'une manière aussi féroce et ensauvagée contre tout le monde, y compris les pays européens.

Évidemment, nous allons analyser tout ce qui s'est passé et la tragédie d'aujourd'hui aura de sérieuses répercussions sur nos relations avec la Turquie, avec laquelle nous nous sommes toujours comportés, non seulement comme un pays voisin, mais comme un État ami. Nous pensons savoir qui a voulu que les choses se passent comme elles se sont passées, mais nous n'en avons pas la certitude.

Ceci dit, au lieu de nous contacter immédiatement, nous croyons savoir que la Turquie s'est adressée à ses associés de l'OTAN pour régler la question, comme si c'était nous qui avions abattu un avion russe et que ce n'était pas un avion russe qui avait été abattu. Veulent-ils mettre l'Otan au service de Daech ?

Je comprends que tout État a des intérêts régionaux. Nous traitons cela avec respect. Mais nous ne supporterons jamais que des crimes, tel celui d'aujourd'hui, puissent être commis.

Naturellement, nous pensons que la communauté internationale trouvera en elle-même la force de combattre ce mal absolu. Pour cela, nous comptons beaucoup sur le travail efficace des États de la région.

Nous sommes heureux, votre majesté, de notre visite. Nous continuerons à travailler avec vous, avec vos forces spéciales et vos militaires, comme nous travaillerons avec ceux d'autres pays. Je vous remercie ».

Et ce soir, nous apprenons par France 24 que M. Hollande, en visite à Washington, a affirmé : « la France n'interviendra pas au sol, ce sont les forces locales que nous allons accompagner, que nous aidons déjà depuis plusieurs mois qui vont faire ce travail au sol, une fois que nous aurons porté les coups qui permettront à ces forces-là d'agir ».

Quelles forces locales compte-t-il donc accompagner ? Seraient-ce les forces de Ahrar al-Cham et de Jaïch al-Islam pudiquement rangées sur la liste des « groupes armés non étatiques » en attente de blanchiment aux yeux de l'opinion publique et/ou les prétendues forces démocratiques arabo-kurdes tenues sur les fonds baptismaux par les États-Unis ? Un avion français risquerait-il le même sort que le bombardier russe s'il arrivait que le gouvernement turc ne soit pas satisfait de ses services ?

Sources :

Top News Nasser kandil

 topnews-nasserkandil.com

Vidéo You Tube : Russia Today arabic

Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal

Notes :

(1) Un Su-24 russe abattu par les Turcs au dessus de la Syrie

 almanar.com.lb

(2) Syrie : de Vienne 1 à Vienne 2, un champ de mines ?

 reseauinternational.net

(3) Quelle coalition voulons-nous face à Daech ?

 comite-valmy.org

(4) Attentats de Paris: la France obtient une résolution au Conseil de Sécurité

 mondialisation.ca

(5) Obama : "Nous devons faire davantage" avec la France

 france24.com

La source originale de cet article est  topnews-nasserkandil.com

 mondialisation.ca