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Les relations entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Barack Obama sont envenimées et irrémédiablement compromises. C'est donc une bonne chose que Obama quitte ses fonctions le 20 janvier. Les mauvaises relations russo-US ne sont évidemment rien de nouveau. Elles ont commencé à se détériorer depuis la guerre anglo-américaine contre l'Irak en 2003. Pour Obama, il semble que tout soit devenu personnel. Le président US se comporte souvent comme un adolescent irritable, jaloux d'un rival de lycée. Vous savez, le gamin qui fait tout mieux que lui. Le prenant mal, il ne le laissera pas continuer. Il défie son ennemi dans une nouvelle compétition à chaque occasion pour perdre qu'encore et encore. Ça doit être dur pour l'ego. Entre Obama et Poutine, il y a eu de nombreuses confrontations. Cela n'aide pas non plus que les caricaturistes occidentaux tournent si souvent Obama en ridicule, le montrent dépassé par les événements par rapport à Poutine.
Observons les remarques de Obama lors de sa dernière conférence de presse, vendredi 16 décembre. « Les Russes ne peuvent pas nous changer ou nous affaiblir de manière significative, » a dit Obama, « Ils sont un plus petit pays. Ils sont un pays plus faible. Leur économie ne produit rien que quiconque veuille acheter, sauf du pétrole et du gaz et des armes. Ils n'innovent pas. » C'était insultant à la fois pour Poutine et son pays, mais pas assez apparemment pour Obama. « Ils [les Russes] peuvent avoir prise sur nous si nous perdons le sens de qui nous sommes. Ils peuvent avoir une influence sur nous si nous délaissons nos valeurs. M. Poutine peut nous affaiblir, tout comme il essaie d'affaiblir l'Europe, si nous commençons à penser qu'il est acceptable d'intimider la presse, d'enfermer les dissidents ou de discriminer les gens à cause de leur foi ou de leur apparence. »
De quoi parle M. Obama ? Intimider la presse ? Les journaux et la télévision de Moscou sont remplis de « libéraux ». Beaucoup de Russes les appellent « les cinquièmes chroniqueurs ». Selon un collègue de Moscou, ce sont « des gens dotés d'une vision du monde 'des plus avancées', ne tolérant pas eux-mêmes la 'propagande russe'. » Mais M. Poutine les tolère et n'y prête pas attention.
« Enfermer les dissidents... discriminer les gens » ? Dans quel monde parallèle vit M. Obama ? Ne produit rien que les gens veuillent acheter ? Les USA achètent les moteurs de fusée qu'ils ne produisent désormais plus chez eux. Les Étasuniens peuvent peut-être se passer de la technologie russe et utiliser des trampolines de haute technologie pour aller dans l'espace, a blagué un auteur russe.
Lors d'une interview la veille à la Radio Publique Nationale, Obama a fulminé contre Poutine. Il devait peut-être répéter pour sa conférence de presse. Obama a dit : « C'est quelqu'un, ancien chef du KGB, qui est responsable d'étouffer la démocratie en Russie... de contrer à chaque fois les efforts US visant à étendre la liberté ; il prend des décisions qui vont droit vers un massacre en Syrie. » Quelle stupéfiante hypocrisie ; quel non-sens absolu. Poutine était lieutenant-colonel au KGB, mais jamais à sa tête, et il n'a certes pas « étouffé la démocratie en Russie ». Il traite même l'opposition politique avec respect par rapport à Obama qui rejette le président élu Donald Trump comme si c'était une sorte de candidat mandchou russe. Les Russes, selon Obama, ont interféré dans les élections présidentielles US, et ont contribué à la défaite de la démocrate Hillary Clinton. Ils ont piraté le disque dur du Comité national démocrate et ont transmis des milliers de courriels à WikiLeaks, bien que, selon d'autres, un initié scandalisé par Clinton a divulgué la mémoire-cache des courriels embarrassants. Obama a fait fi de cette possibilité. Les Russes ont piraté, insiste-t-il, et Poutine doit être tenu personnellement responsable.
Où sont les preuves ? À Moscou, un Poutine coléreux a interpellé Obama, lui disant d'agir ou de l'écraser à jamais. C'est dur à faire pour Obama. Les Russes, dit-il, contrent « à chaque fois les efforts US visant à étendre la liberté. » On se demande bien où il a vu ça. En Ukraine, là où les USA et l'Union Européenne ont financé et dirigé le coup d'État contre le gouvernement ukrainien démocratiquement élu ? Ou en Syrie, où les USA et leurs vassaux otaniens et régionaux font la guerre contre le gouvernement légitime de Damas en sponsorisant les terroristes djihadistes ? Combien de gouvernements démocratiques ou de mouvements politiques soutenus par le peuple ont fait l'objet de complot ou ont été détruits par les USA depuis 1945 ? La longue liste inclut l'élection présidentielle russe de 1996.
Obama a franchement évoqué la question de la Syrie lors de son entrevue avec la Radio Publique Nationale. La libération d'Alep-Est des griffes d'Al-Qaïda et des autres djihadistes a rendu l'Occident furieux. À la honte éternelle de la France, la Tour Eiffel a été enténébrée pour pleurer la défaite d'Al-Qaïda. Les médias dominants sont outrés. La Russie, l'Iran, le Hezbollah, les milices palestiniennes et irakiennes, ont aidé l'armée arabe syrienne à nettoyer Alep des terroristes djihadistes et à déjouer les USA et leurs vassaux. Ce qui irrite Obama, c'est que ses tactiques ont été déjouées par un plus petit homme que lui et par un pays moins important que les USA. Qualifier la libération d'Alep-Est de « massacre en Syrie », est d'un niveau affligeant.
La frustration d'Obama est née il y a plusieurs années. Vous souvenez-vous du régime US lançant en 2013 sa campagne de propagande sur les armes chimiques syriennes et avertissant de ne pas franchir les « lignes rouges » ? Le régime US est apparemment passé à deux doigts de lancer de massives attaques aériennes contre la Syrie. Poutine est intervenu et le gouvernement syrien a renoncé à ses armes chimiques, éliminant ainsi le prétexte de l'intervention US. La presse a vu avec joie Poutine aider Obama à se sortir de son propre bourbier. Pendant ce temps, essayant de détourner les USA de leurs politiques ruineuses, Poutine a continué à conseiller vivement que les Russes et les Étasuniens coopèrent contre les djihadistes en Syrie. En vain. Qui donc a montré les plus grandes de qualités d'homme d'État, Poutine ou Obama ?
Momentanément contrarié en Syrie, les USA ont ouvert un nouveau front sur la frontière sud de la Russie, en Ukraine. Ils ont financé le coup d'État à Kiev et fermé les yeux sur l'avant-garde fasciste qui maintient au pouvoir la nouvelle junte ukrainienne. Pensant que l'OTAN avait remporté une belle victoire en mettant la patte sur Sébastopol pour pouvoir chasser la flotte russe de sa base traditionnelle en mer Noire, les responsables à Washington ont déclaré : « Les fascistes ne sont que quelques brebis galeuses. »
Vous devez faire confiance à Obama ; ambitieux, il aspirait à un grand prix et s'efforçait d'humilier la Russie et son président. Il a une fois de plus été déjoué, non pas tant par le président Poutine que par les Russes de Crimée, qui ont immédiatement mobilisé leurs unités d'autodéfense locales soutenues par des « gens polis », des marines russes stationnés à Sébastopol, pour chasser les Ukrainiens avec à peine un coup de feu tiré. Ils ont organisé un référendum pour ratifier leur entrée dans la Fédération de Russie. Promptement approuvée par la grande majorité, la réunification a été célébrée à Moscou. Poutine a tenu un discours remarquable de sincérité pour expliquer la position russe : « L'OTAN reste une alliance militaire et nous ne voulons pas d'un truc pareil directement chez nous, à notre porte ou sur notre territoire historique. Je ne puis tout simplement pas imaginer aller visiter les marins de l'OTAN à Sébastopol. La plupart d'entre eux sont naturellement des gars merveilleux, mais il serait préférable qu'ils viennent nous rendre visite, soient nos invités, plutôt que l'inverse. »
Tout s'est produit si vite ; Obama doit avoir regardé, ahuri, postillonnant avec la colère de la frustration d'avoir été déjoué par les Russes de Crimée qui, après tout, savaient une chose ou deux au sujet d'« innover » et de défendre leurs terres. Les Russes de l'Ukraine orientale ont aussi résisté en prenant les armes pour se défendre contre les bataillons fascistes de Kiev.
C'en était trop. Poutine est devenu l'ennemi d'Obama. Le président US a contre-attaqué par des sanctions économiques, rapidement appuyées par ses vassaux européens. Quand le vol MH17 de la compagnie aérienne de Malaisie a été abattu au-dessus de l'Ukraine orientale, sans la moindre preuve, Obama et l'UE ont aussitôt accusé Poutine d'en être responsable. En fait, les éléments de preuve disponibles indiquent que la junte de Kiev est la partie coupable, mais les médias dominants n'y ont prêté aucune attention. Dans l'intention de saboter l'économie russe et de briser le gouvernement russe, ils ont orchestré une campagne de propagande qui a entraîné des sanctions plus dures contre la Russie.
Obama et ses conseillers se sont de nouveau trompés dans leurs calculs. Le gouvernement russe a instauré ses propres sanctions contre l'UE, cherché de nouvelles sources de ravitaillement ou remplacé les importations étrangères par des produits russes. « On peut se passer des pommes polonaises et du fromage français, » pensaient la majorité des Russes. Les « libéraux » faisaient la tête à cause de la perte de leur camembert, mais c'est un petit prix à payer pour l'indépendance russe. Obama a été surpassé en finesse par les Russes qui, insiste-t-il, sont incapables d'innover. Quant à l'UE, dans une banale histoire de se tirer une balle dans le pied, elle a subi d'énormes pertes économiques, à cause des sanctions ordonnées par les USA. Cela devenant une habitude, l'UE a reconduit ses sanctions contre la Russie.
La crise ukrainienne s'éternisant, Obama a dû détourner son attention de la Syrie. En automne 2015, Poutine a ordonné aux forces aérospatiales et navales russes d'intervenir au nom du gouvernement syrien, qui avait demandé de l'aide contre l'invasion djihadiste sponsorisée par l'Occident. Lentement, le cours de la bataille a tourné. Encore une fois, Obama a été pris au dépourvu ; encore une fois, le plan US visant à renverser le gouvernement syrien a été contrarié par l'ennemi d'Obama. Les USA ont tenté des trêves bidons pour permettre de rééquiper et réapprovisionner leurs mercenaires djihadistes. Au début, semblant ne pas piger, les Russes pensaient sincères les propositions US et les acceptaient. Ils ont dû apprendre à la dure, mais ils ont finalement pigé. La libération d'Alep-Est, bien qu'assombrie par la perte simultanée de Palmyre, est un autre coup à la politique d'Obama et à son fragile ego.
Comment ce « plus faible... plus petit pays » pourrait-il surpasser en finesse le tout-puissant M. Obama et le grand USA qui exerce l'hégémonie ?
Pas étonnant que le président US s'en prenne violemment à Poutine, l'insulte publiquement lui et son pays. Pas étonnant que les médias dominants soient outrés. Comment ce « plus faible... plus petit pays » pourrait-il damer le pion au tout-puissant M. Obama et aux grands USA qui exercent l'hégémonie ?
Comme l'URSS autrefois, la Russie a toujours dû appliquer la politique du faible, les politiques du pauvre dépourvu à jamais des ressources abondantes de l'adversaire occidental. Les Russes ont appris dès le début à innover. Le renard doit faire son chemin dans un monde plein de loups dangereux.
Ce que Obama doit haïr le plus, c'est le dévoilement par Poutine du soutien US à Al-Qaïda et à l'État islamique. Qui est vraiment responsable des massacres en Syrie ? Obama appelle ça la lutte pour la démocratie. « La démocratie des attaques aériennes », a répondu une fois Poutine l'air narquois. Choquant les médias dominants, en 2015, il lui a demandé à l'ONU « Réalisez-vous ce que vous avez fait ? » Manifestement pas, si l'on en juge par les remarques de Obama ces derniers jours. Il est toujours l'adolescent obsédé par des doutes sur lui-même et par un vrai homme d'État qui lui est supérieur. Dieu merci, Obama est sur le point de quitter la Maison Blanche. Ce n'est pas trop tôt. La célèbre remarque de Olliver Cromwell, en 1653 au Parlement Rump, paraît appropriée : « Vous avez siégé trop longtemps pour tout le bien que vous fîtes ces derniers temps... Je dis partez ; et laissez nous en finir avec vous. Au nom de Dieu, partez ! »
Michael Jabara Carley | 23 déc. 2016 | Strategic Culture Foundation,
Source: Réseau International