Moon of Alabama
La campagne saoudo / émirati contre le Qatar a vite tourné au bazar. Le Qatar n'a pas craqué comme prévu. Il n'y avait pas de plan B. Les instigateurs du plan doivent maintenant craindre pour leur tête.
L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Qatar ont tous créé et dorloté des groupes extrémistes qui se battent dans d'autres pays. Ils fournissent de l'argent, des armes et du soutien politique et médiatique à divers groupes de meurtriers Takfiris. Contrairement aux trois autres, le Qatar a soutenu non seulement des salafistes ultra-conservateurs, mais aussi des groupes alignés sur les Frères musulmans. Les Frères musulmans n'acceptent pas la domination des monarques absolus arabes. Ils proposent un mode de gouvernance alternatif qui inclut une certaine participation démocratique du peuple. Du coup, les Saoudiens et les autres dictatures familiales les considèrent comme une menace terrible. Le dictateur militaire de l'Egypte, qui partage l'avis des Saoudiens sur la question, a renversé par un coup d'Etat le gouvernement des Frères musulmans élu de son pays.
Les Saoudiens et les trois autres ont voulu régler le cas du Qatar. Son porte-parole médiatique, Al-Jazeerah en Arabique, défend les mêmes positions sectaire et anti-iraniennes que les Saoudiens, mais il soutient également les frères musulmans. Cela ne pouvait plus durer.
Le 5 juin, les quatre pays ont décrété le boycott et le blocus du Qatar. Trois semaines plus tard, ils ont envoyé au Qatar une liste d'exigences qu'on pourrait résumer ainsi : « Renoncez à votre souveraineté, sinon... ». L' « offre » ne pouvait qu'être refusée. Elle exigeait pratiquement la capitulation totale du Qatar et était assortie de menaces de sanctions supplémentaires et même d'une attaque armée.
Comme MoA l'avait prédit deux jours après le début du conflit, soit le 7 juin, le Qatar n'a pas capitulé. Il a des centaines de milliards de réserves monétaires, le soutien international de ses partenaires et clients du gaz liquéfié, et il est approvisionné et soutenu par la Turquie et l'Iran. Il n'a tout simplement pas répondu à « l'offre » avant la fin de l'ultimatum.
Les Saoudiens ont cligné de l'œil les premiers*. Dimanche, ils ont prolongé l'ultimatum de deux jours. Hier, le Qatar a répondu en listant ses propres exigences qui, comme « l'offre » des Saoudiens, ne pouvaient qu'être refusées. Il a également annoncé qu'il augmenterait ses exportations de gaz liquéfié d'un tiers ce qui pourrait enlever des parts de marché et des revenus aux Saoudiens. Il a rappelé aux Émirats arabes unis que 80% de leurs approvisionnements en électricité dépendaient du gaz naturel livré par le Qatar.
Aujourd'hui, les Saoudiens, les Émirats arabes unis, l'Égypte et le Bahreïn se sont rencontrés pour étudier les futures conséquences et discuter de nouvelles mesures contre le Qatar. Les médias du Golfe ont prédit plus de sanctions.
Mais la bande de quatre a décidé... de ne rien faire :
Les ministres des Affaires étrangères de quatre pays arabes, réunis au Caire, ont déclaré regretter la réponse « négative » du Qatar à leur liste de demandes.Le ministre saoudien des Affaires étrangères a déclaré que d'autres mesures seraient prises contre le Qatar au moment opportun et qu'elles seraient conformes au droit international.
La réunion a eu lieu à la date limite où le Qatar devait accepter la liste des demandes ou faire face à d'autres sanctions.
Tout cela est très embarrassant pour les princes bouffons des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite. Ces derniers, Mohammad bin Zayed et Mohammad bin Salman, sont les instigateurs de la campagne contre le Qatar. La réunion d'aujourd'hui aurait dû accoucher d'une mesure de rétorsion quelconque contre le Qatar qui n'avait répondu à aucune de leurs exigences : d'importantes sanctions supplémentaires ou l'intensification du blocus, ou une menace d'attaque armée. Mais la réunion n'a abouti à... rien.
Les princes bouffons ont tiré toutes leurs cartouches le premier jour. Il ne leur restait plus de nouvelles mesures appropriées à mettre en œuvre. Le Koweït et Oman refusent de chasser le Qatar du Conseil de coopération du Golfe, les Émirats arabes unis perdraient toutes leurs entreprises internationales à Dubaï si les approvisionnements en gaz qatari et, par conséquent, leur électricité, s'arrêtaient. Un blocage accru du Qatar est impossible sans l'accord de la Russie, des Etats-Unis et d'autres grands pays.
Un tel affront aura des conséquences. Lorsque le prince bouffon saoudien a lancé la guerre contre le Yémen, il s'attendait à ce que Sanaa tombe en quelques jours comme il l'avait annoncé. Deux ans plus tard, Sanaa n'est pas tombée et les Saoudiens perdent la guerre. Le Qatar devait capituler en quelques jours. Mais il a suffisamment de capitaux et de revenus pour supporter la situation actuelle pendant de nombreuses années encore. La guerre contre le Yémen et les sanctions contre le Qatar visaient indirectement l'Iran, l'ennemi juré que les Saoudiens se sont choisis. Mais sans même avoir investi un centime, l'Iran est maintenant le gagnant des deux conflits. Mohammad bin Salman, le prince bouffon saoudien, s'est révélé par deux fois un stratège si catastrophique qu'il met son pays en danger.
Le roi saoudien Salman et son fils ont annoncé qu'aucun d'entre eux ne participerait à la prochaine réunion du G-20 à Hambourg. Selon les rumeurs, ils craignent qu'un coup d'état n'ait lieu si l'un d'eux quittait le pays.
Il ne faudra pas être surpris si l'ère des Salman se termine dans un bain de sang au cours de la semaine ou du mois prochain.
Moon of Alabama
Note :
*Allusion au jeu des enfants qui consiste à se regarder droit dans les yeux. Le premier qui bat des paupières a perdu.