Par J.-P. Laguiole
Cela fait 6 mois qu'ils nous bassinent avec leur COP21, leur réchauffement climatique, leur taux de CO² dans l'atmosphère... Je ne me sens pas concerné. Je vous explique pourquoi. La COP21, elle commence à me sortir par les yeux... et par ailleurs aussi. Surtout depuis que j'ai appris sur France2 que 200 travailleurs détachés venus de Pologne, Slovaquie, Roumanie, œuvraient sur le chantier qui doit accueillir l'événement. [1]
Tu parles Charles ! C'est vachement écolo d'importer des travailleurs d'Europe de l'Est dans leurs véhicules utilitaires diesel hyper polluants plutôt que de faire bosser des gens du 93, le département où se tiendra la COP21, gangrené par le chômage. Quelle cohérence. Ça commence fort !
Pourquoi le réchauffement climatique ne me concerne pas ? Même que j'en ai rien à battre pour tout vous dire ! Parce que j'ai déjà considérablement réduit mon empreinte écologique et climatique depuis que je suis chômeur longue durée. Il y a peu, je disposais encore d'une bagnole que j'ai été contraint de mettre à la casse n'ayant plus les moyens de l'entretenir et d'en supporter l'assurance. Faut dire qu'après 120.000 kilomètres de bons et loyaux services, ses gaz d'échappement explosaient les normes anti-pollution (c'était pas une Volkswagen). À la poubelle Titine !
Même topo pour la viande (la production bovine est l'une des principales sources d'émission de gaz à effet de serre. Trois ou quatre fois plus que le transport aérien). Quand je bossais, j'engloutissais de la barbaque bien rouge, bien saignante, au déjeuner et au dîner. Depuis que je suis au chomdu, je ne m'en accorde qu'une fois par semaine. À 22 euros le kilo, ça coupe l'appétit ! Parlons de mon habitat. La baraque où je crèche est une vraie passoire thermique. Je n'ai pas les moyens de l'isoler convenablement. Alors, je compense. La plupart du temps, je ne me chauffe plus, sauf lors des périodes de grand froid évidemment. Mais mon thermomètre affiche rarement plus de 17°C et uniquement dans la pièce que j'occupe. Les autres ne dépassent jamais les 14-15°C en hiver.
Tout bien réfléchi, le réchauffement climatique est une aubaine. Il me permettra de réaliser de substantielles économies sur mes factures de fuel et d'électricité. J'ai même décidé de me passer d'eau chaude pour faire ma vaisselle ou laver quelques fringues. De mars à novembre, j'éteins mon cumulus, je prends des douches froides. Je peux vous assurer que ça réveille son bonhomme le matin. Ça requinque ! C'est bien simple, je ne suis plus jamais malade en hiver. Pas un rhume, une bronchite, une angine ou une grippe. Une bonne douche glacée tétanise bactéries et virus plus sûrement que les antibiotiques. Je vous recommande ce traitement de choc. Et l'avion, hein l'avion ? Il m'arrivait de le prendre plusieurs fois par an quand je bossais. Pour les vacances aussi. Depuis que j'ai touché le fond, je ne m'envoie plus en l'air.
Mais surtout, je n'y crois pas du tout à leur COP21. C'est quoi l'objectif ? Limiter à deux degrés le dérèglement climatique d'ici la fin du siècle alors que les prévisions de hausse sont de 5°C si on ne fait rien ? Moi, je ne vois pas comment c'est réalisable sur une planète où tous les habitants aspirent à rouler en bagnole, prendre l'avion, se chauffer convenablement, bouffer plus de viande... Ce sont tous les fondamentaux du développement économique qu'il faudrait repenser. On en est à des années-lumière puisqu'on ne parle que de croissance, de pouvoir d'achat et de consommation... de bagnoles, d'ordinateurs, de chauffage, de viande...
Imaginez-vous qu'en Chine, les prévisions tablent sur 6.000 avions moyen-courrier supplémentaires qui relieront les grandes métropoles du pays. Les nouvelles technologies permettraient, dit-on, de réduire la consommation des réacteurs de 10 à 15 % prochainement. Seulement voilà, le parc d'aéroplanes chinois va doubler d'ici 2050. Réduction de 10 % d'un côté (quel exploit !), augmentation de 100 % de l'autre. Elles sont où les économies de kérosène ? Et puis, un aspect fondamental semble échapper à nos Bonnes Consciences climatologiques : la démographie. Combien serons-nous sur Terre en 2100 : 12 milliards, 14 milliards ?
Je pose l'équation suivante. Soit 7 milliards d'êtres humains (population actuelle) qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2050. Cet effort sera aussitôt effacé par la croissance démographique sur la même période, puisque nous devrions être près de 10 milliards dans 35 ans. D'un côté, on réduit l'empreinte climatique de chacun (-20 % ou -30 % si ça vous chante). De l'autre, la population mondiale augmente de 40 à 45 %... consomme de plus en plus, s'équipe de voitures, voyage en avion, se chauffe, mange (mieux et plus)...
J'ai le sentiment que d'ici 2050, je n'aurai plus besoin de me chauffer. Voilà la seule perspective encourageante que j'entrevois.
J.-P. Laguiole