«Avant, toute l'Amérique écoutait les président élus, maintenant plus personne ne le fait.» L'écrivain russe Edouard Limonov se penche sur l'avenir du pays sous Donald Trump.
Diverses preuves d'un malaise profond des Etats-Unis, ainsi que de leur décrépitude arrivent de toutes parts.
L'une d'entre elle vue d'Europe, Federica Mogerini : «Les Etats-Unis sont divisés, fragmentés et peuvent perdre leur rôle de leader mondial [..]. Je n'ai jamais vu les Etats-Unis aussi polarisés, aussi partagés et accablés de conflits que maintenant. Cela pourrait devenir un facteur déstabilisateur pour le monde entier.»
Le chef du Pentagone, le ministre américain de la Défense, a appelé à dialoguer avec la Russie «en position de force».
«Nous restons ouverts aux possibilités de rétablir des relations de partenariat avec Moscou, tout en étant réalistes dans nos attentes, et nous offrons à nos diplomates la possibilité de négocier en position de force», a annoncé James Mattis à Bruxelles, lors de la réunion des ministres de la Défense des pays membres de l'OTAN.
Donald Trump a été obligé de licencier son conseiller à la sécurité Michael Flynn, parce que celui-ci aurait eu, avant même l'investiture de Trump, une conversation avec l'ambassadeur russe Sergueï Kisliak et discuté de la possibilité de lever les sanctions antirusses.
Selon la version de Michael Flynn, ce n'est pas des sanctions, mais de l'expulsion des 35 diplomates russes décidée par Barack Obama dont il avait été question, mais son sort a toutefois été décidé sur la base de ces accusations et de ces rumeurs. Michael Flynn a présenté sa démission, et Donald Trump a satisfait sa demande.
Mais même après sa démission, Michael Flynn, qui a déjà subi des reproches du public, n'a pas été laissé en paix, on essaie dorénavant de le poursuivre en justice.
Un titre dans le New York Times : Les conseillers de Trump ont contacté à de maintes reprises des officiers du renseignement russe. Après avoir lu l'article, on est convaincu qu'un conseiller s'est entretenu avec les Russes, mais que ces espions russes ne sont qu'une invention du journal.
«Un projet de loi a été proposé au Congrès, visant à interdire au président élu des Etats-Unis de lever les sanctions contre la Russie».
Un autre projet de loi prévoit de priver Donald Trump du droit de disposer de la valise nucléaire. On dirait qu'on peut s'attendre à ce qu'il soit déclaré fou, comme l'écrivain russe du XIXe siècle Piotr Tchaadaïev.
Les médias ont rapporté que les services du renseignement américain cachaient des informations à Donald Trump, de peur d'une fuite de ces donnés, portant notamment sur la surveillance d'Etats étrangers.
Et enfin, la conséquence d'une pression forte sur Donald Trump. Il cède à cette pression !
Sur son compte Twitter, Donald Trump a déclaré que le président Obama avait eu une attitude trop légère envers la Russie, lorsque la Crimée l'avait rejointe. «La Crimée a été annexée !», s'est exclamé Donald Trump.
Ces jours-ci, nous apprenons tout d'un coup que le Pentagone a l'intention d'envoyer des militaires au sol en Syrie ! Dites-donc ! Même Obama n'avait pas osé.
Un choc ! Un choc ! Et encore un choc.
On dirait qu'il a été mis au pas.
Ils évoquent de plus en plus souvent la possible destitution de Donald Trump, même si, autant que je sache, le processus de destitution ne peut être enclenché qu'après un an de présidence, pas plus tôt.
Mais ils crient : «Destitution !» Ils scandent : «DE-STI-TU-TION !»
ILS - ce sont les grands journaux, dont en premier lieu The New York Times, les grandes chaînes de télévision, à commencer par la puissante CNN, ils sont à couteaux tirés avec Trump. C'est une intelligentsia libérale américaine, qui est en effet presque la même que celle de la Russie - cosmopolite et hostile envers la simple population de ce simple pays.
Maintenant quelques idées sur ce qui se passe.
Pourquoi se sont-ILS tous liguées contre Trump A cause de la Russie ?
C'est à cause de la Russie qu'on dénigre Trump ?
Et non. Ce n'est pas pour son amitié avec la Russie qu'on le dénigre. Trump a des problèmes avec l'Amérique libérale, elle ne l'écoute pas.
On enlève à Trump le pouvoir. On veut l'affaiblir, et on y arrive.
Et en plus d'une catastrophe technique, il y a une catastrophe politique. Depuis le 11 février, il existe la menace de la rupture du barrage du lac d'Oroville, dans le nord de la Californie.
Donald Trump a dû y déclarer l'état d'urgence. Le gouverneur de Californie, Jerry Brown, a demandé au gouvernement fédéral une aide financière. Donald Trump a satisfait cette demande.
Ironie du sort, les électeurs de cet Etat, le plus grand des Etats-Unis, 55 au total, ont donné leur voix lors de l'élection présidentielle à Hillary Clinton.
Même si le barrage ne s'effondre pas, le nord de la Californie a déjà subi des dégâts considérable, trois districts ont été inondés et abandonnés, 200 000 personnes ont été évacuées, il faudra construire de nouvelles retenues. Ce sont des dépenses sérieuses pour l'Amérique.
Et celle-là n'est plus un pays qui vole à une vitesse stupéfiante vers l'avenir. Cela fait déjà quelques années qu'elle regarde avec envie la Chine, qui la dépasse sur sa voie vers l'avenir.
Ce n'est pas parce que la vie est belle que Donald Trump adresse des reproches aux pays de l'OTAN et les appelle à payer régulièrement les 2% de PIB pour les besoins militaires de l'OTAN. L'Amérique n'est plus capable de payer pour tout le monde.
Ce n'est pas qu'elle ne veut pas, elle ne peut pas. C'est la différence.
Les Etats-Unis ont toujours envie de se comporter de manière agressive sur le terrain de la politique internationale, mais ils ne peuvent pas, ils n'ont plus de forces. C'est ça le problème.
Donald Trump est venu avec la volonté de changer le comportement des Etats-Unis. Mais comme on le voit, on ne le laisse pas faire. On lui colle au nez le sempiternel penchant américain pour le gaspillage, dont l'Amérique n'a aujourd'hui plus les moyens d'entretenir. Vas-y, petit président, suis ces rails tant de fois empruntés, sinon, on te destituera !
Chose surprenante, ce roux insolent les écoute, ces libéraux réunis et les volatiles abattus de son propre parti, ces faucons américains tels John McCain.
Mener un combat en Syrie contre le califat ? L'Amérique en ressortirait le nez en sang - mener une guerre contre les fanatiques religieux, pour qui la mort est une joie ? Peine perdue, mesdames et messieurs !
Qu'est-ce que je veux dire ?
Pour la première fois il y a un président raisonnable, qui a compris que l'Amérique avait vieilli et était fatiguée de jouer le rôle de gendarme du monde, mais aussi de celui du corvéable à merci, d'un géant capable de protéger ces roquets de pays baltes à la voix perçante. Il est venu, il s'est imposé, il a remporté l'élection malgré les difficultés.
Et ensuite on s'est mis à essayer de faire de lui un président américain normal, sans volonté. Il n'a personne avec qui il pourrait mettre en oeuvre ses réformes au bord de la ruine. Il n'a ni gardes du corps, ni tchékistes, ni militants, ni de propre parti politique. Pour faire sa révolution politique, il est obligé de choisir des généraux de la marine à la retraite au lieu de révolutionnaires. Les généraux, ils sont bien rasés, ils ont les joues creuses et ils disent des bêtises.
C'est cela, la tragédie de Donald Trump.
La moitié de l'Amérique ne l'écoute pas. Comment est-ce possible ? Avant, toute l'Amérique écoutait les président élus, maintenant plus personne ne le fait.
L'Amérique sent, je le crois, qu'il faut du changement, mais elle ne veut pas, cela la révulse de le faire.
Pourvu qu'on ne le tue pas, ce réformateur.
Edouard Limonov - 17 févr. 2017
Edouard Limonov est un écrivain et dissident politique, fondateur et chef du Parti national-bolchevique (Natsbol) interdit en Russie. Célèbre pour son charisme et ses prises de position controversées, son ouvrage le plus connu paraît aux Etats-Unis et à Paris est intitulé C'est moi, Eddie ou Le poète russe préfère les grands nègres (1980), qui connaît un immense succès. L'ouvrage de l'écrivain français Emmanuel Carrère qui retrace la vie de Edouard Limonov a obtenu le prix Renaudot.
Source: francais.rt.com