Alors que les autorités continuent de mener l'enquête sur le Britanno-Libyen responsable de l'attentat de Manchester, le gouvernement avait autorisé des doubles-nationaux considérés comme des menaces sécuritaires à aller se battre contre Kadhafi en 2011
Une peinture murale à Tripoli rend hommage aux combattants de Manchester qui ont rejoint la brigade des « martyrs du 17 février » lors de la révolution libyenne contre Kadhafi (AFP)
Le gouvernement britannique a mené une politique de « porte ouverte » qui a autorisé des exilés libyens et des citoyens britanno-libyens à rejoindre le soulèvement de 2011 qui a renversé Mouammar Kadhafi, ceci malgré le fait que certains d'entre eux faisaient l'objet d'ordonnances de contrôles anti-terroristes.
Plusieurs anciens combattants désormais de retour au Royaume-Uni ont déclaré qu'ils avaient été en mesure de voyager en Libye « sans que personne ne [leur] pose de questions ». Ces révélations adviennent au moment où les autorités britanniques continuent de mener l'enquête sur les antécédents du Britanno-Libyen responsable de l'attentat-suicide qui a tué 22 personnes lundi à Manchester.
Salman Abedi, 22 ans, né au Royaume-Uni de dissidents réfugiés qui sont retournés en Libye au moment où la révolution contre Kadhafi prenait de l'ampleur, aurait passé quelques temps dans ce pays d'Afrique du Nord en 2011 et y serait retourné à plusieurs reprises.
La police britannique a déclaré qu'elle pensait que l'auteur de l'attaque, qui est revenu à Manchester seulement quelques jours avant l'attaque, faisait partie d'un réseau. Les autorités ont arrêté six personnes depuis lundi, dont le frère aîné d'Abedi.
La ministre britannique de l'Intérieur, Amber Rudd, a déclaré qu'Abedi était connu des forces de sécurité. Un travailleur communautaire a déclaré à la BBC que plusieurs personnes l'avaient signalé à la police via une hotline antiterroriste.
Dalman Abedi a voyagé en Libye lors de la révolution de 2011 (photo de la police)
Mercredi, les autorités à Tripoli ont déclaré que le frère cadet d'Abedi ainsi que son père, qui s'est réinstallé en Libye après la révolution, avaient également été arrêtés en raison de soupçons de liens avec le groupe État islamique, qui a revendiqué l'attaque de lundi.
Des sources avec qui MEE s'est entretenu ont suggéré que le gouvernement britannique avait facilité le voyage des exilés libyens et des résidents et citoyens britanno-libyens qui souhaitaient se battre contre Kadhafi, dont certains qui représentaient selon le gouvernement une potentielle menace sécuritaire.
« Aucune question »
Un citoyen britannique d'origine libyenne, soumis à une ordonnance de contrôle - c'est-à-dire assigné à résidence - en raison de craintes qu'il rejoigne des groupes de combattants en Irak, s'est déclaré « choqué » d'avoir pu se rendre en Libye pour combattre en 2011 peu après la fin de son assignation à résidence.
« J'ai eu le droit d'y aller, sans qu'on ne me pose de questions », a déclaré notre source, qui a souhaité rester anonyme.
Il a expliqué qu'il avait rencontré d'autres Britanno-Libyens de l'est de Londres dont les ordonnances de contrôle avaient été levées en 2011 tandis que la guerre contre Kadhafi s'intensifiait et que le Royaume-Uni, la France et les États-Unis effectuaient des frappes aériennes et déployaient des soldats des forces spéciales pour venir en aide aux rebelles.
« Ils n'avaient pas de passeport, ils cherchaient des faux ou cherchaient un moyen de s'y rendre illégalement », a affirmé la source.
Toutefois, selon ses dires, quelques jours après la levée de leurs assignations à résidence, les autorités britanniques leur ont rendu leurs passeports.
« C'étaient des gars de la vieille école du GIGL, elles [les autorités britanniques] savaient ce qu'elles faisaient », a-t-il déclaré, en faisant référence au Groupe islamique combattant en Libye, un groupe de combattants islamistes anti-Kadhafi formé en 1990 par des vétérans libyens de la guerre contre l'Union soviétique en Afghanistan. Ce groupe était considéré par le gouvernement britannique comme une organisation terroriste ayant des liens avec al-Qaïda.
Un autre combattant britannique a décrit comment il avait été arrêté en vertu des pouvoirs antiterroristes du « Schedule 7 » à son retour au Royaume-Uni après une visite en Libye au début de 2011. « Schedule 7 » autorise la police à arrêter et questionner toute personne passant les contrôles des frontières dans les ports et aéroports britanniques afin d'établir si elles sont impliquées dans des activités terroristes.
Il décrit avoir été interrogé par la suite par un agent des renseignements du MI5, l'agence de sécurité nationale du Royaume-Uni. « Es-tu disposé à aller au combat ? », lui a-t-il demandé.
« Tandis que je prenais le temps de trouver une réponse, il s'est tourné et m'a dit que le gouvernement britannique ne voyait pas d'inconvénient à envoyer des gens se battre contre Kadhafi », a-t-il déclaré à MEE.
Voyage « arrangé » par le MI5
Lors de son retour en Libye, en mai, alors qu'il se trouvait dans la salle d'embarquement, il fut accosté par deux policiers du contre-terrorisme, qui l'ont averti que, s'il partait se battre, il commettrait un délit.
Or, après leur avoir indiqué le nom et le numéro de téléphone de l'officier du MI5 avec qui il s'était entretenu auparavant, ils ont téléphoné à ce numéro puis l'ont laissé passer.
Pendant qu'il attendait de monter à bord de l'avion, il a précisé que l'agent du MI5 l'avait appelé pour lui dire qu'il avait « tout arrangé ».
« Le gouvernement n'a opposé aucun obstacle à ceux qui partaient en Libye », a-t-il expliqué à MEE.
« La grande majorité des Britanniques étaient des types dans la vingtaine. Certains d'à peine 18, 19 ans. La plupart de ceux partis d'ici venaient de Manchester. »
Il a affirmé, par contre, qu'il était improbable qu'Abedi, sans doute 16 ans seulement à l'époque, ait été recruté pour combattre.
« Les gars avec qui je combattais n'auraient jamais au grand jamais posté un jeune de 16 ans sur le front. »
Un autre citoyen britannique, combattant expérimenté aux côtés des groupes rebelles tant en Libye qu'en Syrie, a lui aussi raconté à MEE qu'il n'avait eu aucun problème pour entrer au Royaume-Uni et en sortir.
« On ne m'a posé aucune question », assure-t-il.
La majorité des combattants a pris l'avion pour la Tunisie, pour ensuite entrer en Libye, pendant que d'autres passaient par Malte, explique-t-il.
« Toute la Diaspora libyenne s'est retrouvée là-bas, à combattre aux côtés des groupes rebelles », a-t-il ajouté.
Un Britanno-Libyen de Manchester (qui souhaite rester anonyme) a dit à MEE qu'il était allé fréquemment en Libye pendant la révolution de 2011, pour effectuer des missions d'aide humanitaire.
« On ne m'a jamais empêché de me rendre en Libye et personne ne m'a arrêté quand j'ai voulu revenir ici », a-t-il indiqué.
Cet homme a expliqué avoir par hasard rencontré Salman Abedi à leur mosquée locale, dans le quartier de Didsbury, mais qu'il s'était « montré très réservé » et qu'il n'était pas un membre actif de la communauté.
D'après lui, la famille d'Abedi, originaire de Tripoli, était retournée en Libye.
« C'est normal. Quand on est loin de sa famille, on perd peu à peu son sentiment d'appartenance. On essaie de vous faire croire que nous, Libyens de Manchester, étions au courant. Mais c'était un citoyen lambda, qui n'a rien à voir avec nous. »
Voici comme une autre personne qui connaissait Abedi parle de lui : une « tête brûlée », connu pour son implication dans des affaires de petite criminalité.
« Hier, ils étaient trafiquants de drogue, aujourd'hui ils sont musulmans », déplore-t-il, ajoutant savoir qu'Abedi avait aussi sans doute été ami d'Anil Khalil Raoufi, recruteur de l'État islamique à Didsbury, tué en Syrie en 2014.
« Entraînement militaire des forces spéciales SAS »
L'un des anciens combattants contactés par MEE a raconté qu'il avait effectué un « travail de relations publiques » pour le compte des rebelles, quelques mois avant le renversement et la mort de Kadhafi, en octobre de 2011.
Son travail consistait à monter des vidéos montrant des rebelles libyens formés par des anciens SAS britanniques et des mercenaires des forces spéciales irlandaises à Benghazi, ville à l'est du pays d'où partit le soulèvement contre Kadhafi.
« Rien à voir avec les vidéos de nasheeds [chansons] arabes bon marché ; c'étaient des films époustouflants, aux finitions parfaites et de qualité professionnelle que nous présentions à des Qataris et des Emiratis pour qu'ils soutiennent les troupes qui recevaient l'entraînement des troupes d'élite du SAS. »
Les commandants rebelles l'avaient également chargé de la formation de jeunes Libyens au maniement d'une caméra, pour produire des séries de vidéos vendues aux médias internationaux.
Photo d'un combattant volontaire originaire de Manchester à Ajdabiya à l'est de la Libye en avril 2011 (AFP)
Lors d'une mission dans une école de Misrata dans un camp de base rebelle, il est tombé sur un groupe d'environ huit jeunes Libyens britanniques. Après avoir plaisanté sur leur accent du Nord, il a appris qu'ils n'avaient jamais auparavant mis les pieds en Libye.
« On leur aurait donné 17, 18 ans, 20 au plus. Ils parlaient avec les accents typiques de Manchester », se souvient-il. « Ils vivaient là, combattaient, et ne comptaient ni leur temps ni leurs efforts. »
Nombre d'exilés libyens au Royaume-Uni liés au GIGL ont été soumis à des ordonnances de contrôle ainsi que des mesures de contrôle et de surveillance suite au rapprochement entre les gouvernements britannique et libyen, scellé par ce qu'on appelle le « Deal in the Desert », contrat signé en 2004 par Tony Blair (Premier ministre britannique à l'époque) et Kadhafi.
Les documents récupérés dans les bureaux ravagés des services libyens du renseignement, suite au renversement de Kadhafi en 2011, révèlent que le contrat exigeait des services de sécurité britanniques de s'en prendre aux dissidents libyens présents au Royaume-Uni, et de contribuer au transfert à Tripoli de deux chefs importants du GIGL, Abdel Hakim Belhaj et Sami al-Saadi, qui prétendent avoir été soumis là-bas à la torture.
Belhaj est retourné plus tard en Libye, où il devint l'un des acteurs les plus en vue du soulèvement contre Kadhafi tandis qu'un autre ancien exilé libyen soumis à des mesures de surveillance au Royaume-Uni fut plus tard chargé de la sécurité des dignitaires en visite en Libye, dont le Premier ministre britannique David Cameron, le président français Nicolas Sarkozy et la Secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, a-t-on informé MEE.
« Quand la révolution a commencé, les choses ont changé »
Ziad Hashem, membre du GIGL à qui le Royaume-Uni a accordé l'asile politique, a dit en 2015 qu'il avait été détenu sans accusation pendant 18 mois, puis assigné à résidence pendant encore trois ans, sur la foi d'informations fournies, d'après lui, par les renseignements libyens.
Or, voici ce qu'il déclare : « Quand la révolution a commencé, les choses ont changé en Grande-Bretagne. On s'est mis à me parler et à me traiter d'une toute autre façon. On m'a offert des prestations sociales, l'autorisation de rester dans le pays aussi longtemps que je le souhaitais, et même la citoyenneté britannique. »
Les ordonnances de contrôle furent introduites dans le cadre de la législation antiterroriste passée suite aux attentats de 2005 à Londres.
Ces lois ont permis aux autorités de restreindre l'activité des gens soupçonnés de participation à des activités liées au terrorisme : ils sont obligés de rester jusqu'à 16 heures par jour à une adresse prédéfinie, et de porter un bracelet électronique. Leur accès aux communications téléphoniques et Internet est limité et on leur interdit de rencontrer ou communiquer avec d'autres personnes estimées suspectes.
50 personnes au moins ont été soumises à cette mesure, dont au moins douze exilés libyens.
En 2011, les ordonnances de contrôle furent remplacées par les Mesures d'Enquête et de Prévention du Terrorisme (Terrorism Prevention and Investigation Measures, TPIMs). Elles permettent aux autorités d'imposer un grand nombre de ces mêmes restrictions, pour un maximum de deux ans.
Le ministère de l'Intérieur a informé MEE qu'il ne souhaitait pas s'exprimer sur des cas individuels ; les TPIMs, a-t-il affirmé, sont un moyen durable et efficace de traiter les personnes suspectées de terrorisme qui ne pouvaient être poursuivies ou expulsées.
Il a ajouté que les dispositions impliquant la police, le ministère de l'Intérieur et les services de sécurité (MI5) avaient été mises en place en 2011, pendant la transition entre les ordonnances de contrôle et les TPIMs, pour garantir la protection de la sécurité nationale.
Amandla Thomas et Johnson et Simon Hooper | 25 mai 2017 | MEE
Areeb Ullah a contribué à ce reportage.
Article original en anglais traduit par email protected.
URL : arretsurinfo.ch
Les services britanniques savaient que le kamikaze de Manchester préparait un attentat
Crédit photo: Reuters
Que savait le gouvernement britannique ?
Selon des allégations explosives, l'agence de renseignement MI5 du Royaume-Uni aurait été avertie que le kamikaze de Manchester, Salman Abedi, planifiait une atrocité terroriste.
Le 22 mai, Abedi a fait sauter un engin explosif chargé d'éclats après un concert à Manchester de la chanteuse américaine Ariana Grande. L'attentat a fait 22 morts, dont de nombreux enfants, et 116 blessés.
Selon le Mail on Sunday, « le FBI a déclaré au MI5 qu'Abedi faisait partie d'une cellule nord-africaine de l'État islamique qui préparait une attaque contre une cible politique au Royaume-Uni ».
Le FBI a transmis ces avertissements au MI5 en janvier, après avoir placé Abedi sur une liste de terroristes en 2016. Un responsable anonyme « des renseignements » a déclaré au Daily Mail que le FBI aurait dit au MI5 qu'Abedi « appartenait à un groupe terroriste nord-africain à Manchester, qui cherchait une cible politique dans ce pays ».
Il a poursuivi : « À la suite de cette information américaine, le MI5 a examiné Abedi et d'autres membres de la bande. On pensait à l'époque qu'Abedi prévoyait d'assassiner une figure politique. Mais rien n'est venu de cette enquête et, tragiquement, il a cessé d'être une cible prioritaire ».
Ceci taille en pièces l'affirmation de la Première ministre Theresa May selon laquelle Abedi était un « loup solitaire », connu des services britanniques « jusqu'à un certain point ». Il n'est pas crédible d'affirmer qu'un individu qui envisageait un assassinat « politique » - visant le Premier ministre, le secrétaire des Affaires étrangères ou la Reine - a pu se glisser sous le radar.
Effectivement, le MI5 a laissé le champ libre à Abedi pour mener un attentat. Les révélations du Daily Mail renvoient aux preuves croissantes de l'implication des services britanniques et des gouvernements successifs dans la cultivation de réseaux terroristes islamistes, dans le cadre de leurs opérations en Libye et en Syrie.
Jeudi, le site Middle East Eye (MEE) a dévoilé la politique de « porte ouverte » du gouvernement conservateur de David Cameron (*), qui permettait aux membres du Groupe de lutte islamique libyen (LIFG) de se rendre en Libye en 2011 pour attaquer le régime du colonel Muammar Kadhafi. May était la secrétaire de l'Intérieur à l'époque. Les parents d'Abedi étaient tous deux membres du LIFG. Ils ont pu voyager librement, notamment entre le Royaume-Uni, la Libye, et la Syrie.
Selon des anciens combattants pro-Otan interrogés par la MEE, les services britanniques ont aidé leurs mouvements, en leur fournissant des passeports et en organisant leurs départs. Belal Younis, qui a voyagé en Libye en 2011, a déclaré qu'il avait été interrogé par un officier du MI5 qui l'avait détenu après un voyage en Libye au début de 2011 : « Êtes-vous prêt à aller au combat ? »
« J'ai tardé à répondre », a déclaré Younis à MEE, « et il s'est retourné et m'a dit que l'Etat britannique n'avait aucun problème avec les personnes qui se battaient contre Kadhafi ».
Lors d'un voyage ultérieur en Libye en mai 2011, il a été interrogé par la police antiterroriste dans un aéroport britannique, mais un officier du MI5 a intercédé afin de le 'faire passer ». Cet officier a appelé Younis plus tard, pour dire qu'il avait pu « régler le problème ».
Nombre de ceux qui ont voyagé en Libye avaient été soumis auparavant à une surveillance antiterroriste qui imposait des restrictions strictes sur leur mouvement et leur activité sur Internet. Ces ordonnances ont été levées en 2011, quand Londres a rejoint les efforts de Washington et de Paris pour renverser Gaddafi.
Dans le dos du peuple britannique, y compris des proches des victimes de l'attentat de lundi dernier, Manchester était devenu un centre des réseaux qui acheminaient les combattants en Libye. Younis a déclaré aux journalistes du MEE : « La majorité qui est venue d'ici était de Manchester. » Un autre témoin a déclaré de jeunes recrues rencontrées lors d'une visite dans un camp rebelle à Misrata cette même année « avaient de vrais accents de Manchester ».
Un combattant d'origine britannique a déclaré aux MEE qu'ils pouvaient également voyager en Syrie, où des islamistes liés à d'Al-Qaïda et soutenus par Washington et Londres se battent pour renverser Bashar Al-Assad. Abedi lui-même a été autorisé à voyager en Syrie. « Aucune question n'a été posée », a déclaré Younis. Un autre britannique libyen dit avoir travaillé pour le SAS (les Forces spéciales britanniques) à Benghazi pour éditer des vidéos de recrutement, qui montraient le SAS et les Forces spéciales irlandaises en train de former des combattants islamistes.
Dans le Daily Mail samedi, Peter Oborne a accusé le MI6 (**), le renseignement extérieur britannique, de collusion directe avec des organisations terroristes en Libye et en Syrie. Oborne, un rédacteur associé du Spectator et ancien commentateur au Daily Telegraph, a écrit : « Les officiers du MI6 sont complices de la création d'une génération de jihadistes nés au Royaume-Uni qui sont prêts à tout, et à tuer n'importe qui - même de jeunes enfants - afin de détruire ce pays ».
« Il y a toutes les raisons de supposer que le travail maléfique de Salman Abedi au Manchester Arena lundi soir était en partie une conséquence directe de l'ingérence du MI6 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ».
Oborne a souligné le rôle du MI6 dans le gouvernement travailliste de Tony Blair. Ses anciens chefs, Sir Richard Dearlove et Sir John Scarlett, « ont permis [à MI6] de devenir un outil de propagande pour la clique des fauteurs de guerre du Premier ministre ».
Scarlett a rédigé le dossier tristement célèbr sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, utilisées par Blair pour fournir une fausse justification pour envahir l'Irak.
« Le MI6 n'a pas appris les leçons de cette débâcle », a écrit Oborne, selon lequel des « centaines » de Britanniques « ont pu voyager à l'étranger pour rejoindre des organisations djihadistes ».
Les relations sordides de la Grande-Bretagne avec le LIFG et d'autres groupes liés à Al-Qaïda remontent aux années 1990. Le LIFG consiste des moudjahidines soutenis par les États-Unis en Afghanistan, afin de déstabiliser l'Union soviétique. Depuis lors, les fortunes du LIFG ont évolué selon le hasard des changements dans la politique étrangère britannique et américaine.
En 1996, les services britanniques ont payé des sommes considérables aux dirigeants du LIFG pour tenter d'assassiner Kadhafi, selon les fuites des hauts fonctionnaires français et d'un ex-officier de MI5, David Shayler. En 2004, après le rapprochement de Blair avec le régime libyen, le MI6 a aidé à capturer le leader du LIFG, Abdel-Hakim Belhaj, et son adjoint, Sami al-Saadi. Selon l'historien britannique Mark Curtis, Belhaj a été remis à la CIA, torturé, puis renvoyé à Tripoli pour passer six ans en isolement cellulaire, où les agents du MI6 l'auraient interrogé.
En 2011, face au printemps arabe, Washington et Londres ont mis en place des plans de longue date pour une offensive militaire au Moyen-Orient. Les ordres de lutte antiterroriste contre le LIFG ont été levés parce que, selon Curtis, Londres « a de nouveau constaté que ses intérêts - principalement concernant le pétrole - coïncidaient avec ceux des forces islamistes en Libye ».
L'impérialisme britannique considère froidement que les centaines de victimes à Manchester, tout comme le nombre incalculable de victimes en Syrie, en Libye, en Irak, en Afghanistan, et dans d'autres pays envahis ou occupés, sont des « dommages collatéraux ».
Ces révélations explosives soulèvent de nombreuses questions :
Pourquoi le MI5 a-t-il cessé d'enquêter sur Salman Abedi et qui a autorisé la levée de l'enquête ?
Pourquoi a-t-il pu voyager librement dans toute l'Union européenne et au Moyen-Orient, y compris dans des centres terroristes connus ?
Le MI5 a-t-il dit à May qu'Abedi risquait de frapper une cible politique en Grande-Bretagne ?
Comment a-t-il pu recevoir des milliers de livres en prêts estudiantins pour financer ses activités, dont des voyages et la location de résidences multiples avant l'attentat de lundi dernier, alors qu'il ne faisait pas d'études ?
La semaine dernière, le leader travailliste, Jeremy Corbyn, a provoqué la colère des médias en soulignant le lien évident entre la participation britannique aux guerres néo-coloniales et le danger du terrorisme. The Guardian a mené l'attaque : « C'est une illusion de penser que les attaques terroristes sont simplement une question de politique étrangère ». Paul Mason a déclaré : « La 'théorie du retour de flamme', qui rend les guerres expéditionnaires occidentales directement responsables du terrorisme islamiste, est à la fois simpliste et non pertinente ».
Cependant, Corbyn a été silencieux sur la responsabilité des gouvernements successifs, travaillistes et torys, pour avoir lancé des guerres d'agression. Il même promis de donner à l'armée et aux services du renseignement des ressources supplémentaires. Jusqu'à présent, Corbyn n'a rien dit à propos des révélations que le MI5 avait été prévenu des projets d'Abedi.
Par Laura Tiernan | 29 mai 2017 | WSWS
(**) dailymail.co.uk
Source: arretsurinfo.ch