Par Andrea Lobo
Le Département du Trésor des États-Unis a imposé des sanctions financières sur les biens personnels du président vénézuélien Nicolas Maduro lundi en réponse aux élections de l'assemblée constituante dimanche.
La mesure de l'administration Trump marque une escalade importante mais prudente de l'implication impérialiste américaine dans la crise vénézuélienne. En limitant ses sanctions aux biens de Maduro et en évitant des sanctions directes contre la société pétrolière publique vénézuélienne PDVSA, l'administration Trump envoie un message aux potentiels détracteurs de l'armée et au Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) de Maduro que les États-Unis sont disposés à faire affaire avec des membres du gouvernement pour forcer sa chute.
La coïncidence des manifestations en cours et l'annonce des sanctions mettent l'accent sur la forte implication de la CIA et d'autres agents de renseignement liés aux États-Unis qui soutiennent les efforts de l'opposition pour renverser le gouvernement. L'annonce des sanctions vise également à enflammer les tensions dans le pays, et le gouvernement Trump sait que Maduro utilisera les sanctions américaines pour intensifier la répression de l'État, une action que les États-Unis utiliseront ensuite pour justifier une intervention ultérieure.
Les États-Unis ont annoncé les sanctions seulement quelques heures après que Trump a promu John Kelly comme son nouveau chef d'état-major. Kelly, qui a récemment dirigé la force de déportation de Trump au Department of Homeland Security (ministère de la sécurité intérieur), a précédemment été l'ancien chef militaire du Commandement Sud des États-Unis (SOUTHCOM), chargé de superviser les opérations américaines en Amérique latine. Le choix de Kelly à ce poste et l'action contre le Venezuela indiquent que les États-Unis ont l'intention d'être plus activement impliqués dans la région dans leur tentative de « pivoter vers l'Amérique latine » et contester l'influence de la Chine.
L'annonce du secrétaire du Trésor Steve Mnuchin selon laquelle les sanctions gèleront les biens de Maduro aux États-Unis et interdiront aux citoyens américains de faire affaire avec lui est la prochaine étape d'une série délibérée de mesures croissantes contre le gouvernement vénézuélien.
En février, les États-Unis ont adopté des mesures similaires contre le vice-président du pays, Tareck El Aissami. En mai, les États-Unis ont sanctionné huit membres de la Cour suprême du pays. La semaine dernière, les États-Unis ont étendu les sanctions pour inclure 13 autres hauts fonctionnaires du PSUV. Maintenant, Mnuchin a annoncé que tous ceux qui participent à l'assemblée constituante nouvellement élue sont sujets à ces pénalités.
Les sanctions ont été accompagnées de menaces accrues des États-Unis. Mnuchin a déclaré que « toutes les options » sont toujours envisagées, y compris des sanctions sur les ressources pétrolières du pays. Sanctionner le pétrole vénézuélien limiterait la capacité du gouvernement à rembourser Wall Street et menacerait de couper ses programmes sociaux et le paiement des employés de l'État, y compris les militaires. Cela aggraverait les tensions sociales dans le pays et entraînerait la mort de milliers de travailleurs et de jeunes du fait de l'intensification de la violence et du manque de nourriture et de services déjà rares.
Le conseiller à la sécurité nationale de Trump, H. R. McMaster, a également pris la parole lors de l'annonce de la sanction, en proclamant que la décision de convoquer l'assemblée constituante était une « mainmise scandaleuse sur le pouvoir absolu » ce qui fait de Maduro un « dictateur ».
Maduro s'ajoute à une liste noire haut de gamme de chefs d'État en fonctions frappés de sanctions américaines, aux côtés de Saddam Hussein en Irak, Mouammar Kadhafi en Libye, Bashar Al-Assad en Syrie, Kim Jong-Un en Corée du Nord et Robert Mugabe du Zimbabwe. Maduro comprendra sans aucune doute le message : les États-Unis ont tué Hussein et Kadhafi, tandis que Assad et Kim ont été ouvertement menacés d'assassinat.
Dans son discours post-électoral de « victoire » dimanche, Maduro a mis en avant agressivement ses appels pour que la Cour suprême et la nouvelle assemblée constituante suppriment l'immunité parlementaire des dirigeants du parti d'opposition, la MUD (Mesa de la Unidad Democrática de Venezuela, Table ronde de l'unité démocratique du Vénézuéla). « La droite a déjà sa cellule de prison en attente. Tous les criminels iront en prison pour les crimes qu'ils ont commis ». De telles menaces, qui seront renforcées en réponse aux provocations américaines, ne visent pas seulement la MUD, mais toute opposition sociale.
Suivant l'exemple des États-Unis, un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni, l'Espagne, le Canada, le Mexique, l'Argentine, le Brésil et le Chili, ont qualifié l'assemblée constituante d'illégitime. Le ministère espagnol des Affaires étrangères envisage de discuter avec l'UE de « mesures supplémentaires susceptibles de favoriser le retour à la démocratie ».
Avant l'annonce de la Maison Blanche, le ministère russe des Affaires étrangères a condamné l'escalade des pressions dirigées par les États-Unis, exhortant les États-Unis et d'autres pays à « renoncer à leurs plans destructeurs capables d'approfondir les divisions dans la société ».
Le gel des biens et les menaces de Washington s'inscrivent dans le contexte d'une crise économique approfondie et de l'intensification des efforts du gouvernement du PSUV et de l'opposition menée par la MUD d'écarter l'un et l'autre afin de prendre le contrôle de l'État. Ceci a mené à la création d'organes de gouvernement parallèles, comme l'Assemblée constituante et la Cour suprême « fantôme », assermentée il y a deux semaines par le Congrès contrôlé par la MUD.
Dimanche, l'Armée bolivarienne (du nom du mouvement de l'ancien président Hugo Chavez) a supervisé le processus électoral et a réprimé violemment les tentatives de l'opposition de mettre fin au vote en montant des barricades et en occupant des bureaux de vote. Les affrontements ont entraîné 10 décès, ce qui a porté le nombre total de personnes tuées depuis que la vague actuelle de manifestations a commencé en avril à 121 avec environ 2 000 blessés.
Selon le Conseil électoral pro-Maduro (CNE), 8 millions de personnes, soit 41,5 pour cent de celles enregistrées, ont voté pour élire les 545 membres de l'assemblée constituante, qui se réuniront jeudi pour reprendre le Palais législatif fédéral, où le Congrès unicaméral dirigé par la MUD s'est réuni.
L'opposition a répondu en demandant à ses partisans de continuer à manifester ; Cependant, le point de vue de la MUD vire vers l'administration Trump, elle est prête à devenir un régime pleinement subordonné aux intérêts de l'oligarchie patronale et financière des États-Unis.
Andrea Lobo
Article paru en anglais, WSWS, le 1ᵉʳ août 2017
La source originale de cet article est wsws.org