10/01/2016 reporterre.net  9 min #107102

Notre-dame-des-landes : face à la pression policière, les paysans décident de lever le camp de Cheviré

Notre-dame-des-landes : les paysans ont levé le camp de Cheviré, le mouvement se retrouve à la Zad

Le blocage du périphérique nantais par plus de 80 tracteurs a prolongé samedi après-midi le grand rassemblement populaire au pont de Cheviré, à Nantes. Dans la nuit, face à des CRS surarmés, les paysans ont décidé de lever le camp pour éviter la violence. Une cinquantaine de tracteurs ont rejoint la ZAD, où une assemblée a lieu dimanche après-midi.

Actualisation - Dimanche, 12h45 - Dans la nuit, les tracteurs ont quitté le camp, dans des conditions difficiles, sous les gaz lacrymogènes des policiers, lancés alors qu'aucune action violente ou provocatrice n'avaient lieu. Une cinquantaine de tracteurs ont rejoint la Zad de Notre-Dame-des-Landes, près de La Vache Rit, centre de la zone et de la lutte. Toutes les composantes du mouvement discutent dimanche après-midi de la poursuite des mobilisations. En tout cas, dit un paysan, Dominique Lebreton, "ce qui s'est passé est une victoire. Nous avons monté un rassemblement extraordinaire avec seulement une semaine d'organisation. Et il n'y a eu aucune violence".

Actualisation - Samedi 9 janvier, 23 h 45 - Alors que le campement a été rangé en une demie heure et que les tracteurs commençaient à partir, les CRS ont lancé des grenades lacrymogènes des deux côtés et ont actionné les canons à eau.

Actualisation - Samedi, 23 h 27 - Au vu des moyens déployés - notamment des engins capables de lever des tracteurs - et de la volonté d'affrontement des forces gouvernementales - CRS en "robocop", s'approchant à quelques mètres des tracteurs -, les paysans ont décidé, en négociation avec la préfecture de Loire-Atlantique, de lever le camp. Barnums, tables et autres matériels de camp sont en train d'être rangés, et les tracteurs se préparent au départ. Ils vont se diriger vers la Zad de Notre-Dame-des-Landes : "Ce n'est pas une défaite, nous dit Mathieu Courgeau, de la Confédération paysanne, c'est un repli stratégique".

Actualisation - Samedi, 23 h 15 - Les CRS encerclent le camp de blocage. Du matériel lourd a été apporté, notamment des camions à eau et des projecteurs. Les assiégés semblent étonnés de la rapidité de réaction des forces de l'ordre, ils escomptaient une nuit relativement tranquille.

Nantes, reportage

A 21 heures, samedi 9 janvier, plus de 80 tracteurs, des paysans, et des citoyens venus les soutenir, bloquent le périphérique nantais au niveau de l'échangeur de Bouguenais. Ils affirment vouloir rester là jusqu'à ce que le président de la République réponde à leur demande de ré-examen du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Une barrière s'organise dans la soirée

Le périphérique est donc bloqué dans les deux sens sur trois bons kilomètres, ce qui bloque l'accès sud du pont de Cheviré sur les deux voies. Une bonne centaine de tracteurs, de camions et des remorques agricoles soigneusement imbriquées bloquent tout passage. Un grand feu a été allumé avec des branchages sur une voie. Une cantine est en place sous un des cinq barnums installés : "On peut nourrir 400 personnes", dit une militante.

Cette action spectaculaire a démarré dans l'après-midi, à l'issue de la manifestation pleinement réussie qui a bloqué une large portion du périphérique et le pont de Cheviré. Ce grand pont traverse la Loire à l'ouest de l'agglomération, dont il constitue un point vital pour la circulation.

Les paysans, réunis dans le Copain 44 (Collectif des organisations professionnelles agricoles INdignées par le projet d'aéroport), avaient décidé mercredi soir de prolonger le blocage. Ils ne l'ont révélé que dans l'après-midi de ce samedi, créant la surprise. Ce ne sont donc pas les zadistes - faussement présentés par les politiciens de LR et du PS comme des « ultra-violents » - qui engagent le rapport de force, ni les opposants associatifs ou élus, mais les paysans. Ceux-ci ont été choqués par le lancement d'une procédure juridique visant à l'expulsion des quatre agriculteurs qui vivent historiquement sur la Zad ; cette procédure a été lancée par le promoteur Vinci, le porte-parole d'AGO-Vinci, Jean-François Bernard  annonçant agir « à la demande de l'Etat ». Si le tribunal de Nantes accédait, le 13 janvier, à la demande de la multinationale, les quatre paysans devraient partir, sous peine d'une astreinte financière de 200 ? par jour. Cette attaque vise le cœur historique de la lutte et symbolise le mépris dans lequel le pouvoir tient l'activité agricole. « Cela a été un mauvais coup sur la tête », dit Dominique Fresneau, porte-parole de l'Acipa, et cousin d'un des paysans visés par les promoteurs de l'aéroport, Sylvain Fresneau.

Mais dès l'annonce de la procédure, la veille du 1 janvier, les associations d'opposants ont préparé une action spectaculaire, le blocage du Pont de Cheviré. Celui-ci s'est déroulé samedi 9 janvier à partir de midi : plus de 400 tracteurs sont venus de toute la région, convergeant avec une tracto-vélo venue de la Zad et des personnes de Nantes et d'ailleurs venues à pied. Cette occupation, réalisée dans la tranquillité - les forces de police étant invisibles - et la bonne humeur, a été pleinement réussie (Reporterre vous la racontera ce dimanche 10).

Mais mercredi 7 janvier, le Copain 44, réuni de son côté, avait pris la décision de prolonger cette action par une occupation continue du terrain, qui a donc commencé dans la foulée du blocage du Pont de Cheviré.

« Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles »

Le porte-parole de Copain 44, Vincent Delabouglise, explique le sens de l'action engagée :

Vincent Delabouglise près du pont de Cheviré, à Nantes

Vincent Delabouglise - « Nous avons fait une requête très claire à Monsieur Hollande, à cette heure-ci (16h00), on n'a obtenu aucune réponse. La détermination paysanne est totale, la colère est très grande, on reste là et on attend une réponse de M. Hollande. Il a intérêt à nous répondre rapidement, car plus il attend, plus la colère monte. Il faut qu'il prenne la mesure de ce qui peut se passer.

Reporterre - A-t-il reçu le message clairement ?

Il y a eu un certain nombre de communications, et un comité de crise s'est réuni ce matin à l'Elysée, donc je pense qu'il est au courant.

Vers quelle heure attendez-vous une réponse ?

Quand ils veulent. Dès qu'on a obtenu nos exigences, on lève le camp.

Et s'il n'y a pas de réponse ?

Et bien ils verront. Mais ils prennent leur risque. Il faut arrêter de jouer, de nous prendre pour des imbéciles et de nous balader. On n'est pas aujourd'hui sur des questions futiles, on est sur du fond, sur des enjeux de société, qui concernent tout le monde. Nous, on ne lâchera pas. Ca fait sept ans qu'on demande une rencontre pour aborder le sujet sur le fond, et voir comment on peut en sortir, on n'a jamais reçu de réponse. La seule réponse, c'est des référés, c'est des forces de l'ordre.

S'ils envoient des forces de l'ordre pour dégager les tracteurs, ce serait sans doute de manière vigoureuse, voire violente. Les membres de Copain 44 sont-ils prêts à tenir face à ça ?

On ne résistera pas à des bulldozers. Il faut simplement qu'ils assument l'image que ça va donner. On est quatre cents tracteurs aujourd'hui, ce n'est qu'une petite partie de ceux qui pourraient se libérer. Si ça tournait à une tentative de nous virer par la force, beaucoup seraient prêts à venir pour nous aider. On est une tête de pont ici. Je pense pouvoir dire que la mobilisation serait intersyndicale large. Car là, on est sur une action paysanne, c'est vraiment les paysans qui bloquent.

MANIFESTATIONS DE SOUTIEN A MARSEILLE ET A TOULOUSE

Une manifestation de soutien aux résistants de Notre-Dame-des-Landes s'est déroulée dans l'après-midi à Marseille, nous signale Pascal Hennequin, de Fokus 21,  qui a photographié la mobilisation.

A Marseille, soutien à la Zad

A Toulouse, nous indique notre correspondante Marine Vlahovic, une centaine de manifestants s'est rassemblée en soutien à la lutte de NDDL samedi après-midi. Ils ont dressé un buffet sur le parvis de la cathédrale Saint-Etienne, à deux pas de la Préfecture. Un rassemblement gourmand et militant sous haute surveillance : pas moins d'une centaine de policiers étaient mobilisés pour l'occasion. CRS, BAC, Renseignements territoriaux et même DGSI ont regardé pendant trois heures les manifestants manger, parler et chanter "Vive la Zad, vive la Zad de Notre-Dame-des-Landes". Le rassemblement s'est dispersé dans le calme.

A Toulouse, pique-nique joyeux et chantant

A Paris, samedi matin, un rassemblement a eu lieu devant et à l'intérieur de la gare Montparnasse, la gare qui dessert la région ouest - et d'où partent les trains vers Nantes, entre autres. Les banderoles étaient rouges, comme les "lignes rouges"  posées à la fin de la COP 21 pour signifier qu'il y a des lignes à ne pas franchir, si on veut préserver un climat vivable pour les humains.

A Paris, Notre-Dame-des-Landes est une « ligne rouge » à ne pas franchir

A Albi, un rassemblement a eu lieu samedi après-midi devant la préfecture du Tarn, à l'initiative du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet.

A Albi devant la préfecture

Source : Hervé Kempf pour Reporterre, avec Maëlle Ausias, Nicolas de La Casinière, Pascal Hennequin, Marine Vlahovic.

Photos :
chapô : tracteurs sur le pont de Cheviré, samedi après-midi (© Hervé Kempf/Reporterre).
lacrymogènes :  Louis Witter
dans la nuit :  Valentin
projecteurs de la police :  Louis Witter
barrière dans la soirée : © Maelle Ausias/Reporterre
Vincent Delabouglise : © Hervé Kempf/Reporterre
Marseille : ©  Fokus 21.)
Toulouse : © Marine Vlahovic/Reporterre
Paris :  Vélorution Ile-de-France
Albi :  Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet (envoi par courriel).

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