Mohammed Dahlan, homme fort palestinien en exil et intermédiaire favori des Émiratis, était en contact avec Fethullah Gülen, le prédicateur au centre des soupçons, selon des sources turques
Mohammed Dahlan entretiendrait des liens étroits avec le prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed al-Nahyane
Le gouvernement des Émirats arabes unis a collaboré avec les conspirateurs du coup d'État turc plusieurs semaines avant son lancement, se servant du responsable du Fatah en exil Mohammed Dahlan comme intermédiaire avec Fethullah Gülen, le prédicateur basé aux États-Unis que la Turquie accuse d'avoir orchestré le complot, ont affirmé des sources proches d'un des services de renseignement turcs.
Dahlan est accusé d'avoir transféré de l'argent aux conspirateurs du coup d'État en Turquie dans les semaines qui ont précédé les faits et d'avoir communiqué avec Fethullah Gülen, l'ecclésiastique accusé par la Turquie d'avoir orchestré la tentative de coup d'État, par l'intermédiaire d'un homme d'affaires palestinien installé aux États-Unis.
L'identité de cet homme, un proche de Dahlan, est connue du service de renseignement turc.
Tout au long de la nuit du coup d'État, le 15 juillet, des médias panarabes basés à Dubaï tels que Sky News Arabic et Al-Arabiya ont rapporté que le coup d'État contre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Parti pour la justice et le développement (AKP) au pouvoir avait réussi.
À un moment donné, les médias influencés par les Émirats arabes unis ont affirmé qu'Erdogan avait fui le pays, mais rien ne laisse penser que ces médias aient été impliqués dans le coup d'État.
Il a fallu attendre seize heures, soit une heure après une déclaration faite par l'Arabie saoudite, pour que le gouvernement émirati finisse par condamner le coup d'État et soutenir Erdogan en tant que président légitime de la Turquie.
Selon des sources les Émirats ont ensuite pris peur et lancé une opération visant à se distancier de Dahlan.
Le pays a fait part de sa « colère contre Dahlan » sur les médias sociaux. Peu de temps après, ce dernier a été contraint de quitter les Émirats ; il se trouverait actuellement en Égypte.
Dahlan, ancien chef du parti politique palestinien Fatah qui a été exilé de Gaza et de Cisjordanie, entretiendrait des liens étroits avec le prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed al-Nahyane.
Il est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire pour les fonds et les communications des Émirats dans de nombreuses opérations au Moyen-Orient. MEE a rapporté en mai que les Émirats arabes unis, la Jordanie et l'Égypte avaient identifié Dahlan comme un favori à la succession de l'actuel leader du Fatah, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Dahlan est également lié à des efforts visant à attiser la guerre civile en Libye. Dans un enregistrement secret, Abbas Kamel, alors responsable du bureau du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a révélé que Dahlan allait secrètement se rendre en Libye en jet privé, accompagné de trois personnes.
Kamel a recommandé qu'un responsable militaire autorise Dahlan à quitter l'aéroport libyen en secret. D'après Kamel, Dahlan avait déjà posé un problème pour les autorités égyptiennes, parce qu'il se déplace « sur les ordres des Émirats arabes unis, qui surveillent tous ses mouvements ».
Depuis l'échec du coup d'État, les Émiratis ont essayé de se réconcilier avec Ankara. Le pays a placé en détention à l'aéroport international de Dubaï deux généraux turcs opérant en Afghanistan qui étaient soupçonnés d'être liés au coup d'État.
Mehmet Cahit Bakir, général en première ligne dans le commandement de la force opérationnelle turque en Afghanistan, et Şener Topuç, brigadier-général à la tête du commandement des missions d'entraînement, de conseil et d'assistance à Kaboul, ont été renvoyés à Ankara.
Les Émiratis appréhendent encore plus une réaction à la suite de la purge menée par Erdogan au sein de l'armée turque.
« Ils sentent désormais qu'Erdogan est en pleine possession de ses moyens, a indiqué une source bien informée. Ils ne l'apprécient pas sur le plan personnel et le voient comme un homme qui cherchera à se venger. Une fois qu'Erdogan aura nettoyé les écuries, ils pensent qu'il s'en prendra alors à ceux qui ont soutenu le coup d'État à l'extérieur du pays. »
Au total, 126 généraux de l'armée ont été arrêtés dans le cadre de la tentative de coup d'État, soit environ un tiers de l'ensemble des généraux des forces armées turques.
Les révélations portant sur les conversations entre Dahlan et un homme d'affaires palestinien aux États-Unis avant le coup d'État pourraient également accentuer la pression sur Washington pour que le pays étudie la demande d'extradition de Gülen formulée par la Turquie.
Les ministres turcs des Affaires étrangères et de la Justice devraient se rendre en personne aux États-Unis pour exiger l'extradition de Gülen ; toutefois, pour que cette demande aboutisse, ils doivent présenter à un juge américain des éléments de preuve prima facie pour appuyer la liste d'accusations criminelles, ainsi que des preuves que des chefs d'accusation similaires existent en vertu du droit américain.
Si les charges passent cet obstacle, Gülen pourrait encore se défendre en faisant valoir que les charges sont de nature politique et qu'il n'aurait pas la garantie de connaître un procès équitable en Turquie. Environ 2 700 juges ont été démis de leurs fonctions à l'issue du coup d'État.
David Hearst | 29 juillet 2016
Traduit de l'anglais : original
Source: MEE
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