Ali Abunimah
Un groupe d'intellectuels et de militants renommés défient la répression du gouvernement français sur le mouvement de solidarité avec la Palestine, en appelant publiquement au boycott des produits israéliens.
Des manifestants défiant une interdiction de manifester pour la Palestine à Paris, tiennent une bannière disant "Stop au chantage : l'anti-sionisme n'est pas de l'antisémitisme" - Photo : Flickr/Alain Bachellier
Cette initiative est prise après que le Premier ministre français ait annoncé que son gouvernement allait intensifier ses restrictions sur la liberté d'expression, visant en particulier la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions ( BDS).
« Ce mouvement de boycott qui connaît un succès croissant dans le monde entier est le seul moyen non-violent de faire pression sur Israël, » dit la déclaration des personnalités publiques sur le site Mediapart.
« Ce mouvement pour le boycott rencontre un succès croissant dans le monde, en tant que seul moyen non-violent de faire pression sur Israël. Il permet à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent de manifester pacifiquement leur solidarité et de protester par là-même contre le traitement de faveur dont bénéficie ce pays de la part de la communauté internationale en dépit de ses violations constantes du droit international. », ajoute le rapport.
« C'est pourquoi nous appelons à soutenir et renforcer le mouvement BDS et à boycotter les produits israéliens. »
Répression juridique
Les signataires font leur appel au mépris d'une décision prise en octobre par la Cour de cassation.
La plus haute cour d'appel pénale française a confirmé la condamnation d'une douzaine de militants du mouvement de solidarité pour la Palestine, pour avoir appelé publiquement au boycott des produits israéliens.
Cela fait de la France, en plus d'Israël, le seul pays au monde à pénaliser les appels à ne pas acheter les produits israéliens.
Mais la loi française, qui comprend des sanctions pénales, est sans doute plus sévère que celle d'Israël puisque cette dernière prévoit que les partisans du boycott soient poursuivis et financièrement pénalisés, mais pas emprisonnés.
La décision de la Cour de cassation a ajouté aux préoccupations croissantes concernant la sévère répression sur la liberté d'expression mise appliquée par le président français Hollande, depuis les assassinats de journalistes dans les bureaux du magazine Charlie Hebdo en janvier à 2015.
Nouvelles mesures répressives
Le premier ministre Manuel Valls a intensifié la campagne gouvernementale et les menaces de répression contre les partisans des droits des Palestiniens.
Dans un discours devant le lobby pro-israélien du CRIF ce lundi, Valls a déclaré que son gouvernement allait prendre de nouvelles mesures pour interdire les manifestations en appui à la campagne BDS.
« Nous sommes passés de la critique d'Israël à l'anti-sionisme et de l'anti-sionisme à l'antisémitisme », a éructé Valls.
« Nous prendrons des mesures, » a-t-il annoncé, « qui démontrent que cela suffit et que tout n'est pas permis dans notre pays. »
Valls a ajouté qu'il allait livrer des détails bientôt et consulter le ministre de l'Intérieur.
Le mois dernier, Valls a averti que la critique radicale de l'idéologie [raciste et colonialiste] de l'État sioniste d'Israël était considérée comme de l'antisémitisme.
« Une indignité »
La déclaration des personnalités françaises qualifient la décision du tribunal en octobre - qui reposait sur une loi anti-discrimination - une « indignité », en particulier à la lumière des fortes prétentions de la France d'être le plus grand défenseur au monde de la liberté d'expression.
« Cette loi est supposée protéger une personne ou un groupe de personnes victimes d'une discrimination à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion », dit la déclaration.
« Elle ne prévoit nullement de protéger la politique d'un État contre une critique citoyenne, lorsque cette critique prend la forme d'un appel au boycott de produits » est-il encore dit.
« Nous ne nous plierons pas à la décision de la Cour de cassation », déclarent les signataires.
Appel paru sur le site de Mediapart
De nombreuses associations s'indignent de la décision de la Cour de cassation du 20 octobre 2015, qui a déclaré illégal l'appel à boycotter des produits israéliens. Voici un nouvel appel signé par plusieurs militants, intellectuels et responsables politiques en défense de la campagne BDS lancé par les Palestiniens le 4 juillet 2005.
Nous ne nous plierons pas à la décision de la Cour de cassation du 20 octobre 2015 ! Le 20 octobre 2015, par deux arrêts, la Cour de cassation a déclaré illégal l'appel à boycotter des produits israéliens et confirmé la lourde condamnation de plusieurs militants du mouvement Boycott désinvestissement sanctions (BDS). Elle a utilisé pour cela, un article de la loi de la presse qui évoque le délit de « ? provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée ? ».
Cette décision est plus qu'étonnante, elle est scandaleuse. Cette loi est supposée protéger une personne ou un groupe de personnes victimes d'une discrimination à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Elle ne prévoit nullement de protéger la politique d'un Etat contre une critique citoyenne, lorsque cette critique prend la forme d'un appel au boycott de produits. A de nombreuses reprises, des organisations ont appelé dans le monde au boycott de la Birmanie ou de la Russie, de la Chine ou du Mexique, sans que soit jamais évoquée une telle clause.
En dépit de l'insistance du ministère de la justice, la plupart des juridictions françaises saisies ont refusé au cours de ces dernières années de considérer que l'appel au boycott de produits israéliens relevait d'une infraction pénale.
Avec la décision de la cour de Cassation, la France devient le seul pays démocratique du monde où une telle interdiction a été prise. Pour un pays qui, depuis un an, n'a pas cessé de se réclamer son attachement à la liberté d'expression c'est une situation d'autant plus paradoxale, qu'il est plus que probable que la Cour européenne des droits de l'Homme reviendra sur ce jugement malvenu. Même la cour de Cassation doit répondre de ses décisions et se conformer à des principes universels que sont, notamment, le droit d'expression.
Le mouvement BDS s'est créé dans un contexte de démission de la communauté internationale incapable de mettre un terme à la colonisation ni de protéger les Palestiniens des exactions quotidiennes que leur infligent armée et colons israéliens. Ce mouvement pour le boycott rencontre un succès croissant dans le monde, en tant que seul moyen non-violent de faire pression sur Israël. Il permet à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent de manifester pacifiquement leur solidarité et de protester par là-même contre le traitement de faveur dont bénéficie ce pays de la part de la communauté internationale en dépit de ses violations constantes du droit international. C'est pourquoi nous appelons à soutenir et renforcer le mouvement BDS et à boycotter les produits israéliens.
Les signataires :
Ahmed Abbes, Directeur de recherche au CNRS, Paris
Sihame Assbague, militante associative
Etienne Balibar, Professeur émérite, Université de Paris-Ouest Nanterre
Saïd Bouamama, sociologue
Rony Brauman, médecin, essayiste
Sonia Dayan, Professeure émérite à l'Université Paris Diderot-Paris7
Christine Delphy, sociologue, cofondatrice de Nouvelles Questions Féministes
Alain Gresh, journaliste
Nacira Guénif, sociologue, Université Paris 8
Christian Salmon, écrivain
Azzedine Taïbi, maire de Stains
Marie-Christine Vergiat, députée européenne
* Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.
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20 janvier 2016 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
electronicintifada.net
Traduction : Info-Palestine.eu