Suite au premier tour de l'élection présidentielle française, les réclamations se multiplient autour de son déroulement.
Différents évènements sont abondamment relayés par la presse dont il suffit de prendre connaissance pour comprendre le malaise.
Pour ma part, ce qui m'a le plus frappée, c'est le chiffre faramineux de non inscrits ou mal inscrits. Il s'agit de potentiels électeurs qui ne peuvent voter car ont oublié de se réinscrire après avoir par exemple effectué un déménagement (y compris au sein de la même commune/ville) et sont de facto rayés des listes électorales. Procédé rare mais valable en France.
En clair, si vous déménagez et que la commune enregistre votre nouvelle adresse, vous perdez votre droit d'électeur si vous ne refaites pas l'effort de vous réinscrire... Il faut le savoir. Et bon nombre de gens ne le savent pas!
Or, le nombre de ces non inscrits est énorme!
Pour tenter de comprendre, voici une double approche. La suite de ce papier se divise en deux voies différentes basées sur des publications supposées toutes les deux fiables..
- La première voie s'appuie sur des chiffres relayés par l'Express sur la base d'un entretien avec le professeur Domargen
- Une deuxième voie se base sur les chiffres communiqués par le ministère de l'intérieur communiqué par Europe1
Voie 1: Total des Français pouvant légalement voter (Basé sur les données ci-dessous de l'Express)
Nous allons pour aborder ce chiffre des non inscrits nous appuyer sur l'interview dans l'Express du professeur Jean-Yves Dormagen dans laquelle il avance un chiffre affolant de mal inscrits.
Mais avant de se prêter à l'exercice, voici qui est J-Y Dormagen. Professeur de sciences politiques à l'Université de Montpellier I et à l'École normale supérieure. M Dormagen est aussi agrégé de sciences politiques (2005) et d'histoire, il est également Docteur de l'Université Paris I et ancien membre de l'École Française de Rome. Il a publié de nombreuses études, notamment Les Logiques du faschisme italien (Fayard, 2007).
Et voilà que M Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier ont enquêté cinq ans sur la démobilisation électorale, à Saint-Denis. En pointant la «malinscription» ou le «coût» de l'acte électoral, ils dessinent les contours de La Démocratie de l'abstention (Folio Actuel).
M Dormagen est donc une référence académique dans le domaine que nous traitons ici et sur laquelle nous allons en toute confiance nous appuyer.
Dans l'article qui relaie l'entretien avec le professeur Dormagen, l'Express avance le chiffre de 12 millions de Français de mal-inscrits ou non-inscrits sur les listes ( Source L'Express), avec les jeunes en pole position!
Un peu plus bas, nous découvrons un autre paragraphe encore plus interpellant qui dit:
« Sur les quelque 45 millions de Français en droit de voter, « un quart ne sont pas inscrits à l'adresse où ils habitent«. Soit 7 millions de citoyens mal-inscrits auxquels s'ajoutent au moins 4 millions de non-inscrits. « C'est une anomalie démocratique considérable, qui a une influence sur le vote », insiste le professeur. » (Source L'Express)
Voici les chiffres de l'INSEE qui enregistrent un bond de 800'000 inscrits en une année. Ils n'incluent pas les expatriés
Si nous résumons, nous avons 45, 678 millions d'inscrits. Il convient alors de leur ajouter les 11 à 12 millions de non inscrits. Pour être arrangeants, nous prendrons 11 millions. Cela nous amène à une population légalement admise de 56,678 millions de votants potentiels.
Selon les chiffres de l'Express, 56,678 millions de Français (hors expatriés) seraient alors légitimement en droit de voter (Voie 1)
Voie 2: Total des Français pouvant légalement voter (Basé sur les données gouvernementales)
Parallèlement à cet entretien et aux données du professeur, des chiffres officiels du Ministère de l'Intérieur sont relayés par Europe1: » Le corps électoral se divise en 45,678 millions d'inscrits en France, soit 88,6% des Français majeurs résidant sur le territoire, et 1,3 million de Français établis hors de France inscrits sur les listes électorales consulaires. »
Ce communiqué nous dit que les 45,678 qui constituent le gros des inscrits représente 88,6% de la totalité des potentiels votants Français (hors expatriés) et majeurs inscrits et non inscrits. Une règle de trois nous dit que les 100% de la population votante (hors expatriés) s'élèverait à 51,555 304.
Gardons 51,555 304 millions de personnes (hors expatriés) ayant le droit de voter EN France. (Voie 2)
Nous avons au mieux un écart de plus de 5 millions de votants admissibles entre la voie 1 et la voie 2 avec le chiffre le plus bas de non-inscrits communiqué par l'Express (11 millions). Il manquerait ainsi plus de 5 millions de non-inscrits aux chiffres officiels... Est-ce envisageable?
S'ajoutent à ce qui précède 1,3 millions d'expatriés sont inscrits selon le ministère de l'intérieur. Leur ajout aux 45, 678 d'inscrits selon l'INSEE, nous donnent les 47 millions d'inscrits en tout et référence de calcul des résultats du premier tour.
Nous pouvons les ajouter aux chiffres des voies 1 et 2. Cela n'influencerait pas l'écart de 5 millions relevé ci-dessus.
L'écart de 5 millions si l'on prend en compte l'expertise du professeur Dormagen est énorme. Comment pourrait-on l'expliquer et le justifier?
Ce qui est dessus est une base rapide de réflexion qui invite les intéressés à vérifier les chiffres livrés, à creuser et à affiner l'analyse.
Ces chiffres se basent sur des références publiées par des médias retenus par le Décodex en tant que sources fiables.
Liliane Held-Khawam
Annexe: Français expatriés:
Leur nombre total, mineurs compris, s'élève à: 1, 782 188 millions dont 25% de mineurs. Cela nous fait 1,336641 de potentiels votants, chiffre assez proche des inscrits.
Radiés des listes, mal-inscrits... ces Français qui ne voteront pas malgré eux
Par Chloé Pilorget-Rezzouk, publié le 22/04/2017 à 13:09, mis à jour le 24/04/2017 à 00:41
Alors que le premier tour de la présidentielle se tient ce dimanche, quelque 12 millions de Français sont mal-inscrits ou non-inscrits sur les listes. En première ligne, les jeunes.
A J-1, le compte à rebours est lancé. Dimanche, se tient le premier tour de la présidentielle pour lequel des millions de Français se déplaceront en vue de choisir leur candidat parmi les onze en lice. Mais cette année encore, beaucoup de citoyens ont découvert à leur dépens la complexité du système électoral français. En France, la présence sur les listes électorales n'est en effet pas systématique, passée l'inscription d'office à 18 ans. Au contraire, elle doit faire l'objet d'une démarche de la part du citoyen dès qu'il déménage.
« La France est l'un des rares pays européens où l'inscription sur les listes n'est pas automatique à la déclaration d'une nouvelle adresse de résidence », déplore auprès de L'Express Jean-Yves Dormagen, coauteur avec Céline Braconnier de l'ouvrage La Démocratie de l'abstention. Après chaque déménagement, il faut donc veiller à se réinscrire.
Or, comme l'indique Le Monde, trois millions de Français déménagent chaque année, pour seulement un électeur sur cinq se réinscrivant dans sa nouvelle commune. Les autres deviennent des mal-inscrits, « ces électeurs n'étant pas inscrits dans un bureau de vote de leur commune ou de leur quartier », définit Jean-Yves Dormagen, qui étudie le phénomène depuis quinze ans.
« Une anomalie démocratique considérable »
Pour voter, ils doivent donc se déplacer -parfois à des dizaines de kilomètres- ou faire une procuration. La mal-inscription, c'est trois fois plus de risque d'être abstentionniste. Car la probabilité d'être radié par son ex-mairie est aussi plus forte. De mal-inscrit à non-inscrit il n'y a qu'un pas, surtout lorsqu'il faut démarcher plusieurs mois avant l'échéance du scrutin ou connaître les procédures de recours. « C'est un système qui éloigne du vote, car le temps de l'inscription est désynchronisé de la campagne électorale », poursuit le professeur de sciences-politiques à l'Université de Montpellier.
Une temporalité qui revient à exclure toute une partie du champ électoral français. Moins politisés, moins informés sur les étapes à suivre... « On sait que les plus jeunes et les plus milieux sociaux défavorisés s'intéressent au scrutin à la fin de la campagne », rappelle Jean-Yves Dormagen. Donc souvent trop tard.
Sur les quelque 45 millions de Français en droit de voter, « un quart ne sont pas inscrits à l'adresse où ils habitent ». Soit 7 millions de citoyens mal-inscrits auxquels s'ajoutent au moins 4 millions de non-inscrits. « C'est une anomalie démocratique considérable, qui a une influence sur le vote », insiste le professeur.
En première ligne? Les 20-30 ans. Parmi eux, 40% sont mal-inscrits et 10% non-inscrits. Autrement dit, un jeune sur deux est concerné. Si les 18-20 ans votent le plus car ils sont inscrits d'office à leur majorité, dès 20 ans ont atteint un taux maximal d'abstention: la mobilité des vies d'étudiants et de jeunes actifs est passée par là.
L'Express a interrogé trois d'entre eux. Raphaël, Agathe* et Julie racontent comment ils ont failli devenir abstentionnistes ou le seront pour cette présidentielle. ( lire la suite sur le site)